Y avait à mes tableaux
Comme autant de Marianne
Leurs ratures souriantes
Au Larousse improbable
Qui semaient à tout vent
Quelques rires en cristal /
Y avait à mon estrade
Des panaches têtus
Des victoires en cascade
A chaque mot vaincu
Y avait au bout des craies
Leurs doigts immémoriaux
A conquérir l’accent
Et puis des arcs-en-ciel
A suspendre aux fenêtres
Où il ferait moins gris
Pour les jours de regard /
Y avait aux alphabets
Des hiéroglyphes rares
Qu’on pourrait encadrer
Comme des trésors Lascaux
Si l’on était soigneux
Des choses de notre histoire /
Y avait à l’unisson
De tout-petits aigus
Qui se tenaient la main
Debout sur des guitares
Et puis des silencieux
Des octaves lointaines /
Il y avait dans leurs yeux
Des choses de déjà grand
Et des choses de pourquoi
Il y avait dans leurs mains
Si peu d’armes et déjà
Hisser le drapeau blanc /
Sans plus de Marseillaise
Ils apprenaient l’école
A se tenir les yeux
Dans les signes qui dansent
De chant de merveilleux
En secrètes impatiences /
Sans fleur mais sans fusil
Il y avait des sentiers
Qui menaient aux rivières
Et où se ramassaient
Des soleils dans les marges
Et des marches à gravir
Jusqu’en bas de leur page /
Éprise de barricades
De liesse marronniers
De résistance active
Aux destins pas assez
De ses fougueux peut-être
Aux défis relevés
Elle tendait ses fenêtres
Et ses bras interligne
Et j’étais fonctionnaire
De cette école-là /
Puis des choses un peu tristes
Ont coulé de nos plumes
Dans les cases à cocher
Pour mesurer la langue
La belle libre parole
Aux menottes consenties /
Sur des tableaux en berne
Se déchirent les accords
Des moindres imparfaits
Des petits princes ternes
Au génome exotique
Qui parlent sans filet
Un langage empirique
Ont des signes sans couleur
A faire crier les murs
Qui font tant d’artifice
Et de mensonge urbain
Qu’il faut les ignorer /
On a mis les savoirs
Comme des fleurs dans des vases
A tenir illusoires
En semblant de terreau
A relever la tête
Vers des lumières opaques
Et il faut pour apprendre
Aligner les trophées /
On a mis des horloges
Aux mémoires maladroites
Qu’on a remises à l’heure
Des circonstances urgentes
Et puis des centimètres
Sur la carte du monde
Pour mesurer en chiffres
Les rêves de plus loin /
On a mis des jalons
Mais c’étaient des limites
Je rends mon tableau noir …/
J’écrirai pas la suite.
(c'est un poème de démission, il date de 2008. J'ai rendu mon tableau noir cette même année. Depuis l'autre côté des cours d'école, j'assiste depuis, impuissante, au carnage toujours plus assumé de l'école publique et de l'égalité des chances. Ha ha ! l'égalité des chances ! Allez, buvons un coup à la victoire prochaine de la Tortue et reconstruisons. Les mômes le méritent. Viens, on fait l'école dans les bois. Viens, on apprend à aimer l'eau. À compter avec des noisettes. Viens, on produit des textes pour apprendre à les lire. Viens, Freinet, reviens !)