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Billet de blog 11 juillet 2024

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Poussière et Stabilité, suite

Et sous la poussière, la nouvelle stabilité à la mamière du petit prince de l'Elysée

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           Selon l’arbitraire du petit Manu, en plus de laisser « retomber cette poussière pour y voir plus clair », il faut « prendre le temps pour assurer la stabilité du pays ». De pompier pyromane, le voilà redevenu pyromane pompier. Ainsi la « stabilité » dont il se réclame à nouveau après sa grenade, sera là pour faire barrage à une cohorte de dangereux antonymes : « altération, caprice, changement, commutation, défaillance, déséquilibre, fluctuation, fragilité, incertitude... »[1]... en somme ces mêmes maux dans lesquels il nous a précipités il y a trois semaines à peine et à quoi la France a échappé grâce à l’intelligence de certaines personnalités qui ont émergé et grâce à ses électeurs.

 Et alors ?

Alors rien ! Après que 67% des électeurs se sont exprimés, face à une nouvelle composition de l’Assemblée Nationale, le caprice régalien de notre petit prince veut que nous devrons tout de même  rester « en place, sans bouger ni tomber », conduit dans cet attelage par le petit Manu et le petit Gabi, figés dans cette sorte d’édifice « qui demeure en bon état d’équilibre, sans rupture, ni tassement des matériaux qui la composent »[2].  Telle est la définition du mot stabilité et le piège dans lequel il nous tient pour l’instant sous la poussière qui retombe.  

 Jusqu’à quand ?

Eh bien jusqu’à voir se dessiner « les ligne de failles »,  et comme annoncé dans les propos de l’historien Jean Garigue[3] sur France Info 10H/12H ce 8 juillet. Faille veut dire au sens propre : « fissure, cassure dans une couche géologique », ou encore « fente dans un filon » et au sens figuré : « défaut, faiblesse, point faible. » Autrement dit, jusqu’à ce que se creuse et se mette à trembler l’instabilité tant supposée et attendue du côté du Nouveau Front Populaire qui ne pourrait que sombrer dans ses dissensions. Jusqu’à ce que puisse avoir lieu la pulvérisation du nouveau front de gauche après celle de la droite traditionnelle. Jusqu’à ce que s’ouvre une fois encore une recomposition de pilonnages et d’alliances de couloir et de cabinets.

 Mais cette fois nous avons la clé pour comprendre car à ce petit jeu le petit prince en son palais s’est lui-même depuis longtemps démasqué : c’est peu de dire qu’il nous ment. Il applique à lettre la leçon de « 1984 » de Georges Orwell : un mot pour son contraire. Sauf qu’à la tête de l’État, le mot a une puissance, celle de faire et de défaire. C’est donc de la dynamite.

Je m’interroge tout de même après avoir écouté cette matinale de France Info : à quoi jouent donc certains historiens dans certains media ? Pourquoi leur faut-il toujours et encore se polariser autour du clivage, du conflit, dans cette personnalisation mortifère du pouvoir et se rallier aux coups de boutoir des satanées vieilles figures du paysage politique français ? Pourquoi dérouler librement cette « obéissance d’anticipation » , pointée du doigt par Patrick Boucheron[4], contribuant à faire advenir à force de le craindre si haut, si fort et à tout bout de champ, le chaos ?

Depuis le 9 juin dernier, des voix se sont pourtant fait entendre pour dialoguer, apaiser, échanger et construire. Puissent-elles continuer de convaincre. Mais qui prendra le relais de ces nouvelles figures ?

Ainsi mesure-t-on tout l’enjeu de ce temps nécessaire à la « stabilité » prôné par le petit Manu. On ne saurait trop mettre en garde le petit Manu contre les effets de la poussière incondidéremment soulevée et d'une si longue attente pour regagner une stabilité qu'il a lui même tant mal menée. Car, sous les tourbillons et nuages de débris et des pulvérulence, on entr'aperçoit les fumets de dîners secrets entre les barons des "Valeurs et de l'honneur "- des anciens du Gouvernement, E. Philippe et S. Lecornu - et ceux du déhonneur auxquels il fallaire faire barrage - l'extême droite de M. Le Pen et J. Bardella. Dans les colonnes des débris qui retombent se dessine aussi un vent de contestation chez Renaissance, le parti du petit Manu lui même, ce parti fatigué des tranchées poussiéreuses où ses députés ont été catapultés et ont perdu tant de sièges...

En attendant, du côté du Palais, gageons qu’à force de parier, de jouer aux dés, de mentir et de démentir, de se moquer des uns, des autres, de nous, le petit Manu et le petit Gabi auront l’un comme l’autre un prochain jour à « secouer la poussière de leur propres souliers »[5], c’est-à-dire à partir pour ne plus jamais revenir ni au Gouvernement, ni à l’Élysée.

Le petit prince aurait été bien inspiré de s’appuyer sur Confucius : « Si tu veux mettre de l’ordre dans ta maison, commence par mettre de l’ordre dans ton vocabulaire. » Mais au fait, quelle est sa maison et où habite-t-il vraiment ?

LesMotsPourLeDire

Paris le 8 juillet 2024

[1] idem

[2] Idem, définitions du substantif « Stabilité » dans le CNRTL

[3] Historien et universitaire, spécialiste d’histoire politique et professeur émérite à l’Université d’Orléans.

[4] Historien français, Professeur d’histoire à L’université de Panthéon-Sorbonne et depuis 2015 au Collège de France.

[5] Idem CNRTL

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