La Corse attend son projet de territoire touristique global, relié, connecté...

Ne soyons pas pauvres de nos richesses ! Un projet global de territoire touristique patrimonial relié et connecté est-il en chantier en Corse ? C’est le cri du coeur de Cristianu Andreani, qui oeuvre à la revitalisation du rural et co organise la San Martinu in Patrimoniu ( 9-10-11 nov.) avec la municipalité, A Cunfraternita San Martinu, la Confrérie bachique Vignerons AOP Patrimoniu, le Festivale di a Ruralità et le Centru Culturale San Martinu qui pilote le projet d’étape corse de la Via Sancti Martini, Itinéraire culturel du Conseil de l’Europe. 

 A Patrimoniu, ces journées ont rassemblé des centaines de participants mais quels sont les impacts sur la réflexion stratégique dédiée à la politique touristique de l’île? Cette année Marie-Antoinette Maupertuis présidente de l’Assemblée de Corse, a splendidement honoré l’évènement, elle a été intronisée marraine de la San Martinu aux côtés d’une jeune sommelière très primée, d’un patron de restaurant gastronomique et d’un oenologue. La Corse dotée d’un immense gisement de sites à valoriser, peut-elle s’inspirer de destinations prestigieuses qui privilégient le tourisme culturel et patrimonial telles que Rome, Florence, Venise, Pompeï, la Sardaigne, la Toscane ? 

Tradition à Patrimoniu, la procession et la grand-messe chantée par la Cunfraterna San Martinu et les Confréries de Corse précèdent la commémoration de l’Armistice du 11 novembre 1918 puis la mise en perce du tonneau de vin béni et « l’ intronisations par la confrérie bachique des marraines et parrains de l’année ».

Ici comme dans tout le rural insulaire, la mémoire du territoire c’est aussi l’espérance de la revitalisation économique et c’est le sens du combat mené depuis 15 années par le Centre Culturale San Martinu de Corse et son projet phare l’étape insulaire de Patrimoniu à Ville-di-Petrabugnu de la Via Sancti Martini, la première sur une île de Méditerranée.

La mécanique du développement social et solidaire il faut absolument y croire c’est la survie du rural. Pour mémoire, il faut savoir qu'en quinze ans le Festivale di a Ruralità a réunit des milliers de participants et organisé, du nord au sud de l'île, des centaines d’événements dans le rural profond, toujours associés à la lecture in situ du paysage réel et en faveur de la promotion des petits flux touristiques. Concerts, architecture des villages, vestiges archéologiques, musées: ce festival a donné la parole, sur place, aux universitaires et chercheurs en histoire, aux archives, aux personnages historiques, à la toponymie décryptée in situ, aux associations locales, aux élus de proximité, aux guides-conférenciers et accompagnateurs en montagne et aux producteurs en gastronomie et agro-alimentaire corse.

Ce festival est-il un exemple pour la prospective globale du tourisme en Corse ? Cristianu Andreani préside le Festivale di a Ruralità: « On est très en retard sur le projet de territoire touristique, comparé à la Sardaigne ou aux Cinque Terre cette suite de villages pittoresques de la Spezia. En Italie, les offres sont structurées, incontestablement plus et mieux qu’en Corse, avec des itinéraires, une logique clairement visible proposée aux visiteurs et surtout avec une stratégie économique puissante qui met en valeur et uniquement quasi exclusivement, tout ce qui est produit dans les domaines agro alimentaires et culturels locaux. »

Le tourisme en Corse avance-t-il en ordre dispersé et sans vision globale ? Cristianu Andreani : « Je dirais plutôt, il est temps, d’avancer! Et d’être un exemple au moment ou l’on vise l’autonomie. Il faut valoriser tout ce qui est produit ici et je constate que le pastoralisme est à bout, pas seulement à cause du dérèglement climatique ou du coût du fourrage et des céréales importées!  Il faut un courage politique et une prospective globale sur les 25 prochaines années. Que laisserons nous à nos enfants? Le territoire rural doit vivre à l’année c’est possible, avec ses ressources et l’autonomie alimentaire.».

Prochaine étape? L’inauguration au printemps 2024, du 1er tronçon d’une quinzaine de km, de l’étape corse allant de Patrimoniu jusqu’à Ville-di-Petrabugnu de l’itinéraire Via Sancti Martini « l’un des plus beaux en Europe et au monde puisqu’on y découvre en panoramique les deux mers : la Tyrrénnienne au Levant et la Mer Méditerranée au couchant ». Dédié aux territoires ruraux de l’Europe cet itinéraire se déploie sur 2500 km et concerne 11 pays avec 14 centres culturels européens Saint-Martin. 

Cristianu Andreani : « ce projet corse d'étape Via San Martinu est éminemment politique au sens grec du terme ! Il s’agit de planifier et ce projet est conçu avant tout pour le monde rural. Comment développer une activité si l’intérieur de l’île reste en état de mort cérébrale? Il faut mettre en avant immédiatement le concept de voyage culturel et patrimonial en Corse. Oublions le temps des cigales, passons au temps des fourmis.

A Florence, Rome, Venise, Pompeï des mesures drastiques assurent la perénnité de l’activité touristique et de son économie qui génère des milliers d’emplois. Le Festivale di a Ruralità depuis 2008 a bâti son identité et sa logique avec les gens du rural. Se reconnecter avec la réalité rurale ? Hélas, le développement en Corse concerne en majeure partie la ville ou la  zone péri-urbaine. Pourtant la réussite de notre processus est évidente il y a augmentation constante des jauges d’un public qui est merveilleusement composite. Il y des villageois , des visiteurs des micro-régions insulaires, des primo-arrivants, des voyageurs étrangers ce sont tous des festivaliers en demande d’une culture vivante, pour aimer un territoire complexe, son histoire, sa langue.Ne soyons pas pauvres de nos richesses! ».

Que dire de plus ? La San Martinu à Patrimoniu est un archétype qui envoie un signal puissant. Ici, à un terroir exceptionnel s’ajoute le partage populaire, les vignerons et vignobles, la gastronomie, plus le patrimoine …Peut-on encore s’interroger sur la pierre angulaire d’un tourisme patrimonial au service du rural ? 

Liliane VITTORI