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Billet de blog 2 juin 2015

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CORSE. Les « marcheuses de Bastia » pour l'émancipation et la démocratie participative.

Trop rares, ces moments de la vie publique, quand les habitants d'une ville échangent sincèrement dans une ambiance apaisée, sécurisée, constructive. Ces Marches Exploratoires des femmes mènent tout droit à l’émancipation, à la communication non-violente, à la citoyenneté active et consciente. Comment améliorer le vivre-ensemble dans l'espace public urbain ?

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Illustration 1

Trop rares, ces moments de la vie publique, quand les habitants d'une ville échangent sincèrement dans une ambiance apaisée, sécurisée, constructive. Ces Marches Exploratoires des femmes mènent tout droit à l’émancipation, à la communication non-violente, à la citoyenneté active et consciente. Comment améliorer le vivre-ensemble dans l'espace public urbain ? A Bastia, ce 2 juin la parole est aux « marcheuses », c’est le grand jour de la « restitution ». Un moment simple mais unique, qui fût une première pour tous les participants (es). Pas moins de 14 réunions et explorations piétonnes des quartiers (depuis février ) ont été nécessaire pour parvenir à ce moment de pure démocratie participative en faveur de la qualité de vie. En coordination avec Emmanuelle de Gentili, Première Adjointe au Maire : la Déléguée du Préfet de Hte-Corse, Stephanie Fournel a piloté toute l’opération. En confidence, elle exprime son ressenti et son attente : « la plus belle victoire serait que les femmes de ce projet s’autonomisent.. ». Tout un programme, tout un chemin de vie pour toutes et tous, dans un monde tourné vers un futur meilleur… mais qui se prépare et s’invente tous les jours au présent. Le processus des Marches exploratoires allant de l'autonomie personnelle à l'engagement citoyen. Emu aussi M Panis le Médiateur des Quartiers Sud de Bastia. Il coordonne les programmes et actions sur le terrain des personnels affectés au travail social. Lui-aussi déclare un petto avec un grand sourire : « vous avez vu ! Maintenant plus besoin de journalistes… tout le travail sera fait par les habitants eux-mêmes, et ces femmes, seront sans doute un jour pourquoi pas, des responsables et des élues…». Une observation d'un professionnel de la politique de la ville qui signifie avec humour, que la communication se situe véritablement au coeur de la démocratie participative. 

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En effet, que de chemin parcouru depuis les prémisses du PRU vaste Plan de Rénovation Urbaine de Bastia Sud. Signé par l’ancien maire Emile Zuccarelli en 2003, il a réellement commencé en 2006 et il se terminera en 2018. Ce PRU global concerne l’habitat, la résidentialisation, les équipements structurants et culturels, l’urbanisme. Il ne serait qu’une coquille vide sans les opérations focalisées sur les relations humaines et la médiation sociale . Mimi, Fatima, Ida, Sophie, Ursula, Camille, Samia, Erica, Lucia, Irina, Roselyne, Daniela… Les marcheuses (de 16 à 86 ans ) ont observé, puis rédigé et bien préparé leurs interventions, leurs propositions. Pour ces commerçantes, mères au foyer, demandeuses d’emploi, collégiennes, retraitées…: ces enquêtes de terrain sont de véritables " diagnostics en marchant ". Et elles déclarent à l’issue de la réunion, s’être senties « écoutées », « valorisées », « accompagnées ». Avec Bastia, une douzaine de villes en France sont sites pilotes (Rennes, Paris, Creil, Mons-en-Bareuil, Bordeaux…) de ces Marches Exploratoires, inspirées du Quebec. Elles ont été décidées lors de comités interministériels dédiés aux Droit des Femmes en 2012 et 2013.

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Du jamais vu : les "marcheuses" dialoguent avec les services de la Préfecture. Ce 2 juin, au coeur du quartier de Lupino, c’est du jamais vu : les « marcheuses » ont dialogué, en direct, avec le Directeur des Services de la Préfecture et de la Sécurité Publique de Haute-Corse. Elles ont aussi émis des souhaits et des constats en direction de l’Office Public de l’Habitant, de la ville, de la Communauté d’Agglomération de Bastia (CAB). France-Médiation (représentée par la sociologue Dominique Poggi), a assuré l’accompagnement pendant toute l’opération en formant les personnels concernés, en apportant la méthode. Il s’agit de «  renforcer la place des femmes dans la démocratie participative, améliorer, avec elles, leur environnement urbain, lutter contre les facteurs d’insécurité». Pour conduire des femmes éloignées de l’espace public à pointer les nuisances et proposer des améliorations concrêtes pour la Place du Triangle, pour la zone de travaux du Centre Culturel, contre les dépôts d’ordures ménagères et contre les déjections canines.

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Le Droit à la Ville . « La nuit j’irais pas seule au 33 ou au 43 ».  « Quand certains jeunes alcoolisés sont devant mon immeuble je n’ose pas rentrer chez moi ». On a donc parlé d’abribus tagués, de voitures incendiées, de parkings glauques, de sentiment d’insécurité. Tout cela, sans utiliser les armes habituelles des discours sécuritaires de la haine… mais en évoquant la conscience individuelle et collective. Parmi les propositions : les usages sur les grafs autorisés, la vidéosurveillance pour les encombrants, les limitations de vitesse, la fourrière, les rotations de bus etc…

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Sur les endroits dits « anxyogènes » Dominique Poggi précise : « la sécurité dans les lieux publics, une question difficile à aborder pour les femmes. Elles ne témoignent jamais spontanément. Face aux sifflets, aux harcèlements, aux menaces verbales, aux tripotages commis dans l’espace public, elles pensent qu’elles sont craintives et que les agressions restent leurs problèmes personnels. Les femmes n’ont pas droit a la ville de la même manière que les hommes. C’est encore un impensé. Pour trouver du travail, pour se former, pour la citoyenneté il faut pouvoir circuler librement en ville, un droit essentiel ».

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Les priorités ? Limiter  les « zones de non droit », les terrains vagues,  les « dents creuses », les sites mal éclairés. Autres points noirs les stationnements sauvages et l’insécurité routière. La propreté a été évoqué avec le projet de la CAB de « brigades vertes ». Au fil des jours, les marcheuses ont découvert tous les sigles et les innombrables services publics à l’oeuvre dans les Quartiers Sud de Bastia. De quoi se mobiliser, s’engager, participer activement à la politique de la ville et au vivre-ensemble. L’émancipation pour faire reculer les exclusions et gouverner ensemble.

LV

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