 
    « Corsica 39-45 Les Corses et la Deuxième Guerre mondiale » Le Musée de Bastia, dirigé par l’universitaire Sylvain Gregori, propose cette extraordinaire exposition qui va populariser et décrypter l’histoire insulaire à destination de tous les publics.
En éclairant les liens logiques entre la menace d’annexion lancée par le « Duce » Mussolini et ensuite l’adhésion populaire massive à une Résistance insulaire, réunissant Gaullistes, Communistes, Catholiques, Pietristes, Landrystes...
Soit 479 œuvres, des archives rarissimes, des objets insolites du quotidien, des affiches, des uniformes, des armes parachutées par la Royal Air Force, ainsi que 23 vidéos multimédias. Plus 2 bornes tactiles interactives, réalisées à partir de rushes des correspondants de guerre français. Sylvain Gregori Docteur en histoire : « Comme toutes nos expositions, Corsica 39-45 décline des niveaux de lecture gradués tous publics à travers divers supports, des panneaux, des journaux de l’époque, des proclamations, des photos. Avec, à destination des plus curieux, des notices explicatives. Pour que tous les Corses s’y retrouvent, on a évoqué toutes les micros régions, pas une n’est oubliée. Nous avons donné un visage humain à cette continuité historique qui est aussi individualisée à travers des portraits de personnalités et pas forcement des gens connus. »
Rappelons l’atmosphère particulière des années 1930 qui ont précédées la guerre, notamment dans l’île menacée par les visées fascistes d’annexion de l’Italie. Autre particularité unique: les Corses ont connu deux mobilisations pour un même conflit, celle 1939 puis celle 1943, qui a envoyé sur les théâtres d’opérations européens les Corse sur 22 classes d’âges! Sylvain Gregori: « Par sa position stratégique, la Corse a connu une histoire singulière durant la Deuxième Guerre mondiale. La montée des tensions internationales entre les régimes autoritaires et les démocraties occidentales se traduisent localement par les revendications irrédentistes italiennes . Cette menace géopolitique et militaire provoque une grande peur de l’annexion de la Corse par l’Italie fasciste. La mobilisation de 12 000 Corses plonge la population dans le souvenir de 14-18. Le 10 juin 1940, Mussolini déclare la guerre à France, l’ile est alors directement menacée. Désormais, les Corses se sentent en guerre. »
 
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                    La Corse se distingue par deux faits majeurs. La Résistance insulaire , qui bien avant la France, réalise in situ l’indispensable unification politique des mouvements, qui s’agrègent dans le Front National insulaire «Gaullistes, Communistes, Pietristes, Catholiques, Landrystes… ». Avec un an d’avance sur les plans des généraux Giraud et de Gaulle et des Alliés, la Libération anticipée de 1943, permet d’installer 17 bases aériennes en Plaine orientale pour les raids vers l’Europe. La Corse est rebaptisées « USS Corsica- L’Ile Porte-avions ».
Mais avant la victoire il y a le 11 novembre 1942: l’invasion de la Zone libre en France et l’occupation italienne. Sylvain Gregori: « Dans le sillage de la politique irrédentiste fasciste, la Corse est occupée par l’armée royale italienne. Pour la population, c’est un traumatisme. Elle perçoit cette présence transalpine comme l’annexion de fait tant redoutée et plonge les insulaires au cœur du conflit. Le 8 septembre 1943, l’Italie signe l’armistice avec les Alliés. Le lendemain, le Front national déclenche une insurrection armée. Les combats libérateurs opposent, les résistants seuls face à la Wehrmacht, avant d’être rejoints par des unités venues d’Alger. Alors l’île acquiert un statut stratégique pour les Alliés. Et 52 000 hommes : Français Libres, Anglais, Américains, Australiens, Néo-zélandais s’installent et combattent quotidiennement à travers des opérations maritimes ou des raids aériens sur l’Europe . »
Comment la société corse, l’opinion publique ont-elles évolué pendant les 6 années de guerre? Outre la menace de l’annexion, d’autres phénomènes s’étaient superposés: la « vague maréchaliste », la destitution des municipalités de gauche, la Légion française. Des alternatives illusoires car dès 1940 les jeunes Communistes badigeonnent le port de Bastia « A bas Petain ! ».
Jean-Paul Pellegrinetti Professeur d’Histoire contemporaine Université Côte- d’Azur, Centre de la Méditerranée Moderne et Contemporaine : « Autre particularité, l’isolement géographique, le rationnement, les pénuries et leur impact sanitaire. En Corse, la Résistance a profondément imprégné la société. Le discours de la propagande clandestine, est marqué par son caractère identitaire. Il privilégie les héros de l’histoire insulaire au détriment des grandes figures nationales. La Résistance canalise également le mécontentement social contre Vichy et les Italiens. De1939 à sa Libération, la Corse n’est desservie que par un nombre réduit de navires de commerce. S’ajoute le blocus de l’Europe occupée par les Alliés, puis l’arrêt des rotations maritimes avec l’Afrique du Nord et la France. L’arrivée des Américains confronte les Corses à un autre mode de vie, caractérisé par l’abondance et la modernité. La Corse libérée, c’est également une île à reconstruire tant sur le plan politique qu’au niveau de ses infrastructures ravagées par les combats. L’île devient ainsi un laboratoire politique pour le pouvoir gaulliste. Cette expérience corse sera fondamentale pour de Gaulle dans la conquête du pouvoir de la France libérée quelques mois plus tard. »
Illustrés par des lettres, des portraits, des souvenirs de déportations, des brochures d’époque, cette exposition honore les grandes figures corses de la Résistance Fred Scamaroni, Jean Nicoli et aussi Gabriel Peri et Danielle Casanova. Sylvain Gregori : « Le message maintenant que les principaux acteurs ont disparus disparus? On va avoir une mémoire collective de cet épisode de l’histoire de la Corse à construire ou à reconstruire. Le public en retiendra et découvrira plus de choses choses que celles qu’il connait actuellement. »
Liliane Vittori
 
                 
             
            