
Diffusion de l'hommage de chercheuses du groupe "Monde caraïbes et transatlantiques en mouvement" (MCTM) au professeur Jean-Pierre Sainton, décédé dans la nuit du 21 au 22 août 2023.
Au nom des chercheurs universitaires français et antillais, membres de notre groupe « Mondes caraïbes et transatlantiques en mouvement » (MCTM) et en mon nom propre, je voudrais exprimer l’immense peine qui nous a assailli.e.s lors de l’annonce du décès brutal de notre collègue Jean-Pierre Sainton.
Nos pensées vont à son épouse et ses enfants, à sa famille et à ses ami.e.s, à ses camarades de combat, à ses étudiant.e.s. Nous voulions qu’il-elle.s sachent combien le rayonnement de la personnalité de Jean-Pierre est allé bien au-delà de l’espace caribéen et a nourri nos travaux et nos engagements. Repère de nos vies intellectuelles, Jean-Pierre représentait la rigueur, l’intelligence, la bienveillance mises au service d’une quête politique de justice destinée à défaire les aberrations de « la » domination, partout où elle s’exerce sur fond d’une colonialité restée invaincue.
J’ai eu la chance de travailler aux côtés de Jean-Pierre en participant au Master « Histoire, Civilisation, Patrimoine des Mondes caribéens et guyanais » qu’il a dirigé à l’Université des Antilles, la chance de partager des moments de colloques et autres rencontres universitaires, la chance de bénéficier de sa grande confiance, la chance de pouvoir lui confier mes doutes et de recevoir ses conseils, la chance d’être guidée par lui vers Fabien Marius-Hatchi aux Éditions Atlantiques déchaînés… Bien plus qu’un repère, Jean-Pierre appartenait à ces intellectuel.le.s antillais.e.s dont j’ai à cœur de dire qu’il-elle.s m’ont appris à penser par la fulgurance de leurs analyses animées par une humanité rare. Ses travaux ont été d’un apport considérable pour concevoir la continuité de la matrice coloniale dans ses formes les plus actuelles. Ils ont su démonter finement les rouages des reconversions successives de la vieille plantation esclavagiste confinant à la permanence d’un ordre ancien et aboutissant aujourd’hui à « La décolonisation improbable » (2012), une permanence dévastatrice habillée des atours trompeurs de la modernité, « la post Habitation, urbaine, mobile et consommatrice ». Il était venu aux séances de séminaire de notre groupe à Paris, avait participé à celle sur « Esclavage et capitalisme ».
La philosophe Elsa Dorlin, membre de MCTM, venait de publier un ouvrage avec lui à partir du travail précurseur qu’il avait accompli sur Mé 67 : mémoire d’un évènement (Guadeloupe, Mai 67. Massacrer et laisser mourir, Libertalia, 2022). Nous projetions une rencontre autour du livre en février prochain à la Martinique. Nous la maintiendrons pour dire combien Jean-Pierre a compté dans nos trajectoires et lui témoigner de notre respect indéfectible. Il nous laisse des écrits, un mode d’être en relation et des espoirs en ces précieuses générosités qui redonnent des dignités à nos vies.
Christine Chivallon, anthropologue CNRS et les membres du groupe MCTM, en particulier Elsa Dorlin, philosophe, Université Toulouse Jean Jaurès et Clara Palmiste, historienne, Université des Antilles.