Le 13 juillet dernier, le Président de la République annonçait l’organisation d’états généraux de l’information, après les réactions suscitées par la désignation de Geoffroy Lejeune à la tête de la rédaction du Journal du dimanche. Cette initiative pourrait s’avérer utile si le renforcement de la concentration de la presse était un sujet inédit, et si elle n’émanait pas du pouvoir exécutif ayant plongé dans l’incertitude l’ensemble des chaines du service public de l’audiovisuel après la brutale suppression de la redevance qui garantissait son indépendance budgétaire depuis 1933.
Répétition et temporisation gouvernementale
Serpent de mer de la vie démocratique, l’indépendance des médias est un sujet de vigilance récurrent au Parlement. Au Sénat, le rapport du 29 mars 2022 de la commission d’enquête consacrée à la concentration des médias rassemble les conclusions exhaustives de travaux transpartisans, dans une somme de 453 pages, complétées par 852 pages de comptes-rendus d’auditions. De leur côté, les états généraux annoncés par l’Élysée rassembleront probablement les personnes déjà auditionnées lors de la commission d’enquête, qui se soumettront, avec pédagogie, à l’art patient de la répétition. Et de la temporisation.
Ces travaux ont déjà permis de mettre à jour les bouleversements intervenus dans l’ensemble des médias ces dernières années, et la défiance des citoyens vis-à-vis de l’information ainsi produite.
Les leviers d’action sont eux aussi bien identifiés : de nombreuses initiatives parlementaires ont fleuri ces derniers mois, sur lesquelles le Gouvernement pourrait s’appuyer pour prendre, dès la rentrée, des actes législatifs.
L’urgence de renforcer l’information environnementale
En ces temps de dérèglements climatiques, de menaces pour la biodiversité, de raréfaction de nos ressources en eau, de renforcement des inégalités, la liberté d’information revêt une nouvelle importance. Celle de permettre aux citoyens de s’informer sur les solutions existantes pour conduire la transition, et s’adapter à la crise écologique.
La concentration des moyens d’information dans les mains de quelques « capitaines d’industrie » souvent milliardaires aux intérêts opposés à la transition, la généralisation du modèle de financement de l’information par la publicité, génératrice en elle-même d’externalités négatives, et destinée à promouvoir des biens et services polluants, nous poussent à faire du renforcement de l’indépendance de la presse et de l’audiovisuel public une priorité, pour offrir aux citoyens des sources fiables d’information, à la hauteur de ces enjeux environnementaux.
Garantir l’indépendance des rédactions et valoriser des contenus journalistiques sur les réseaux sociaux
Parmi toutes les mesures que nous proposons, rassemblées dans deux propositions de loi déposées fin juin, le renforcement de l’indépendance des rédactions vis-à-vis des actionnaires figure au premier plan. Il s’agit aussi de soumettre ces derniers et des directeurs de rédaction aux obligations instaurées par la loi de transparence pour la vie publique, et de modifier les dispositions ambiguës relatives aux chartes déontologiques introduites en 2016 par la loi Bloche.
Alors que 70% des citoyens européens s’informent désormais via des sources « gratuites » - en réalité, financées par la publicité - nos propositions portent sur des financements alternatifs aux recettes publicitaires. La consécration d’une taxation affectée garantie par une loi organique et renforcement de la visibilité budgétaire pour l’audiovisuel public, décorrélée des cycles électoraux. Elles visent également les aides publiques à la presse, afin de conditionner leur octroi à des règles de gouvernance garantissant l’indépendance de la rédaction, ou encore la création de « bons pour l’indépendance des médias » ouvrant droit à un crédit d’impôt. A contrario, l’échec des contrats climats implique de revoir ce dispositif qui participe au green-washing du secteur publicitaire.
Enfin, il parait désormais capital de soumettre les réseaux sociaux à des règles strictes relatives à la mise en avant des contenus journalistiques, afin de garantir le droit des utilisateurs d’accéder à des informations fiables. En complément des règles qui existent déjà pour lutter contre les fausses informations, nous proposons une obligation de mise en avant systématique des contenus produits par des journalistes, dont l’identification reviendrait à l’ARCOM, en partenariat avec la Commission de la carte d’identité des journalistes. Il est également urgent d’y renforcer l’encadrement de la communication politique en période électorale.
Une grande partie de ces propositions sont largement partagées : il ne manque que l’espace parlementaire pour en discuter. En matière d’information l’heure n’est plus à l’organisation d’états généraux, mais au courage politique.
Les signataires :
Monique de Marco
et
Guy Benarroche, sénateur
Daniel Breuiller, sénateur
Benoit Biteau, député européen
Damien Carême, député européen
Cyrielle Chatelain, députée
David Cormand, député européen
Ronan Dantec, sénateur
Karima Delli, députée européenne
Thomas Dossus, sénateur
Jacques Fernique, sénateur
Charles Fournier, député
Guillaume Gontard, sénateur
Claude Gruffat, député européen
Yannick Jadot, député européen
Joël Labbé, sénateur
Sébastien Peytavie, député
Raymonde Poncet-Monge, sénatrice
Jean-Claude Raux, député
Caroline Roose, députée européenne
Daniel Salmon, sénateur
Eva Sas, députée
Mounir Satouri, député européen
Sabrina Sebaihi, députée
Aurélien Taché, député
Nicolas Thierry, député
Marine Tondelier, secrétaire nationale d’EELV
Marie Toussaint, députée européenne
Mélanie Vogel, sénatrice