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Billet de blog 11 novembre 2018

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De Chatila nous partirons

Entretien avec Antoine Laurent à propos de son film De Chatila nous partirons

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Illustration 1
De Chatila nous partirons, Antoine Laurent, 2018

Combien de temps êtes-vous resté dans le camp ?

J’ai fait quatre allers-retours en 3 ans. Chaque tournage durait plus longtemps que le précédent. Je suis d’abord resté 7 jours puis 10 jours la deuxième fois, ensuite 15 et enfin 1 mois et demi.

Depuis quand avez-vous le désir de filmer le camp et plus spécifiquement l’association ?

Je suis parti en Palestine à 20 ans avec d’autres jeunes de mon âge pour rencontrer des pacifistes sur place. Après ce voyage, je me suis rendu compte qu’il y avait beaucoup de films très bons, tournés en Palestine mais très peu étaient tournés dans les camps de réfugiés. Quelques années plus tard, j’ai pu réaliser un film sur la population kurde de Turquie. J’avais gardé un lien très fort avec le responsable de la délégation, Fernand TUIL. Lorsqu’il a vu mon film sur les Kurdes il m’a proposé d’aller à Chatila. C’est lui qui m’a présenté les trois amis qu’on voit dans le film. En arrivant là-bas, j’ai tout de suite observé les élèves et le travail de leurs professeurs, leur énergie, leur passion et leur désir de transmettre. Il m’est apparu comme une évidence qu’il fallait suivre leur quotidien. Alors que beaucoup de gens dans les camps attendent et ne font rien ; eux agissent. Le fait qu’ils soient jeunes me plaisait aussi. Et puis j’étais content de trouver des gens qui ne me disaient pas ce à quoi je m’attendais. Je trouvais important de les filmer parce qu’ils sont la prochaine génération.

Aviez-vous une grosse équipe pour tourner ? Comment avez-vous pris le son ?

L’équipe était réduite et changeait en fonction du tournage, tout le monde ne pouvait pas revenir. Comme on avait un petit budget, c’était presque un service que je demandais à chacun. Au début, je filmais avec un ingénieur du son, Adrien Birsinger. On prenait plutôt des prises dans le camp, pas trop à l’école. Puis il y a eu quelques problèmes à l’extérieur et j’ai dû rester dans l’école, et j’ai assisté à des cours. C’est à ce moment que j’ai commencé à tourner dans l’association. J’ai été accompagné par un preneur de son sur les trois premiers tournage. Pour le dernier, j’ai tourné seul durant un mois et demi avec un traducteur.

Comment avez-vous préparé le tournage ?

J’ai fait l’erreur - enfin je ne sais pas si c’est une erreur - de tourner beaucoup tout de suite. J’ai été happé par ce décor incroyable. Beaucoup de bruit, beaucoup de vie aussi, je me sentais comme au bord d’un volcan, c’était très excitant. ça me démangeait de filmer et j’ai fini avec 120 heures de rushes. Mais au fur et à mesure des tournages, je visionnais les rushes, et je commençais à penser le film en séquences.

Dans la scène avec la petite fille qui se fait disputer, comment avez-vous mis en scène ? Etait-ce anticipé ?

J’avais passé beaucoup de temps avec elle depuis le début, je l’avais déjà filmée à plusieurs reprises à différents moments de sa vie. Elle était habituée à moi et à ma caméra. Mais au troisième tournage, elle avait disparu. Elle s’était disputée avec les gars du centre et ils étaient trop fiers pour la récupérer. J’ai discuté avec eux pour les convaincre de lui parler. J’ai créé la situation mais je ne l’ai pas vraiment mise en scène. C’est parce que je l’avais déjà beaucoup filmée plus jeune que j’ai pu tourner cette scène à deux caméras. Lorsqu’elle baisse la tête, c’est parce qu’elle est vraiment énervée...

Il y a un contraste entre le calme de l’image et le brouhaha au son, est-ce une intention ?

Oui parfaitement. On l’a travaillé au mixage pour faire ressentir cette réalité. Avec Quentin Romanet (le mixeur du film) on voulait montrer le centre comme une soupape de décompression, une parenthèse. Régulièrement, les enfants restent à l’intérieur pour se défouler ou se détendre. Quand on passe de la vie extérieure à l’intérieur du centre, c’est marquant comme le bruit s’estompe. Je m’y sentais moi-même plus apaisé que dans les ruelles du camp. Par rapport au cadre, c’est vrai que l’image est calme, je me méfiais de la caméra au poing et je n’avais pas envie de donner une sensation de vitesse saccadée, d’être à l’affût, ç’aurait été de mauvais goût. Alors je posais ma caméra sur un trépied pendant des heures, pour éviter les regards-caméra et me faire oublier. Je me levais très tôt et me couchais très tard pour habituer tout le monde à ma présence.

propos recueillis par Anne-Capucine Blot

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