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Billet de blog 26 novembre 2012

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Les Cuite-Bonds

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Les Cuite-Bonds

(Texte traduit de l'Italien)

 Joséphine est propriétaire d'un bar très fréquenté. Se rendant compte que la plupart de ses clients sont des chômeurs et qu'ils devraient réduire leur consommation et donc leur fréquentation, elle imagine un plan génial de marketing : elle leur permet de boire tout ce qu'ils veulent à crédit, et sur son registre, elle note les dettes de ses clients. La formule « Buvez aujourd'hui, vous paierez demain » est un énorme succès : la rumeur s'en propage, les affaires augmentent, et le bar de Joséphine devient le plus important de la ville.

 Du coup, elle augmente le prix des consommations, et naturellement personne ne proteste, puisque personne ne paye. C'est une augmentation virtuelle. C'est ainsi que le volume des ventes augmente encore. La banque de Joséphine, rassurée par le chiffre d'affaires, lui augmente son autorisation de découvert. Au fond, disent les Risk Managers, son découvert est garanti par tous les crédits des clients du bar.

 Aussi les directeurs de l'Office Investissement et Alchimie Financière de la banque accouchent d'une géniale idée : ils prennent les crédits de Joséphine et les utilisent comme garantie pour émettre une obligation alléchante qu'ils proposent sur les marchés internationaux : les Cuite-Bonds. Ces Cuite-Bonds obtiennent immédiatement un classement AA+ comme ceux de leur banque émettrice et les investisseurs ne s'aperçoivent pas que ces titres sont en réalité garantis par les dettes de chômeurs alcooliques. Comme ils ont une rente élevée, tout le monde en achète. Et comme tout le monde en veut, leur prix monte, et attire les gestionnaires de Fonds de Pension, attirés eux-mêmes par l'irrésistible combinaison d'une action à rente élevée et dont le prix ne cesse d'augmenter. Les portefeuilles mondiaux se remplissent de Cuite-Bonds.

 Mais un jour, à la banque de Joséphine, un nouveau directeur arrive qui, vu le vent de crise qui souffle, ne veut pas prendre de risque et lui réduit son autorisation de découvert. Alors Joséphine, pour trouver les sous, commence à demander à ses clients de payer leurs dettes. Mais c'est de toute évidence impossible, puisqu'ils sont à la fois ivrognes et chômeurs, et qu'ils ont bu toutes leurs économies. Donc Joséphine ne peut couvrir son découvert et la banque lui coupe le crédit. Le bar fait faillite et ses employés se retrouvent à la rue.

 Le cours du Cuite-Bond chute de 90%. La banque qui l'a émis entre en crise, faute de liquidités, et gèle immédiatement ses activités : plus de prêts aux entreprises, l'activité économique locale se paralyse.

 Pendant ce temps, les fournisseurs de Joséphine, qui, en raison du succès de son bar, lui avaient fourni les alcools avec de grandes facilités de paiement, se retrouvent maintenant avec des créances pourries, puisqu'elle ne peut plus les payer. Or malheureusement, ils avaient eux-mêmes investi dans les Cuite-Bonds, sur lesquels ils perdent 90%. Le fournisseur de bière est le premier à licencier son personnel, et puis il fait faillite. Le fournisseur de vin est racheté par une boîte concurrente qui ferme immédiatement le chais local, renvoie les employés, et délocalise l'activité à 6000 kilomètres de là.

 Heureusement, la banque est sauvée par un méga-prêt du gouvernement sans exigence de garantie et à taux zéro. Pour trouver les fonds nécessaires, le gouvernement a simplement imposé tous ceux qui n'avaient jamais mis les pieds dans le bar de Joséphine, parce qu'ils ne buvaient pas ou qu'ils étaient trop occupés par leur travail.

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