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Billet de blog 3 décembre 2025

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" La vengeance et la paix " - Marie Robin

Livre - CNRS éditions, août 2025 - " Dialogue. Cela n’est certes pas nouveau pour déboucher sur la paix. "

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Deux mots qui résonnent de manière très actuelle avec les massacres perpétrés à Gaza par l’armée israélienne. Il semble que nous sommes au-delà de la vengeance, et tellement loin de la paix. Ce livre explore de manière probante l’histoire, ainsi que la géopolitique actuelle. Une géopolitique qui met en exergue avec insistance et relais médiatiques abondants, violences, vengeances, mais bien trop rarement la construction de la paix. Et pour cause, les guerres essaiment un peu partout sur notre globe.

La paix conçue comme l’absence de guerre doit très souvent tenter de faire suite à des actes de vengeance. Marie Robin nous emmène dans de nombreux conflits historiques, aux temps très anciens de la Grèce antique, au Moyen âge, au siècle dernier ou tout simplement dans l’actualité de 2025. La vengeance implique la plupart du temps une contre-vengeance, et la violence sort quasiment toujours gagnante de ces situations, malheureusement. Marie Robin envisage la vengeance entre États, mais aussi le terrorisme non étatique, et la vengeance culturelle inhérente à bien des civilisations, souvent liée à un patriarcat, à un masculinisme qui débouchent sur des violences qui perdurent parfois sur plusieurs générations.

Page 32, l’auteur précise la notion de paix, avec le concept de paix positive établi par un sociologue norvégien Johan Galtung. Cinq critères sont traditionnellement mis en avant : « le bien être individuel (physique et moral), la qualité des interactions quotidiennes (coopération plutôt que compétition), la gestion apaisée des conflits, la justice dans l’accès aux ressources (physiques et institutionnelles), et une capacité institutionnelle à établir une gouvernance appropriée ». Nous voilà donc loin de la simple absence de guerre évoquée ci-dessus. J’ai souhaité citer ces cinq critères afin de préciser de quelle sorte de paix nous parlons.

Pour Marie Robin, si nous voulons réellement parvenir à cette paix positive, il est indispensable de prendre en compte la vengeance. Non pas la violence qu’elle engendre, éminemment condamnable, et qui ne produit en général qu’une réponse violente, donc l’inverse d’une paix durable. Il convient d’encourager le « dialogue sur la vengeance », dans le but d’encadrer, et d’empêcher, l’acte violent de vengeance, et de mettre en place un dialogue sur les revendications qui sous-tendent cette vengeance, afin d’examiner si ces revendications peuvent être mises en œuvre. « C’est seulement via l’étude des revendications mutuelles de vengeance et demandes de réparation que pourra s’organiser la réconciliation et, in fine, une potentielle paix ». (p.236)

L’auteur cite plusieurs exemples qui ont étayé l’utilité d’établir le dialogue. En 1951, la création de la CECA (Communauté européenne du charbon et de l’acier) a immédiatement inclus l’Allemagne, six ans après la fin de la deuxième guerre mondiale. Le dialogue par la construction, en quelque sorte. Nelson Mandela, à la sortie de l’apartheid en Afrique du sud, a lui aussi préféré le dialogue à la vengeance : « Il nous a montré qu’un avenir meilleur dépendait d’une réconciliation et non d’une vengeance ». (p. 250). Même en Palestine, Shaddad Attili, ancien ministre de l’Autorité Palestinienne, a déclaré : « Il nous faut désormais résister au vertige et à l’ivresse de la vengeance en rétablissant le dialogue entre nos peuples. » (p. 249). Cette position semble évidemment ultra-minoritaire du fait de l’impitoyable vengeance infligée par Benjamin Netanyahou à la bande de Gaza.

Être minoritaire est souvent bien difficile. Cela implique-t-il pour autant de céder aux souhaits des voix qui continuent à prôner la vengeance ? Certes non. L’apparition dans le débat public de la notion de justice restaurative, démarche pénale qui vise à restaurer la cohésion sociale par la participation de l’auteur de l’infraction à la correction de ses effets, est largement minoritaire pour l’instant. Mais sa mise en place progressive dans certaines circonstances montre bien qu’une alternative peut se construire face à la justice punitive dont l’objectif est d’identifier l’auteur et la teneur d’une infraction, afin de punir son auteur.

Dialogue. Cela n’est certes pas nouveau pour déboucher sur la paix. Mais à condition de prendre en compte les revendications qui ont conduit à la vengeance. Ou à l’envisager, sans passer à l’acte. Cette réflexion est à mettre en œuvre au niveau des individus (vengeances traditionnelles liées aux usages, aux cultures, aux « règlements de compte »), mais aussi au niveau des États, des terrorismes non-étatiques.

En conclusion, je rejoins l’auteur dans ses derniers mots : « Pour préparer la paix, il nous faudra, indubitablement, comprendre les vengeances. » (p. 257).

Comprendre. Un mot pour la diplomatie, pour une paix positive. L’incompréhension construit la guerre, la compréhension construit la paix. L’Observatoire des armements, nous l’espérons, est là pour aider à comprendre. Tout comme ce livre.

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