A Evisa la châtaigne un « fruit de résistance! »

Après l'édition de 2022 tres réussie , comment se profile à l’horizon 2023 la 30ème foire rurale d’Evisa ? Comment vont se mobiliser ses producteurs, sa Confrérie de la Châtaigne et du Marron, ses propriétaires forestiers, ses municipalités amies Cristinacce et Marignana, ses Confréries invitées et ses partenaires, les historiens,  musiciens et militants culturels du Festivale di a Ruralità?

Ce type de festivité est une lecture globale du territoire tournée vers l’avenir. La mystérieuse chapelle romane de San Lunardu sera-t-elle enfin localisée, livrant ses secrets sur l’évangélisation des communautés pastorales en Corse depuis le haut Moyen-Age?

Une foire rurale est appelée à devenir un multi événement composant un tableau citoyen, économique et historique du territoire.  L’année prochaine peut-être une pulenda géante pour la 30 ème édition …? En attendant, place à la fête ce 4 décembre 2022! Cette année, pas de routes bloquées par la neige mais du soleil. Aux sons des violons, guitares, accordéons de la Brigada San Martinu, le maire Jean-Jacques Gianni dans son costume brun de la Confrérie de la Châtaigne et du Marron, a pris la parole avec éloquence : « La châtaigne c’est un fruit de résistance ! ». Une évidence, si l’on observe avec lucidité les sombres perspectives mondiales liées à l’alimentation et à l’économie. Mais en Corse, la forêt et à Evisa particulièrement la tradition du marron,

sont des ressources ancestrales… toute autant que des leviers pour la ruralité. Folklorique cette 29ème Fête du Marron et du Champignon au coeur de la forêt d’Aïtone ? En réalité, cette foire co-organisé par la Confrérie de la Châtaigne et du Marron ( président Antoine Muraccioli) et par Seve in Grentu (présidente Marie-Paule Casanova), n’est que la partie visible d’une forte dynamique de revitalisation du rural. Le maire déploie les initiatives politiques pour atteindre ce qui est l’alpha et l’omega du rural… à savoir une progression de la population. Résultat ? Le nombre d’habitants à Evisa augmente et le maintien de l’école semble assuré. Ce n’est pas tout, la commune dispose d’un Plan Paysage, d’un Atlas de la Biodiversité. Objectif prioritaire? La sauvegarde du châtaignier. Jean-Jacques Gianni: « la châtaigne est un fruit de résistance qui a permis à nos anciens de résister aux invasions, aux guerres, certes c’est un plat de résistance un peu bourratif. Nos ancêtres ne mangeait que ça et ils travaillaient dur ! Le châtaignier? On risque de laisser dépérir cet arbre-à-pain, il faudrait le sauver en priorité, le classer arbre d’intérêt régional. »

Une foire rurale en partenariat avec le Festivale di a Ruralità, ce n’est pas de la culture importée à consommer, c’est la lecture globale d’un territoire, berceau d’une langue, d’un patrimoine immatériel vivant incluant le chant sacré polyphonique, d’une très longue histoire et de savoir-faire agricoles. Aux côtés des espaces beignets, pulenda, biscuiteries et figatelli, ont été invité les professionnels du Centre régional de la propriété foncière et du PEFC (Programme Endorsement Forest Certification) qui gère la certification internationale, socle de la gestion durable des forêts. Ils accompagnent les particuliers pour gérer leur patrimoine forestier familial, via des conseils et formations en sylviculture. La forêt certifiée, bois de demain, un trésor patrimonial unique ici, avec des marges de progression incontestables. La Corse détient le record national de surfaces forestières soit 66% des surfaces totales contre 31% en moyenne nationale. Lucas Mignani délégué PEFC: « La Corse, première région en surfaces boisées, en regard du continent français et de toute la Méditerranée! Depuis 20 ans, on encourage les particuliers à s’inscrire au PEFC, pour créer un cercle vertueux et des rémunérations, tout en respectant l’environnement. La foret une ressource du passé et du futur ! »

——« Alta tenet Evisa »——

Le passé d’Evisa nous parle-t-il aussi du futur? L’historien Stephane Orsini, animateur FAGEC-Cahiers Corsica, fidèle compagnon de route du Festivale di a Ruralità a prononcé une conférence sur une mystérieuse chapelle romane San Lunardu. Peut-être octogonale et non encore localisée, elle existe dans la toponymie comme un témoin de l’évangélisation des communautés pastorales insulaires au Moyen Âge (du VI è-XI è). Epoque impliquant Grégoire le Grand, le Royaume Lombard, la Papauté, les Carolingiens, et marquée par les incursions musulmanes, puis les razzias barbaresques maures et sarrasines, neutralisées ensuite par les flottes et guerres de course occidentales en Méditerranée. Stephane Orsini, s’est attaché à expliquer les ressorts et motivations de l’archéologie du Moyen Age insulaire, démuni en archives écrites, le souvent alimenté par la tradition orale, confirmée sur le terrain par des vestiges. Châteaux fortifiés, habitats de la paysannerie, bergeries et ordres monastiques: il s’agit d’en savoir plus sur la vie du temps, les seigneurs féodaux, les populations et ces innombrables « Trésors oubliés des églises de Corse », explorés jadis par une pionnière, l’historienne Genevieve Moracchini-Mazel. Saint Leonard, mort dans le Limousin, est le patron de la délivrance des femmes en couche et des prisonniers. Stephane Orsini :« le contexte actuel est nettement favorable à la recherche avec une Direction du Patrimoine et de l’Inventaire à la Collectivité de Corse. Nous avons identifiés deux édifices romans octogonaux (XIIè) : un baptistère à Valle-di-Rustinu, un autre à Sorio, à la limite Nebbiu et Ostriconi. Et piste de recherche, en Castagniccia, à Pied-d’Orezza et Perelli d’Alezani, existent aussi deux édifices octogonaux. Mais eux, peut-être plus anciens. L’octogonal? Des chercheurs parlent d’une architecture inspirée du plan du St Sépulcre de Jerusalem, suite à la première croisade ».

A Evisa les Confréries ont chanté la messe dans l’église Saint-Martin et cet automne 2022, le Festivale di a Ruralità est passé à Figari, Ville-di-Pietrabugno, Carchetu è Bruscitu, Nucariu, Vescovatu, Penta, Venzolasca, Castellare, Volpajola, Tallone, Scata, Pianellu, Patrimoniu, Barbaghju. Cristianu Andreani siège au Cesec et préside le Centru Culturale San Martinu Corsica qui porte le projet d’itinéraire corse en boucle du Cap à Bunifaziu de la Via Santi Martini: « notre programme s’ancre solidement dans le paysage culturel du rural car on réalise toutes nos opérations avec les élus, les animateurs culturels, les
associations, les producteurs. Le temps est venu de populariser cette actualité des territoires ruraux car on constate que si on revient avec régularité, les gens comprennent mieux notre projet Via Santi Martini. En 2023 on continue à incarner cet itinéraire en boucle notamment dans le sud de l’ile. »

Liliane Vittori