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Billet de blog 31 mai 2018

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Déprogrammer l'avenir

Réponse à la pénible question : "Mais qu'est-ce que tu proposes alors ?"

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

L’avenir est là, dans tout ce qui vit, pense et résiste à la folle logique du capital.

Nous n’avons pas besoin de programme : l’avenir est déjà bien trop programmé. Ce qu’il nous faut, c’est le déprogrammer, c’est-à-dire mettre fin aux séquences, agenda, et autres prévisions concoctées en haut des tours par les dieux du capital.

La logique du capital désigne la folie économique et technologique qui consiste à vouloir produire et vendre toujours plus, tout en apportant sans cesse des solutions technologiques aux problèmes causés par le progrès technologique et cette surproduction.

L’innovation consiste à produire des objets qui répondent à des problèmes qui n’existaient pas avant eux.

La technologie est la coordination et l’automatisation des objets techniques dans un ensemble dont les fins nous échappent.

Il ne faut pas imaginer un monde meilleur. L’utopie qui nous reste est la suivante : faire en sorte que le monde ne devienne pas totalement immonde, c’est-à-dire sauver ce qui doit l’être.

Notre énergie doit être consacrée à distinguer et soutenir ce qui produit encore des ordres sensés dans le désordre du capital. Ce sont toutes les hétérotopies : ces lieux qui abritent la vie et l’esprit, ces lieux habités par une réflexion sur les fins, soucieux de préserver les équilibres avec le reste du vivant.

Un révolutionnaire conséquent ne désire pas une société parfaite : il désire détruire ce qui détruit la société et la vie.

Corollaire : ne pas imaginer, mais critiquer, c’est-à-dire distinguer le vivable et l’invivable, puis agir.

Dans tout ce qui existe, il y a de quoi (re)faire un monde : des paysages, des sourires, des paroles, des amitiés,… bref, de la vie et de l’esprit. C’est ce dont il faut prendre soin et favoriser le développement.

La vie est l’ensemble des processus autonomes qui cherchent à se préserver et se perpétuer dans leur forme. Une des caractéristiques essentielles de la vie est l’homéostasie : la recherche de la stabilité.

Corollaire : être en vie, c’est être en forme.

L’esprit désigne la réalisation de la vie, c’est-à-dire son accomplissement et sa présence à soi. L’esprit prévoit et envisage son action à partir de fins qui n’existent pas encore.

La logique du capital est nuisible à la vie et à l’esprit : la croissance sans but est un scandale biologique et spirituel.

Le sentiment d’impuissance et de tristesse diffuse qui nous envahit est lié à la programmation de l’avenir.

Toute réduction des possibles, c’est-à-dire tout restriction de l’horizon, produit de la tristesse. Inversement, la joie est produite par la sensation de ses propres possibilités et l’élargissement de l’horizon.

Celui qui programme l’avenir programme de la tristesse.

Les partis politiques se réclament tous du changement, parce qu’ils ne peuvent plus rien pour nous. En général, la puissance des mots politiques (c’est-à-dire des éléments de langage) est proportionnelle à l’impuissance réelle des partis (Yes you can!). Changement est le mot qui masque la permanence réelle du capital.

Le capital est un vampire : il parasite l’écosphère et l’œkoumène, en prélevant ses richesses sur le dos du travail vivant. « Le capital est du travail mort, qui ne s'anime qu'en suçant tel un vampire du travail vivant, et qui est d'autant plus vivant qu'il en suce davantage.  » (Marx, Le Capital)

C’est le capitalisme qui modèle actuellement la face du monde : détournant la vie et l’esprit de la recherche d’équilibres sensés, il les fait fonctionner selon sa logique absurde. Tout ce qui est vivant dans les processus économiques et technologiques est un reste fantomatique.

D’où cette impression : les êtres et les choses se désincarnent, perdent leur consistance, leur âme, pour ne devenir qu’éléments chiffrables et interchangeables au sein d’une machine dont le but nous échappe.

Puisque le capital est un parasite, parasitons le capital : fixons-nous comme objectif d’être nuisibles, c’est-à-dire de causer des dommages, autant que possible et quotidiennement, à la machine capitaliste. Sabotage, vol, refus de travailler, grève, blocage,… où que nous soyons, tous les moyens sont bons pour qu’on puisse de nouveau choisir nos fins et ne plus être broyés par nos fonctions.

Refuser de fonctionner, c’est refuser qu’une partie de sa vie soit jour après jour consacrée à nourrir un dieu aveugle qui n’a aucun respect pour la vie et l’esprit.

Autrement dit, il s’agit de prendre son temps. Il n’y a pas de profanation plus brutale du capital. Toute heure oisive, passée à flâner, à traîner, à « féconder l’ennui » (Paul Valéry), est une heure soustraite aux exigences d’efficacité et de productivité du dieu-vampire.

C’est ainsi qu’on peut espérer ralentir l’Histoire, lever la tête du guidon et considérer où nous allons.

La catastrophe est-elle derrière nous? l’idée est séduisante. Mais puisque la vie et l’action politique n’ont du sens qu’en supposant un avenir meilleur, faisons l’hypothèse qu’il y a quelque chose au-delà du mur que nous percutons actuellement.

Déprogrammer l’avenir, c’est lui donner du sens.

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.