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Billet de blog 3 févr. 2023

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San Marcellu: les militants de la ruralité ? Des lanceurs d'alerte.

Aleria à la San Marcellu : la finalité au-delà d’une célébration religieuse? Pour le monde rural il faut ré investir, re enchanter, re ensemencer l’île-montagne.

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21 et 22 janvier à Aleria : A Festa di San Marcellu sous le signe de la bien nommée Acqua Sacra! Si les bienfaisants phénomènes météo, pluie et neige en surabondance, ainsi que St-Marcel patron des Semences, des Graines, des Chevaux ont répondu présent…la finalité d’un tel évènement, va au delà d’une célébration religieuse. Pour le monde rural, il s’agit de ré investir et de re enchanter l’île-montagne. Une géopolitique d’avenir, déjà opérationnelle pour revitaliser le rural et dont les participants sont des lanceurs d’alerte qui, au début, ont d’abord prêché dans le désert. Aujourd’hui les partenaires associatifs et leurs nombreux adhérents réactifs sont rassemblés autour de la Confrérie di a Pieve di a Serra dont : Custodii di u Creatu-Gardiens de la Création, U Cavallu Corsu, le Centru culturale San Martinu et Terres de Liens. 

Ciels d’orages en continu, terres gorgées de pluies incessantes et l’ensemble des massifs balayés par une tempête de neige géante: à cause du contexte climatique exceptionnel mais excellent pour les sols, la procession et la bénédiction des chevaux ont été réalisées à minima. Le champ de foire et les quadrilles supprimés et les participants accueillis sous chapiteau, pour déguster les lentilles-figatelli mijotées dans de gigantesques marmites, et en écoutant les chants, violons et guitares de la Brigada San Martinu.

Jean-Charles Adami de la  Cunfraternita di u Santissimu Crucifissu Pieve di a Serra, travaille avec ses confrères sur le répertoire du chant sacré, sur la sociabilité villageoise et sur la reconquête rurale. Un monde quasiment et des cérémonies disparus qui renaît depuis les années 90. La Confrèrie s’est reconstituée sur la base de structures préexistantes depuis des siècles, les chants s’étaient maintenus. Jean-Charles Adami : « A Aléria, avec notre Confrérie et l’association San Marcellu in Oriente, on a construit une démarche, qui n’est pas que de l’animation occasionnelle autour de festivités religieuses. Bien sûr, il y a la foi et l’admiration particulière de St-Marcel. Autour de cette idée, on a réfléchit avec les Confrères afin d’élargir à tous ceux qui contribuent à la vie rurale à hauteur de leurs possibilités. Au-delà du vivre à la campagne dans un village de l’intérieur, la ruralité c’est une culture de vie, qui conduit à certains types de relations entre les gens et la nature. Nous travaillons cette réalité, parce que l’actualité nous le commande, celle d’un monde dont les bases évoluent et d’un climat  profondément modifié. La thématique de l’eau c’est notre l’actualité cette année Acqua sacra ! Et aujourd’hui, on est bien servi, on ne va pas se plaindre.»

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D’abord ces lanceurs d’alerte de la ruralité ont prêché dans le désert. S’appuyer sur l’histoire sociale et religieuse pour semer des graines de développement : peut-on identifier aujourd’hui des évolutions dans l’opinion, des progrès attestant de la revitalisation du rural? Jean-Charles Adami: « Au début, on était un peu isolés, parfois même moqués, parce qu’on abordait des questions comme la relance des Oignons de Moïta, cela faisait sourire…maintenant c’est considéré comme un sujet très sérieux. La ruralité relance les questions societales de la vie commune, de la vie partagée, telle qu’elle se reconstruit entre l’humain et la nature. J’ai noté de grands progrès et l’église elle-même s’est  sensibilisée avec l’Encyclique du Pape François de 2015 Laudato si' , qui appelle à une conversion écologique globale. La Confrèrie ne gère plus en direct certaines de nos actions de sensibilisation, mais Custodii di u Creatu-Gardiens de la Création, réunit  beaucoup de jeunes soit 120 inscrits cette année, des lycéens qui plantent, cultivent , récoltent, soignent des jardins et s’occupent d’un arboretum comprenant une cinquantaine de variétés locales »

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Custodii di u Creatu est présent sur une zone très large sur des terrains maintenant cultivés à Aléria, Tox, Borgo, Bastia ( Jardins du Sacré Coeur) et San Martino di Lota. Le projet? « Sauvegarder la biodiversité de notre île en retrouvant des semences anciennes, les réintégrer dans les circuits productifs pour se libérer de la main mise des grands groupes semenciers et envisager l’autonomie alimentaire de la Corse ». 

Ont aussi participé à cette journée les militants du Cavallu Corsu que présente Pierre-Laurent Santelli: «nous avons environ 350 chevaux de race chevaline corse reconnue en 2012, nous continuons notre travail de recensement et de valorisation. Pour l’histoire, on sait que des chevaux corses étaient exportés dès le XVIè siècle, et l’équitation de la conquête américaine est inspirée de l’équitation de travail en Méditerranée, creuset de civilisation. La Fiesta San Marcellu patron de la protection des chevaux, est tournée vers la ruralité dans laquelle sont immergés les éleveurs de chevaux, une ruralité fondatrice de notre patrimoine historique. C’est tout à fait normal que nous participions étant donné la symbolique de St-Marcel, en tant que citoyens et au-delà de la religion, il y a cette spiritualité, nous sommes dans ce grand tout qui nous pétrit tous ! »

L’essentiel de cette San Marcellu qui s’est déroulée a minima, à cause d’une météo pourrie mais bienfaisante et excellente pour hydrater les sols et éviter les canicules. Un grand moment de partage démultiplié, qui a connecté des publics de tous âges et de tous horizons. Une solidarité fondamentale, une intime et collective conviction vécue, d’un avenir d’espérance pour le monde rural qui a tant encore à donner à tous.

Liliane Vittori

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