Deux poètes, responsables de la mort d'un animal de proximité. Le premier, Alain Borne, à propos d'une cigale, lesquelles pullulent dans le coin qu'il habitait, Montélimar. Le second, Philipp Larkin, au beau nom d'Alouette, à propos d'un hérisson, habitué des jardins et jardinets anglais. A Hull comme ailleurs.
CIGALE
J'ai une cigale dans une boîte rouge/pour quelques jours/jusqu'à sa mort dans quelques jours//J'ai ce corps de chant et de transparence/triste et muet/ - un pas à droite un pas à gauche dans le froid noir/jusqu'à la mort-// Elle chantait sous ses ailes chaudes vers le soleil/dans la lumière et la poussière/au-dessus de l'ombre des arbres contre le ciel/volant vers lui de son aile invisible//Elle s'élançait avec joie et confiance/vers ce creux plus profond de l'été/qu'est le ciel/ - un pas à droite un pas à gauche jusqu'à la mort dans quelques jours - // Et j'ai tué son chant brisé son vol:enseveli l'été le bel été dont elle est l'ivresse//
LA TONDEUSE
La tondeuse a calé deux fois; m'agenouillant, j'ai trouvé/ un hérisson écrabouillé entre les lames./ Tué. Il était niché dans les hautes herbes.// Je l'avais déjà vu, et même nourri, une fois./ Maintenant, j'avais déchiqueté son monde discret/Irrémédiablement. Un enterrement n'était d'aucun secours:// Le lendemain matin je me levai et lui pas./ Le premier jour après une mort, la nouvelle absence/ est toujours la même; on devrait être attentif// L'un à l'autre, on devrait être gentil/ Tant qu'il est encore temps.//
Le premier donc d'Alain Borne . On imagine ce vers qui revient - deux pas ...- à propos de Nazim Hikmet poète turque si souvent emprisonné ou d'autres de par le monde. Mais non, il s'agit bien là de l'insecte prisonnier de la boîte rouge du poète.
Le second, de Larkin, qui ouvre celui-ci à la compassion de l'humain.
Ensuite, chacun appréciera - ou pas.
Le poème de Borne, tiré de En une seule injure, éditions Editinter. Voix d'Encre, superbe revue comme éditions, a beaucoup oeuvré également pour la poésie d'AB. Comme les éditions Curandera.
Celui de Larkin, souvent traduit, est ici tiré de La vie avec un trou dedans, éditions Thierry Marchaisse. Avant eux, La Différence, collection de poche, avait publié des fragments de la poésie de Larkin. Ou encore les éditions Solin.