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Billet de blog 18 octobre 2015

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Gianfranco Sanguinetti, l’Internationale Situationniste et les "Je suis Charlie !" du 11 janvier.

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La remarquable analyse de Gianfranco Sanguinetti, exposée en 1979 dans « Du Terrorisme et De L’Etat » (Ed Grenoble MCMLXXX) reste, trente-six ans après, d’une extraordinaire acuité.   Membre de l’Internationale Situationniste auto-dissoute en 1972, G. Sanguinetti nous montre comment l’Etat et la société capitaliste qu’il sert avec zèle, tirent toujours grand profit du "phénomène" terroriste, au point d’y avoir recours si nécessaire. Cet ouvrage doit pouvoir servir à ceux qui, en toute bonne foi, se sont fourvoyés en marchant derrière les représentants les plus serviles du système ce 11 janvier.

En voici quelques extraits :

"…..Et le but, aujourd'hui encore, reste en fait toujours le même, c'est-à-dire de faire croire à toute la population, désormais intolérante ou en lutte contre cet Etat, qu'elle a au moins un ennemi en commun avec cet Etat, ennemi contre lequel l'Etat la protège, à condition de n'être plus remis en question par personne. La population, qui est généralement hostile au  terrorisme, et non sans raison, doit donc convenir qu’aux moins en cela elle a besoin de l'Etat, auquel elle doit alors déléguer les plus amples pouvoirs, afin qu'il puisse affronter vigoureusement la tâche ardue qu'est la défense commune contre un ennemi obscur, mystérieux, perfide, impitoyable et, en un mot, chimérique.

Face à un terrorisme toujours présenté comme le mal absolu, le

mal en soi et pour soi, tous les autres maux, bien plus réels,

passent au second plan, et surtout doivent être oubliés ; puisque la lutte contre le terrorisme coïncide avec l'intérêt commun, elle est déjà le bien général, et l'Etat qui la mène généreusement est le bien en soi et pour soi. Sans la méchanceté du diable, l'infinie bonté de Dieu ne pourrait apparaître et être appréciée comme il se doit.

L'Etat, affaibli à l’ extrême par toutes les attaques du prolétariat

qu'en même temps que son économie il essuie quotidiennement depuis dix ans, d'une part, et par l'incapacité de ses gestionnaires d'autre part, peut dissimuler aussi bien l'une et l'autre choses, en se chargeant solennellement de mettre en scène le spectacle de la sacro-sainte défense commune contre le monstre terroriste, et il peut, au nom de cette pieuse mission, exiger de tous ses sujets une portion supplémentaire de leur liberté exiguë, qui ira renforcer le contrôle policier sur toute la population. « Nous sommes en guerre », et en guerre contre un ennemi si puissant que toute autre discorde et tout autre conflit seraient des actes de sabotage et de désertion : on n'a le droit

d'en venir à la grève générale que pour protester contre le terrorisme.

Le terrorisme et « l'état d'urgence » permanents, un état d'urgence et de« vigilance », voilà les seuls problèmes, ou du moins les seuls auxquels il soit permis et même fortement recommandé de se consacrer. Tout le reste n'existe pas, et doit

être oublié, en tout cas doit être tu, remisé, refoulé dans l'inconscient social, devant la gravité de la question de I'« ordre

public ». Et, devant l'obligation universelle de le défendre

tous sont invités à la délation, à la lâcheté, à la peur : la poltronnerie devient, pour la première fois dans l'histoire une

qualité sublime, la peur est toujours justifiée, l'unique "courage" non méprisable est le courage d'approuver et de soutenir

tous les mensonges, tous les abus et toutes les infamies de

l'Etat. Comme la Crise actuelle n'épargne aucun pays de la planète, la paix, la guerre, la liberté et la vérité n'ont plus aucune frontière géographique : leur frontière traverse également tous les pays, et tous les Etats s'arment et déclarent la guerre à la vérité.

…………

Quelqu'un ne croit pas que cent ou deux cents terroristes

soient en mesure de porter un coup mortel à nos institutions ?

Eh bien ! regardez ce que cinq ou six d'entre eux sont capables

de faire en quelques minutes à Moro et a son escorte, et admettez donc que le risque pour les institutions (du reste tant aimées de plus de 50 millions d'Italiens) est un risque réel et terrible. Quelqu'un veut peut-être encore soutenir le contraire? Voilà la flanc-garde ! Tout le monde en conviendra, l'Etat ne peut se faire abattre sans se défendre : et, coûte que coûte cette défense est le devoir impératif et sacré de chacun. Et ceci parce que ta République est publique, l'Etat est à tous, chacun est l'Etat et l'Etat c'est tous, car tout le monde jouit de ses avantages, si équitablement repartis : c'est la démocratie? Donc le peuple est souverain, mais malheur a qui ne la défend pas !........"

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