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Billet de blog 3 septembre 2016

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Indigestion chronique d’Histoire : Le drame Français

Avant-hier soir, notre hymne national a été copieusement sifflé lors de la présentation des équipes avant le match Italie-France à Bari. Le légendaire gardien Italien, Buffon, a, par un simple geste, sollicité son public lui demandant de la tenue, c’est ainsi que les sifflets firent place à quelques timides applaudissements. Que diable nous voulaient donc ces Baresi ?

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Avant-hier soir, notre hymne national a été copieusement sifflé lors de la présentation des équipes avant le match Italie-France à Bari. Le légendaire gardien Italien, Buffon, a, par un simple geste, sollicité son public lui demandant de la tenue, c’est ainsi que les sifflets firent place à quelques timides applaudissements. Beaucoup de nos compatriotes qui pensaient que la Marseillaise n’était contestée que par les adolescents « anti- France » de nos cités « réfractaires » ont été très surpris par le comportement de ces Baresi, que diable nous voulaient-ils ?

 Un fait m’est alors revenu à l’esprit, Il y a quelques années lors d’une réunion de travail avec des participants de différents pays, j’avais présenté à un excellent ami Italien un collègue Français, ce dernier, appelé à travailler pour une assez longue période avec cet ami, cru bon de dire en guise d’introduction et sans doute, croyait-il, pour créer un début de rapport personnel : « Ah la France et l’Italie ! Nous avons tant de liens, surtout depuis Napoléon ! » Je vis alors le visage d’Aldo se figer, mais, seigneur, il fit l’effort de se contrôler et la discussion se poursuivit sur des arguments professionnels. Quand le collègue Français s’éloigna, Aldo me regarda en souriant puis se libéra : « Il faudra expliquer à ce monsieur qu’en Italie, Napoléon, à part un code, n’a laissé que de très mauvais souvenirs et des rivières de sang ! »

 Combien d’Espagnols, de Portugais, d’Egyptiens et d’autres encore, se demandent, non sans raison, comment cet Empereur-là peut être glorifié à ce point par les Français ?

 Que penser alors de l’impact des crimes, beaucoup plus récents, de la colonisation ? Leur effet actuel est encore plus dramatique. Faut-il rappeler ici que beaucoup d’abonnés étaient déjà nés quand se pratiquait encore une répression sauvage à l’encontre de gens dont nous occupions le territoire par la force, c’est ainsi que de Haiphong à la côte d’Ivoire, en passant par Sétif, Madagascar et j’en passe, des dizaines de milliers de personnes ont été trucidées pour avoir contesté le fait colonial et réclamé leur indépendance.

 L’impérialisme Français, glorifié durant des décennies par une superstructure, dont un système éducatif aux ordres, traîne encore aujourd’hui, y compris chez des adeptes cultivés, sa gloire fantasmagorique. Une certaine littérature, un certain cinéma ont aussi contribué à l’encensement de cette période. Aujourd’hui encore, des initiatives scélérates, telles que celles d'un Sarkozy ignare et en panne de vision, prétendent louer les pseudo-bienfaits du colonialisme en rejetant énergiquement une repentance pourtant bien plus nécessaire aux Français eux-mêmes qu’aux victimes de ces horreurs. Nous avons même droit au bouquet avec les tentatives de réhabilitation des tueurs de l’OAS, initiées çà et là par des élus d’extrême-droite et pas seulement. Il est dommage qu’un nombre significatif de « losers » passéistes se sentent réconfortés par ces agitations totalement stériles et qui ne satisfont qu’un égo malade.

 Le paradoxe explosif qui explique en partie l’effondrement moral de notre pays réside dans le choc terrible entre le dithyrambe glorieux de l’époque de grand-papa, avec invincibilité de la patrie conquérante, et les dures réalités de l’Histoire récente.

 Il y eu d’abord la déroute traumatisante de 1940, puis une résistance très limitée et à laquelle a participé une part importante d’étrangers, la collaboration dans notre pays, favorisée par la passivité d’une large majorité de la population, fût la plus zélée et la plus « efficace » d’Europe. Les armées de Juin et de De Lattre étaient majoritairement constituées d’étrangers et de soldats affublés du statut d’indigènes. Au sortir de la guerre, le désastre indochinois secoua l’empire, il aurait dû marquer le début d’une prise de conscience de l’arrivée d’un monde nouveau, hélas, la perte, une à une, de toutes nos colonies, qui a culminé avec le drame Algérien, n’a pu engendré le réalisme nécessaire à l’établissement d’un bilan objectif, susceptible de nous préparer à l’emprunt de voies nouvelles avec la reconsidération des autres et une sorte de rédemption pour nous-mêmes. La schizophrénie issue d’un discours, toujours actuel du reste, vantant notre leadership en matière de liberté, de promotion des droits de l’homme, et une réalité qui laisse un bel espace à l’exploitation, au racisme et au déni du droit des autres, mine notre équilibre intellectuel et notre crédibilité internationale. Beaucoup de critiques et de sifflets comme ceux de Bari ou de Rio, s’adressent à ce que nombre d’étrangers appellent l’arrogance française, arrogance qui a d'autant moins de raison d’être que notre statut de phare du monde ou de puissance militaire ne sont plus perçus que par des concitoyens désinformés et qui persistent à vivre dans un rêve. Ce dernier est favorisé par le sentiment réconfortant que procure l’appartenance à un « Occident » vivant sous le parapluie étatsunien. Voir tous les autres comme un danger, un risque potentiel, au lieu de s’ouvrir et d’œuvrer à un monde multipolaire dans lequel nous pourrions jouer un rôle bien plus noble, est une autre conséquence dramatique de cette situation.

Aujourd’hui encore, un exécutif qui se dit socialiste, tout comme les manipulateurs Molletistes de la IVème république, apporte sa pierre à l’édifice de la fable de la Puissance toujours intacte, alors même que des Françaises, de plus en plus nombreuses, sont contraintes d’effectuer des dizaines de kilomètres pour rejoindre une maternité, et que des juges paient de leur propre denier des fournitures de bureau afin de mener à bien leur difficile tâche.  Les proclamations guerrières à répétition avec les deux sorties aériennes quotidiennes effectuées par nos avions en Syrie ou en Irak sont censées entretenir cette illusion, et peu importe que le résultat principal de ces rodomontades soit d’exposer toujours plus nos concitoyens à des attentats meurtriers. La réalité est que nous sommes nus et que cette nudité que beaucoup trop de Français se refusent encore à admettre malgré le froid qui les transis, demeure le point de blocage majeur au renouveau de ce pays. Resituer l’Histoire, admettre les évènements tels qu’ils furent ou qu’ils sont est la psychothérapie dont nous avons besoin pour aller de l’avant et éviter de sombrer dans l'hystérie et la paranoïa. Le refus incompréhensible de reconnaître explicitement les crimes de la colonisation, de rebâtir sur des bases saines une collaboration avec les anciens colonisés, et, surtout, de promouvoir l’apaisement avec ceux de leurs descendants directs, devenus par la force des choses nos compatriotes, nous embourbe dans nos illusions et accroît notre sentiment d'impuissance et notre désarroi.

Jusqu’ici, malheureusement, Il semble que chaque initiative prise par nos gouvernants nous éloigne chaque jour un peu plus du réveil salutaire dont nous avons besoin.

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