MUNICIPALES 2014 BASTIA. « Simeonisme ! ». Ressuscité, le mot fait florès dans les rues de Bastia et a généré un déluge de gags sur Twitter. Plus sérieusement, ce débat réactive des questions idéologiques et politiques, via lesquelles on revisite l'histoire insulaire et l'Histoire de France. Selon Jean Zuccarelli ( conférence de presse - 3 mars) : " le simeonisme reste la marque de l’anti-France et du rejet de la République ».
Ceci confère, à tort ou à raison, au « simeonisme » une allure de vrai concept politique, réel ou supposé. Alors, le simeonisme c’est quoi ? Dans le cadre de sa campagne et de sondages le donnant vainqueur, Gilles Simeoni a publié sa riposte le 4 mars : " Inseme per Bastia place au cœur de sa démarche la démocratie, l’ouverture, la recherche constante de convergences entre les forces de progrès, au service de Bastia et de l’intérêt général. Jean Zuccarelli et Francis Riolacci démontrent que les seuls arguments qu’ils opposent à cette extraordinaire dynamique de victoire sont le mensonge, l’injure, la diffamation. Seule l’action publique et démocratique peut construire une société corse émancipée, qui offre à sa jeunesse d’autres perspectives que la révolte, les parloirs de prison, le chômage, le culte des armes, l’exil. Ce qui fait courir un danger à l’Etat et à sa crédibilité, ce n’est pas l’aspiration massive des Corses à la reconnaissance de leur identité, mais plutôt de continuer à soutenir à bout de bras un système fondé sur la violence de la fraude, du clientélisme, des passe-droits sur les emplois publics et les logements. Il y a injure, lorsqu’ils affirment que nous serions les tenants du rejet de l’Autre, ou d’une race pure. Le peuple corse est une communauté de destin, qui intègre toutes celles et ceux qui ont fait le choix de vivre dans ce pays, d’en adopter l’identité, les difficultés, et les espoirs. " Et, Gilles Simeoni Conseiller Territorial Femu a Corsica, s’est illustré en février par une motion réclamant un siège de député de Corse au Parlement Européen. Réponse de Marylise Lebranchu Ministre de la Réforme de l'Etat, de la Décentralisation, de la Fonction publique ? C’est Non. Une demande pourtant légitime en regard du vaste territoire insulaire, de ses 1000 km de côtes, de son histoire, de sa position géostratégique, de son rôle de plate-forme de programmes européens en Méditerranée. Pascal Paoli, héros des Lumières. Sa première constitution du monde moderne votée à Corte, inspire 1789 comme la Constitution américaine. Puis Napoléon 1er Empereur des Français. Puis la Résistance qui libère l'île en 1943 avec un an d'avance sur la stratégie des Alliés. Puis le mouvement nationaliste... et maintenant les Municipales 2014, Twitter et le « siméonisme ». Ce concept « de l’anti-France » selon Jean Zuccarelli (candidat à la Mairie de Bastia, Conseiller Exécutif , Adjoint au maire, Pd de l’Adec) serait « la complaisance avec le terrorisme, le rejet de la République ». Et son colistier communiste Francis Riolacci, Adjoint au maire dél. à la culture précise : « Je ne veux pas que l'on se réveille au lendemain du 30 mars avec la gueule de bois. Le siméonisme est une idéologie bien connue en Corse. Elle est fondée sur le rejet de l'Autre et de la France républicaine. Gilles Simeoni continue d'accuser la France de vouloir détruire le peuple corse. Ce sont des accusations dangereuses qui font le lit de la violence ».
"Simeonisme » : le mot réactive un débat traversant l’histoire de l’île... elle-même indissociable de l'Histoire de France. Aujourd'hui, à l’Assemblée de Corse : les votes se succèdent liant les élus de gauche majoritaires et les élus nationalistes dans une même communauté de destin. Des concepts innovants. Ils demandent une révision de la Constitution ( art 72-5) , la co-officialité de la langue, un statut de résident. De plus, la Corse n’a plus Paris comme unique interlocuteur mais aussi Bruxelles. Le « simeonisme » s’est longtemps attaché à la personne de Edmond Simeoni, leader historique du nationalisme et aujourd’hui fervent partisan de la non-violence. Le père du candidat Gilles Siméoni (Inseme per Bastia) a dénoncé , avec justesse, le « racisme anti-corse » qui sévit dans les grands médias et parfois dans l’appareil d’Etat. A moins d’être aveugle et sourd difficile de ne pas remarquer ces sempiternelles attaques récurrentes contre l’île et ses habitants. Ce n’est un secret pour personne, le « colonialisme » à l’encontre de la Corse fut une réalité historique incontestable.
Elle est à présent atténuée par une Europe supranationale qui protège de fait la Corse et son économie ( comme tous les autres territoires périphériques européens via de nombreuses Directives). Relire à ce propos les écrits concernants les taxes scélérates au XIXe siècle qui pénalisèrent durablement l’agriculture insulaire ( huile d’olive, cedrat, blé, vin) . Relire aussi l’histoire tragique des mobilisations des soldats Corses de 14 −18. Rappelons aussi la reconnaissance tardive de la Résistance insulaire, sa valeur d’exemple politique indéniable, son avance sur les stratégies de Londres et d’Alger. Ainsi les militants de l’Anacr 2B dont feu Batti Fusella ancien Président, obtinrent enfin en 2011 (!) la mention dans les livres scolaires « Corse 1943 premier département français libéré » (68 ans après les combats libérateurs réunissant gaullistes et communistes). Lire aussi le blog de Massimu (Médiapart) : « Sans la France, la Corse ne serait qu'un caillou aride en pleine mer ! C'est évidemment faux. Habitée depuis 10 000 ans , la Corse n'est sous domination française que depuis 1769. Au regard de cette frise chronologique, ces millénaires passés sans la France, n'ont pas empêché la Corse de se développer économiquement, politiquement. Lors de la sanglante conquête coloniale (Louis XV - des dizaines de milliers de morts), la Corse était l'une des plus peuplées et des plus riches des îles Méditerranéennes. Après 200 ans de domination française, elle est la plus pauvre et la moins peuplée (…). » . Que signifie aujourd’hui le « siméonisme »? Parmi d'autres initiatives celle-ci est emblematique. Gilles Simeoni ( Conseiller Territorial gpe Femu a Corsica) fait voter à l’Assemblée de Corse une motion demandant un siège de député réservé à la Corse au Parlement européen ? (La Gauche Républicaine et les Communistes se sont abstenus). Comme il s’en explique au micro du pureplayer Corse Net Infos : « nous demandons que la Corse bénéficie d’un siège au Parlement européen, qu’elle soit érigée en circonscription de la région PACA à laquelle elle est actuellement rattachée. La représentation de la Corse est soumise aux aléas des négociations au sein des formations politiques nationales, voire européennes en fonction de rapports de forces et de logiques politiques qui nous échappent. Des mandatures entières se passent sans que la Corse soit représentée au Parlement européen ! Nous l’avons vu, notamment à travers le mandat de François Alfonsi et les bénéfices politiques qu’il a réussis à engranger, non pas au service de sa famille politique, mais au service de la Corse toute entière dans le cadre des zones rurales, le rapport sur la langue et d’autres domaines. » Gilles Siméoni précise : « dans ce scrutin par circonscription, nous bénéficions, d’une opportunité. Par application du Traité de Lisbonne, la France passera, pour le prochain scrutin, de 72 à 74 députés européens ». Soit 2 députés européens en plus. Pourquoi ne pas attribuer un de ces sièges à un élu qui représenterait la Corse ? Réponse de Mme Marylise Lebranchu Ministre de la Réforme de l'Etat, de la Décentralisation, de la Fonction publique ? Elle a dit non. Mais le simeonisme c’est certain, remporte un vrai succès. Avec une cascade de hashtags désopilants. Les Bastiais ont le sens de l’humour et de la « macagne », leur moral et leur survie en dépend.
Liliane Vittori