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Billet de blog 11 juillet 2024

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Poussière et stabilité

Eh voilà : il faut attendre la nomination d’un nouveau premier ministre, quand bon semblera au petit Manu. Relayé sur France info le 8 Juillet 2024 à 10h, un des soutiens du Président résumait la stratégie du silence de l’Élysée : « Laisser retomber la poussière pour y voir clair ». Et « pour se donner le temps d’assurer la stabilité du pays », on reste avec le petit Gabi.

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Le petit Manu avait pourtant chamboulé les horloges et il l’avait précipité ce temps, nous propulsant dans les courants de la plus forte instabilité politique qui soit. Mais les mots ne font pas peur au petit Manu qui pratique depuis longtemps déjà « la politique des mots vides », selon l’expression de Salman Rushdie. Cette fois il a fait un pas de plus vers le gouffre du langage : chaque mot, loin d’être vide, veut dire son contraire.

Seulement il faut aller plus loin et René Char ne s’y est pas trompé : « Les mots qui vont surgir savent de nous ce que nous ignorons d’eux » et le petit Manu, tout comme sa « cliquetature »[1] de conseillers très rapprochés n’échappent pas à cette vérité d’airain de la langue. Regardons de plus près l’attelage.

Ce matin, au programme donc :  « Poussière et stabilité ».

Après la dissolution de l’Assemblée et au lendemain du deuxième tour des législatives, déclenchées pour nous « envoyer une grenade dégoupillée dans les jambes, on va voir comment ils s’en débrouillent », le petit Manu reprend son jeu favori de cracheur de feu : provoquer l’adversaire à l’aide de la matière hautement inflammable des mots. Un seul objectif : botter en touche et faire diversion. Il a une nouvelle fois perdu ? Les électeurs par lui convoqués lui envoient un deuxième camouflet ? Qu’à cela ne tienne : de la poussière ! Aussi faut-il se garder de s’offusquer et de réagir à cette « poussière » qui appelle immédiatement ces synonymes dépréciatifs : « Débris, vétille, saleté, particules, ordures, détritus... »[2] seraient donc les choix opérés par les électeurs à l’issue des législatives qu’il a lui-même décidées ? Sans doute mais peut-être pas seulement....

De quelle « poussière » s’agit-il?

Mais de celle que chacun voudra. Ainsi l’éventail des représentations s’élargit. Pécadille à tenir pour moins que rien, selon les définitions du CNRTL, ce pourrait être aussi une « poussière blonde, noire; poussière âcre, aveuglante; poussière légère, lourde. Ou encore une « poussière de l'asphalte, de la chaussée, de la route, des rues; bouffée, colonne, nuage, tourbillon de poussière; chemin plein de poussière... » De sorte que nous pourrions aussi « avaler de la poussière; rouler, traîner dans la poussière; soulever la poussière ». Ou encore il pourrait s’agir d’«une poussière qui pénètre partout, une poussière qui vole. »

Loin d’être anodine, elle est polymorphe la coquine ! C’est même pour ça qu’elle est toxique. Car selon sa coloration, elle réveillera chez chacun, des moments de chaos qui ont émaillé les dernières années. Elle signale l’asphalte, le bitume, la rue et à ce titre, la voilà qui rappelle les manifestations des gilets jaunes, celles contre la loi sur les retraites, celles en faveur du climat, et puis les manifestations et émeutes suite à la mort du jeune Nahel, enfin les séries d’action contre les méga-bassines et la construction de nouvelles autoroutes. En somme une série d’événements qui ont surgi dans la rue et dans les champs suite aux musellements successifs de l’Assemblée Nationale et qui ont tous été si bien étouffés dans les tourbillons de poussières des lacrymogènes de la police nationale ; ceux-là ont fini par tout dissoudre en effet.  Pas encore suffisamment pour le petit Manu semble-t-il puisqu’il lui fallait la der et der des dissolutions possibles, celle de l’Assemblée.

Maître des calendriers, le petit Manu aura donc été aussi celui de toutes sortes de pulvérulences.  Il les a tant brassées depuis sept ans.

 Seulement voilà si le petit Manu a beaucoup joué toutes ces années avec la foudre usurpée au petit Jupiter, il lui sera moins facile sans doute de maîtriser les vents soulevés par son dernier coup de dés. Car dans ce tourbillon de poussière est apparu un gros caillou , pour ne pas dire un roc, avec le RN certes en troisième position mais qui a doublé ses sièges à l’Assemblée Nationale et qui fait bloc en route pour 2027 ; puis une droite traditionnelle réduite en poussière; et enfin un Nouveau Front Populaire arrivé en tête mais encore fragile et qui aura à supporter les coups de boutoir de la nouvelle « stabilité » annoncée et imposée jusque sine die par le petit prince de l’Elysée.

Tout de même, un résultat notoire : dans son rôle de pompier pyromane, le petit Manu a bel et bien « fait mordre la poussière »[3] à sa propre formation créée il y a peine sept ans. D’une majorité relative et encombrante malgré les pelletées de 49.3 de son petit soldat Elisabeth, voilà que le parti présidentiel tombe de 245 sièges en 2022 à 163 hier. Et débris de poussières obligent : le coup de la dissolution a fini de désagréger Les Républicains. Son président, E. Ciotti, se sera pris sans doute une grosse poussière dans l’œil quand il a couru ventre à terre le 10 juin pour déjeuner avec  V. Bolloré, puis rejoindre au goûter J. Bardella pour lui déclarer tout son soutien. 

Qui au matin du 8 juillet sera désormais à ses côtés en dehors de ses conseillers de la dernière heure – « les cloportes des rainures du parquet », selon B. Lemaire [4] - pour « baiser la poussière des pieds »[5] du petit Manu ? Cette expression très vieillie de la langue française colle parfaitement à ce petit personnage qui à force de balancer ces grenades a fait rétropédaler les fondements de la démocratie. Vers quel régime ?

Impossible dorénavant  de « jeter de la poussière » ou de la poudre aux yeux de qui que ce soit. Il ne fait plus illusion du tout dans son costume de prestidigitateur qui jongle avec les mots.  Qui encore à ce jour pourrait témoigner un poil de crédibilité à ce chef d’État cracheur de feu qui a failli incendier son propre pays ? Il l’avait pourtant bien soulevée une nouvelle fois sa poudre de perlimpinpin pour nous aveugler et conjuguer au soir du 9 juin dernier deux élections qui n’avaient aucun lien politique entre elles. Allant jusque dans les écoles pour expliquer aux gamins que ce sont les électeurs qui doivent décider ! Mais de quoi donc? Là encore, avec lui, les mots volent en poussières. Quel beau nuage de particules que celui de sa grenade dégoupillée qui a bien failli nous exploser à la figure. Qu’importe : il est parti représenter ( mais qui donc maintenant ?) la France aux réunions de l’OTAN.

Après la Poussière, la Stabilité....

[1] Mot inventé par une de mes amies

[2] Dans la définition du mot donnée par le CNRTL

[3] idem

[4] Bruno Lemaire  sur le plateau de TV5 Monde le 20 Juin : « Les parquets des ministères et des palais de la République sont pleins de cloportes”

[5] idem

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