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Tout a commencé avec les conséquences de la pandémie de Covid 19. Puis avec celles du protectionnisme chinois. Ce fût ensuite un enchaînement de catastrophes naturelles aux États Unis. Et aujourd’hui, les répercussions de la guerre en Ukraine.
Depuis deux ans le secteur du BTP est en permanence dans la tourmente. Les ruptures d’approvisionnements et l’augmentation exponentielle du prix des matériaux ont mis les projets à l’arrêt ou engendré d’importants retards de chantier partout en Europe. L’actualité climatique et géopolitique en régit les moindres variations. Et pour cause, le secteur de la construction est l’un des plus grands consommateurs d’énergie et de matières premières.
Aujourd’hui, les ressources nécessaires à la production de bâtiments proviennent des quatre coins de la planète. Les catastrophes climatiques et les crises géopolitiques ont donc fatalement des répercussions sur toute la filière de l’acier, du béton, du plastique, du verre ou du bois.
Hors, à en croire les prévisions du GIEC, le nombre de catastrophes naturelles et tensions géopolitiques n’est pas amené à décroître. Au contraire, à l’avenir il sera probablement augmenté par les effets du réchauffement climatique et par la déplétion des ressources planétaires.
Une secousse passagère qui risque fort de devenir un cahot permanent pour le secteur de la construction ! Pourtant, construire et rénover reste une impérieuse nécessité. La population européenne continue de croître alors qu’inexorablement les bâtiments se dégradent avec le temps. Comment résoudre une telle équation ?
Depuis quelques années, l’Europe voit renaître des savoirs-faire autour de la construction en terre crue, en pierre, en paille et en chanvre. Ces techniques et matériaux, qui nous viennent droit du passé, reprennent aujourd’hui toute leur pertinence. Contrairement aux modes constructifs conventionnels, ils sont nettement plus résilients.
Durant tout leur cycle de vie, ces matériaux naturels ne mobilisent que de faibles quantités d’énergie et de ressources matérielles. Ils sont fabriqués à partir de gisements de matière première que l’on trouve sur les sites de construction ou à proximité : excavations de chantier, carrières de pierre, rebuts d’exploitations agricoles… Leur transformation et leur mise en œuvre ne nécessitent pas non plus de gros outillages mécanisés ou de processus industriels complexes. Puis, une fois en place, leur pérennité limite drastiquement le besoin d’entretien, les réparations sont cantonnées à de petites interventions. En fin de vie, ces éco-matériaux pourront même être valorisés : les matières végétales seront compostées, tandis que les matières minérales se verront réemployées dans d’autres constructions.
Décroissance ou néolibéralisme, peu importe le projet de société défendu, on comprend rapidement que le développement de ces éco-matériaux représente un fort enjeu de souveraineté nationale. Habiter est un besoin humain fondamental avec lequel on ne badine pas. Une pénurie de logements déclencherait de graves mouvements sociaux, l’Histoire en témoigne...
Pour autant, les candidats à l’élection présidentielle française s’en sont très peu saisis durant la campagne. Et malgré l’urgence, beaucoup d’obstacles s’opposent encore au développement de ces filières locales en France.
Des mesures simples pourraient être mises en place pour les encourager. Par exemple : le financement de recherches appliquées pour rendre ces techniques certifiables, assurables, et donc aisément mobilisables par les acteurs du BTP. En l’absence de certification, les assureurs demandent aujourd’hui des études techniques extrêmement longues et onéreuses à chaque nouveau projet. De quoi décourager les plus aventureux...
L’exonération de TVA sur ce type de travaux pourrait également booster la demande dans le marché privé. Les éco-matériaux requièrent plus de main d’œuvre que les matériaux conventionnels. De facto leur coût en est peu concurrentiel : 10 à 25 % plus élevé.
Si elles étaient appliquées, ces mesures entraîneraient une augmentation considérable de la demande. Les économies d’échelle induites, permettraient aux producteurs et constructeurs spécialisés de structurer leur activité durablement et, par la même, d’abaisser les prix de vente. La démocratisation de ces matériaux locaux relève donc d’un choix éminemment politique.
Quoiqu’il en soit, il n’est pas question ici de « revenir à l’Âge de pierre ». Ces éco-matériaux permettent désormais de construire des bâtiments d’allure et de confort contemporain jusqu’à une dizaine d’étages. Et sur le plan climatique, leur développement demeure aujourd’hui la seule alternative qui permettrait de rester sous les 1,5°C de réchauffement planétaire…
Une urgence, un investissement pour l’avenir, dont on peut douter qu’il préoccupe sincèrement le président de la République. L’écologie reste la grande absente du dernier quinquennat et de celui qui s’annonce.

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