Je me rappelle un propos de Gaston Puel ( à propos de Pierre Della Faille) qui débutait ainsi : Tous ces immenses poètes...Etc. En bref, ils étaient nombreux au cimetière du vent qui passe. Au lendemain d'un article sur la poésie, langue morte assurément, qui m'a valu nombre de leçons de quelques discutailleurs de première, et, quoique aucun ne m'ait convaincu d'ôter le moindre mot à mon billet d'humeur, j'ai eu envie de revenir sur ces immenses poètes, à travers l'un d'eux - publié en son temps par Gallimard, quand ces éditions mettaient la littérature avant l'économie - j'ai nommé TOURSKY.
Au premier abord, une langue ésotérique. Mais, si l'on persévère ( mais persévère-t-on encore de nos jours où tout doit être facile ?) de ses poèmes vous sautent à la gueule. "Dernier verre, quand l'aube/givre les vasistas./ L'ouvrier er l'ouvreuse/ trinquent à la relève./ Ou encore : Idéale journée./ Le ciel monte sans plis/derrière les platanes./Terre, tu sais ton rôle.// Je pourrai multiplier, et cela ne signifie rien sur la teneur réelle du livre. Combien de fois, ai-je acheter un livre de poésie sur la foi de quelques extraits aguicheurs, pour me retrouver avec un livre à tomber des mains ? Le commentateur avait su dénicher les quelques perles, les seules de tout le livre. Je ne cherche d'ailleurs pas à convaincre. La poésie est affaire de tripes, on réagit ou pas. Je ne peux même pas dire que Toursky soit de mes poètes préférés. Il y a cependant chez lui ( et cela rejoint le beau portrait en couverture du Poètes d'Aujourd'hui que Seghers ( à l'époque c'était un éditeur oui qui se risquait pour la poésie) lui aura consacré) un sens du populo, de ce rien de la vie qui fait tout quand on n' a pas grand chose, que j'apprécie, qui me renvoie à ma propre enfance puis jeunesse trop tôt et trop longtemps ignorées, voire méprisées. " Il n'avait rien à lui, / et le sourire même/ de son premier amour/ était gagé. Des îles.../Ou encore page 93, page 94 : "Il pleut. Sentence oblique,/ ce cristal dont le biais/guillotine l'ennui./ La rue est amusante,/ qui bouge, qui s'affole,/termitière écrasée/ par les pieds des porteurs/en marge de la chasse./ Si je criais, personne/ ne se retournerait,/ ne léverait la tête./ Les passants se suffisent.//
Etc. Tout ça pour dire qu'on peut m'opposer certes ces festivals si tristes où les poète parlent aux poètes, apprentis poète, aspirants poète et leurs familles ( éventuellement) mais que, oui, poésie est langue morte, menacée telle. Ce qui ne signifie nullement qu'elle ne sache, parfois, bondir dans nos corps comme des coeurs en remplacement du nôtre qui s'est usé à la meule de la vie.
Alors, messieurs et dames, plutôt que de contester pour contester, lisez TOURSKY comme, hier, je proposais Frédéric Jacques TEMPLE. Ce sera preuve bien plus que Lodève ou Sète ou même les biennales de Val de Marne que la poésie n'est pas encore tout à fait lettre morte.