Chypre. Londres. Grecs. Turcs. Ligne verte. Olivier. Et bien d’autres arbres. Les plantes, la nature, les oiseaux. Guerre civile. Amour. Cri.
Un drôle d’inventaire sans queue ni tête. Oh, que non. Pas sans queue ni tête, un inventaire qui nous montre, dans un beau roman de plus de quatre cent pages, l’absurdité des êtres humains, des « identités », des religions. Une absurdité qui conduit au massacre de familles entières, à la création d’une « ligne verte », ligne de démarcation dans l’île de Chypre.
Ada est née à Londres. Elle est la fille de Kostas, grec qui a quitté Chypre, et de Defne, turque, qui a aussi quitté l’île. Car un amour entre un grec et une turc ne peut se concevoir. Defne est décédée, Kotas traîne sa tristesse et sa passion pour la nature, les arbres. Il a réussi à ramener un olivier de Chypre. C’est cet olivier qui fait de multiples confidences au lecteur.
Meryem, la sœur de Defne, lorsqu’elle vient à Londres, fait elle aussi de multiples confidences à Ada, qui comprend petit à petit l’histoire de ses parents. Son père a souhaité l’épargner de cette histoire bien douloureuse. Grâce à Meryem, le puzzle se reconstitue pour Ada. Pour le lecteur aussi. C’est la magie d’Elif Shafak de nous faire entrer petit à petit dans cette histoire d’amour, cette histoire d’exil, cette histoire entre un père et une fille qui doivent se construire sans Defne, définitivement absente de ce monde absurde.
Un monde où l’incompréhension tourne à la haine. La haine entre deux pays, deux religions. La haine qui s’exprime aussi contre deux homosexuels. Elif Shafak nous parle également d’écologie, à sa manière, à travers les arbres, les oiseaux, la nature omniprésente dans ce livre. Des pages qui sont en phase avec l’actualité du monde, à l’heure de la guerre en Ukraine (et bien d’autres, malheureusement), à l’heure d’une catastrophe écologique qui se précise sans que nos gouvernants ne s’en occupent vraiment. Á l’heure où, à Chypre, rien n’est réglé… « Elle va prendre du temps, la guérison. » nous glisse Elif Shafak, p. 418.
C’est le deuxième livre que je lis de cet auteur. Qui tricote petit à petit, pages après pages, une œuvre contre les aberrations de notre temps présent. Bravo, et merci.