Lakou Pari, novanm 2017
Chaque jour qui passe éloigne un peu plus la possibilité que justice soit rendue aux victimes et aux familles des victimes du massacre d’Etat des 26 et 27 mai 1967. Chaque jour qui passe, chaque décès de ceux qui ont subi, de ceux qui ont assisté comme de ceux qui ont participé ou ordonné le massacre, fait basculer celui-ci du présent à l’histoire.
Et pourtant, Mé 67 demeure incroyablement présent en nous.
Cinquante ans après le massacre, la situation sociale et économique de la Guadeloupe présente des persistances qui démontrent bruyamment à quel point la départementalisation de 1946 n’est pas cette « décolonisation réussie » vantée par les gouvernements français successifs, à quel point les aspirations sociales et les revendications politiques du peuple guadeloupéen demeurent insatisfaites, décennie après décennie.
Soixante-et-onze ans de départementalisation, c’est, d’un côté : alphabétisation, scolarisation en masse et améliorations des conditions médico-sanitaires ; de l’autre : chômage de masse, chômage des jeunes, nombre de personnes sous le seuil de pauvreté, destruction de l’appareil productif, non protection de l’emploi local, exode forcé de la jeunesse, écroulement démographique, fusillades et drogues, explosion des inégalités sociales, pwofitasyon dans l’import-export et la grande distribution, empoisonnement des humains et pollution des sols, inégalités territoriales entre les communes et les îles de l’archipel, érosion du littoral, dépendance énergétique et alimentaire, institutions politiques inadaptées…
Nous qui vivons dans l’émigration à des milliers de kilomètres de notre pays, notre éloignement ne nous décharge pas de nos responsabilités. Il est, à nous aussi, de notre devoir d’élaborer collectivement des alternatives pour sortir la Guadeloupe de l’impasse dans laquelle elle est maintenue.
C’est conscients de ce devoir qu’en liaison avec le Comité d’initiative pour un projet politique alternatif (CIPPA) qui, depuis 2009, milite, en Guadeloupe, pour une évolution statutaire instituant une autonomie politique et économique du peuple guadeloupéen au sein de la République française, nous voulons regrouper toutes les consciences engagées et les bonnes volontés de l’émigration guadeloupéenne. Il n’est plus possible de ne rien faire d’autre que la poursuite de ce qui a échoué.
L’heure n’est plus aux querelles de chapelles sur des alinéas ou des tournures de phrases. Quels que soient nos désaccords politico-philosophiques, quelle que soit notre conception du peuple guadeloupéen, nous sommes tous d’accord sur le fait que notre économie est sinistrée, que notre société est engluée dans l’assistanat et que notre champ politique est en ruine, sans aucune proposition consistante.
L’épuisement sans lendemain conséquent du puissant mouvement social de 2009 lui-même démontre que la soif d’égalité, de justice et d’avenir meilleur qui habite notre peuple depuis plus de trois siècles ne trouvera pas à s’étancher sans l’élaboration patiente et déterminée d’un projet politique conséquent et fédérateur.
Il nous faut reprendre le sillon tracé par celles et ceux qui nous ont précédé, l’approfondir et l’adapter au contexte qui est le nôtre en ce début du 21ème siècle. Il nous faut abandonner les postures, les excommunications dogmatiques et élaborer un programme commun qui corresponde à nos besoins en tant que peuple et tienne compte des obstacles qui se dressent sur notre chemin. Il nous faut tenir compte du champ présent des possibles tout en préservant nos horizons d’attente.
Ensemble, avec cette ténacité et cette créativité que nous avons héritées de nos aïeules et nos aïeux et qu’il n’appartient qu’à nous de cultiver et d’affermir, nous pouvons dessiner un réel qui soit merveilleux pour tous.
Des solutions concrètes existent, notamment, parmi d’autres : doter la Guadeloupe de prérogatives fiscales et douanières afin de dégager des recettes nouvelles, protéger et favoriser la production locale, exercer la compétence sur notre Zone économique exclusive (ZEE), prendre des mesures de préférence locale en matière d’accès à l’emploi ou de droit d’établissement pour l’exercice de certaines activités professionnelles, protéger le patrimoine foncier et les surfaces agricoles, appliquer le contrôle des prix des produits de première nécessité et de consommation courante, bâtir des institutions démocratiques adaptées à notre archipel… Ces solutions, il nous appartient de les diffuser, de les promouvoir et de faire advenir leur mise en application.
En conséquence,
Nous appelons toutes les femmes et tous les hommes de bonne volonté à nous rejoindre et à participer, ici, à l’élaboration et à la propagation d’un programme d’émancipation politique, économique et sociale pour le peuple guadeloupéen.
Nous proposons aux associations et organisations déjà constituées à travailler, par-delà les divergences idéologiques et stratégiques existantes, à un grand rassemblement autour de la défense des intérêts vitaux du peuple guadeloupéen et de la promotion de solutions assurant son existence et son bien-être.
ANSANM-ANSANM !
IGWAL - Initiatives Gwadloup Alternative, section France du CIPPA (www.cippa.gp)
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