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Billet de blog 11 juin 2020

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Centrales d’enrobage : des bombes sanitaires par centaines

L’Hexagone compterait un demi-millier de centrales d’enrobage fabriquant le revêtement de nos routes. Le bitume utilisé à chaud produit des émissions de benzène et de benzo(a)pyrène, substances classées cancérigènes. Des enfants et des adultes tombent malades, de 6 mois à 70 ans, en toute impunité … un scandale sanitaire de plus !

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Extrait de l’allocution de notre Président lors de la crise du Covid :

« … la santé n’a pas de prix, je ne transigerai sur rien … »

Le « bitume roi »

Chaque français parcourt plusieurs dizaines de kilomètres par an sur des réseaux de routes et d’autoroutes, sans se douter à quel prix sanitaire se paie ce degré de liberté. Pourtant des hommes extraient de carrières le granulat calibré qui sera enrobé à chaud, au travers d’une centrale d’enrobage, avec un bitume issu de l’activité pétrochimique. Ce mélange fumant sera déversé, avec délicatesse, pour former un tapis aussi régulier qu’une moquette de salon. Les techniques se sont améliorées avec le temps, mais les dangers pour la santé persistent pour les compagnons des travaux publics. Leucémies, lymphomes de Hodgkin, cancers du poumon, … la liste des pathologies lourdes est longue, touchant autant les ouvriers mettant en œuvre le précieux mélange que les riverains habitant dans l’environnement direct de ces centrales d’enrobage. Le risque est connu, mais nos pouvoirs publics restent dans le déni afin de préserver une activité porteuse d’emplois, récupérée par une poignée de grands groupes BTP du CAC40. Le business est juteux car la rentabilité d’une unité de fabrication d’enrobés présente un taux à deux chiffres.

Benzène et Benzo(a)pyrène

Deux noms barbares, encore appelés « Hydrocarbures Aromatiques », mais deux substances chimiques qui peuvent provoquer des effets ravageurs sur la santé. « H350 : peut provoquer le cancer », « H340 : peut induire des anomalies génétiques », sont deux exemples de danger que l’on identifie si on consulte la Fiche de Données de Sécurité de ces éléments. Pourtant, lors du processus d’enrobage du granulat par le bitume chaud, l’usine de fabrication produit des émissions toxiques contenant ces deux poisons, qu’elle rejette au niveau de sa cheminée d’évacuation des fumées. Avec une hauteur d’une trentaine de mètres, on peut imaginer la dispersion facile de ces molécules cancérigènes dans l’atmosphère, sur plusieurs kilomètres, et selon les caprices de la météo du moment. Etre au mauvais endroit et au mauvais moment, ou la malchance d’inhaler des aérosols pathogènes qui gagneront vos poumons et passeront directement dans le sang. « Tout est poison, mais c’est la dose qui fait le poison … »

Saint-Rogatien, cluster de cancers pédiatriques

Saint-Rogatien, petite bourgade à l’est de La Rochelle, semble payer le prix fort d’une telle pollution aux Hydrocarbures Aromatiques. Une dizaine de cas avérés de cancers pédiatriques, dans un cercle de rayon trois kilomètres, ayant pour centre une unité d’enrobage à chaud. Les enfants sont en première ligne. Une famille, avec un enfant tombant malade à l’âge de 6 mois, se voit dans l’obligation de fuir cette localité pour échapper au pire et mettre le petit à l’abri en vue de le soigner à coup de chimiothérapies. Une adolescente décédée il y a un an, malgré des traitements lourds que même un adulte aurait du mal à supporter. Pourtant le doute est toujours de mise par la toute puissance publique, accumulant des dysfonctionnements et des manquements dans sa mission de surveiller ce type d’activité. Des arrêtés préfectoraux incomplets, des visites d’inspection superficielles et des mises en demeure sans suite, on ne peut pas dire que notre Gendarme des Installations Classées (DREAL) brille aussi fort que les pelotons armés qui sont déployés pour réprimer les manifestations pacifiques. La commission parlementaire de l’incendie de Lubrizol à Rouen dénonce exactement cette insuffisance de nos pouvoirs publics, qui peut coûter très chère à la population.

Des collectifs aux barricades

On ne compte plus le nombre de collectifs de citoyens qui se soulèvent quand ils découvrent l’implantation d’une telle centrale à quelques centaines de mètres de leurs habitations, alors que des friches industrielles ne manquent pas pour l’accueillir. Malgré une enquête publique vivement commentée, et des rassemblements de contestation, le préfet décerne l’autorisation d’exploiter pour cause d’intérêt général et de création d’emplois. Les recours se transforment en pot de terre contre pot de fer, malgré l’intervention d’avocats spécialisés dans le droit environnemental. Des années de lutte pour des dizaines d’années d’empoisonnement. Pourtant des solutions existent pour minimiser le risque et une telle mise en danger. Il suffirait d’éloigner les usines et les obliger à s’équiper d’installations de traitement des fumées toxiques (charbon actif). L’Etat doit se ressaisir pour assurer notre santé publique. C’est un bien précieux.

L’amiante encore, et le goudron en plus

Il y a quelques décennies, le revêtement de route était constitué d’un mélange moins technique, composé de granulats, de goudron et de fibres d’amiante. Il arrivait même d’y inclure des morceaux de pneumatiques usagés. Mais c’était avant … sauf que ces anciennes croûtes sont régulièrement rabotées afin de dérouler une couche neuve d’enrobé bitumineux. Ces déchets pourraient avoir deux issues possibles : la décharge classée ou une seconde vie grâce à leur recyclage dans le nouvel enrobé (en effet, les unités de production ont l’option d’un taux de recyclage pouvant atteindre 40%). Sauf que le goudron est interdit depuis une quinzaine d’années car sa toxicité est de 1000 à 10000 fois supérieure à celle du bitume (Hydrocarbures Aromatiques Polycycliques – HAP). D’après la loi, il est interdit de recycler un revêtement contenant du goudron, mais la tentation est forte car il faut payer pour le mettre en décharge, alors que c’est une matière gratuite en entrée pour fabriquer un nouvel enrobé. Double bonus si on détourne la réglementation, en émettant des substances mille fois plus toxiques pour le citoyen.

Business is business, la santé a un prix …

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