Tu étais mon cousin préféré, le grand frère dont je rêvais, mon amour et mon admiration pour toi étaient sans borne.
Malheureusement quand je repense à cette partie de mon enfance, c’est cette sale nuit ou tu m'as violée qui me hante. Je ne crois pas qu'il y ait eu pénétration, mais je sens encore ton odeur et le poids de ton corps de jeune ado sur mon corps d'enfant. J’avais quel Age, 8 ans ? Je ne sais pas, Je dormais chez toi sur un matelas posé près de ton lit. Ça a commencé par un livre de sexe conjugal que tu avais piqué à tes parents et dont tu m’as montré les photos, puis tu m’as demandé de me mettre toute nue, presque comme un jeu. Je ne comprenais pas, mais je l'ai fait, et je me souviens que j'étais très mal à l'aise, je me souviens qu'il y avait un tambourin et que j'ai esquissé un genre de danse pour échapper à l'humiliation. Impossible de comprendre ce qui se jouait. Quand tu t'es couché sur moi, j'ai demandé que tu m'embrasses mais tu as refusé. Bien sûr, Il ne s'agissait pas d'amour mais de ton désir et de destruction.
Cette nuit-là, j'ai perdu pour toujours mon "innocence", ma confiance, ma légèreté. Cette violence-là m'empoisonne depuis tout ce temps. La honte, la souillure, et surtout l'immense solitude ou on se trouve. Sans pensées et sans mots pour comprendre, sans personne à qui en parler.
Ça s 'est reproduit 2 autres fois, une fois dans la salle de bain, chez tes parents, par terre, tu avais déjà ta puberté et des poils. Puis une dernière fois à la mer, dans une des grottes de la plage. Je disais toujours que je t'aimais bien, et j'ai continué à te fréquenter jusqu'à l'adolescence avec toujours ce malaise et cette question sans réponse, pourquoi ?
Les spécialistes du viol disent qu’il se produit un phénomène qu'ils appellent "dissociation" chez la victime, une partie de nous qui ne fonctionne plus celle qui doit vivre avec le mensonge, la honte. On est coupé de soi-même en quelque sorte, on fonctionne, on continue faire comme si de rien n'était mais on porte ce truc dégeulasse à l'intérieur. J’ai juste 50 ans, une vie pleine d’énergie et je ne veux, plus, porter ce cadavre qui me plombe. Je te le rends, démerdes toi avec.
Je suis en rage contre la société qui produit cette abomination dans la tête des jeunes garçons et qui la laisse détruire les enfants et les femmes qui la subissent. C'est ça, la culture du viol, on sait que 5% des hommes passent, à l’acte, avec leur petite cousine, leur copine, une inconnue, leur femme, prennent le corps sans consentement, et que l'espérance de vie baisse considérablement quand on a subi ce type de violence, parce que ça nous rend malade de devoir faire comme si ça n'existait, pas. J’aurais sans doute une une vie très différente sans ce traumatisme, j’aurais été moins révoltée sans doute, et surtout mon rapport à la relation amoureuse aurait été aussi différent. Mais j’ai trouvé nombre de sœurs, qui ont vécues des traumatismes similaires et je me sens assez forte pour ouvrir cette boite parce que j’ai compris que j’étais une victime et que ce n’est pas moi qui devrais avoir honte, mais nous tous d’être dans le déni de ce qui arrive aux enfants et aux femmes dans cette société patriarcale.
Quand j'ai été violée deux fois en stop, vers l’âge de 20 ans, je me suis super bien sortie en apparence. En fait, le mal était déjà fait depuis, longtemps.