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Billet de blog 9 mars 2022

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INTERLIGNE

Poème de campagne

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Y avait à mes tableaux

Comme autant de Marianne

Leurs ratures souriantes

Au Larousse improbable

Qui semaient à tout vent

Quelques rires en cristal /

Y avait à mon estrade

Des panaches têtus

Des victoires en cascade

A chaque mot vaincu

Y avait au bout des craies

Leurs doigts immémoriaux

A conquérir l’accent

Et puis des arcs-en-ciel

A suspendre aux fenêtres

Où il ferait moins gris

Pour les jours de regard /

Y avait aux alphabets

Des hiéroglyphes rares

Qu’on pourrait encadrer

Comme des trésors Lascaux

Si l’on était soigneux

Des choses de notre histoire /

Y avait à l’unisson

De tout-petits aigus

Qui se tenaient la main

Debout sur des guitares

Et puis des silencieux

Des octaves lointaines /

Il y avait dans leurs yeux

Des choses de déjà grand

Et des choses de pourquoi

Il y avait dans leurs mains

Si peu d’armes et déjà

Hisser le drapeau blanc /

Sans plus de Marseillaise

Ils apprenaient l’école

A se tenir les yeux

Dans les signes qui dansent

De chant de merveilleux

En secrètes impatiences /

Sans fleur mais sans fusil

Il y avait des sentiers

Qui menaient aux rivières

Et où se ramassaient

Des soleils dans les marges

Et des marches à gravir

Jusqu’en bas de leur page /

Éprise de barricades

De liesse marronniers

De résistance active

Aux destins pas assez

De ses fougueux peut-être

Aux défis relevés

Elle tendait ses fenêtres

Et ses bras interligne

Et j’étais fonctionnaire

De cette école-là /

Puis des choses un peu tristes

Ont coulé de nos plumes

Dans les cases à cocher

Pour mesurer la langue

La belle libre parole

Aux menottes consenties /

Sur des tableaux en berne

Se déchirent les accords

Des moindres imparfaits

Des petits princes ternes

Au génome exotique

Qui parlent sans filet

Un langage empirique

Ont des signes sans couleur

A faire crier les murs

Qui font tant d’artifice

Et de mensonge urbain

Qu’il faut les ignorer /

On a mis les savoirs

Comme des fleurs dans des vases

A tenir illusoires

En semblant de terreau

A relever la tête

Vers des lumières opaques

Et il faut pour apprendre

Aligner les trophées /

On a mis des horloges

Aux mémoires maladroites

Qu’on a remises à l’heure

Des circonstances urgentes

Et puis des centimètres

Sur la carte du monde

Pour mesurer en chiffres

Les rêves de plus loin /

On a mis des jalons

Mais c’étaient des limites

Je rends mon tableau noir …/

J’écrirai pas la suite.

(c'est un poème de démission, il date de 2008. J'ai rendu mon tableau noir cette même année. Depuis l'autre côté des cours d'école, j'assiste depuis, impuissante, au carnage toujours plus assumé de l'école publique et de l'égalité des chances. Ha ha ! l'égalité des chances ! Allez, buvons un coup à la victoire prochaine de la Tortue et reconstruisons. Les mômes le méritent. Viens, on fait l'école dans les bois. Viens, on apprend à aimer l'eau. À compter avec des noisettes. Viens, on produit des textes pour apprendre à les lire. Viens, Freinet, reviens !)

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