Ajaccio, Bastia, Brando et Tomino 4 juillet 2016 : Manuel Valls et 3 ministres sont en visite marathon en Corse. L’hémicycle d’Ajaccio, la Mairie de Bastia, la Communauté de Communes du Cap Corse (Erbalunga), puis Tomino pour une présentation du projet de Parc Marin Cap Corse-Agriates. Certaines demandes des élus insulaires ont été acceptées par le Gouvernement : le retour derogatoire aux frais de succession réduits, le calendrier de la Collectivité unique, une agrégation de langue et culture corse. D’autres annonces dont la future Chambre des Territoires non élue et consultative, et le refus du rapprochement des prisonniers sont sévèrement critiqués. Le chef du Gouvernement en Corse ? Un exercice convenu, caricatural de l’Etat-providence avec ses annonces fleuves sur diverses dotations (parfois réelles, parfois mensongères, toujours provisoires et toujours aléatoires). Ou bien autre approche de cette journée décevante, la Corse est-elle ce perpétuel laboratoire d’une réforme institutionnelle française, toujours plus fuyante, en vue de supprimer les départements de l’hexagone ? M Valls est venu proposer , en remplacement des deux départements, une incongruité républicaine. A savoir « une Chambre des Territoires » non élue au suffrage universel, consultative et sans statut d'établissement public. Une aberration, un risque pour la démocratie. On n'imagine pas les départements français accepter une telle architecture bancale. Elle aurait, note Ange-Pierre Vivoni Maire de Sisco « autant de légitimité qu’un bar-tabac! ».
L’île reste donc ce site laboratoire expérimental législatif de pointe…intégralement alimenté par le travail titanesque accompli par les élus et élues de l’Assemblée de Corse, dont Pierre Chaubon Conseiller d’Etat, Président de la Commission des compétences législatives et rêglementaires de l’Assemblée de Corse, via des dizaines de motions, délibérées et votées parfois à l’unanimité pour faire évoluer la Corse. Dont de nouvelles compétences fiscales et sociales qui n’ont plus rien à voir avec l’Etat-providence qui fût la norme… mais dont les Corses, les socioprofessionnels et la majorité des acteurs économiques ne veulent plus. Dans l’hémicycle à Ajaccio, M. Valls, N. Vallaud-Belkacem, J-P Beylet, E. Cosse ont écouté attentivement les discours sans langue de bois des élus de Corse. D’emblée Jean-Guy Talamoni, redoutable théoricien, a remis en perspective l’histoire de l’île et de la France « ce pays ami ».
Le Pd de l’Assemblée de Corse a rappelé sans faire d’impasse, les demandes de l’île votées parfois à l’unanimité. « Beaucoup de choses ont changé dans ce pays une longue marche de 40 années (…) Et nous partageons 250 d’histoire commune, la France ne peut continuer à ignorer les motions votées par cette assemblée (…). Nous ne réclamons pas davantage d’argent à Paris ». En ce 4 Juillet, jour de commémoration de l’Independance Day américain et depuis « cet hémicyle qui est le coeur battant de la société corse » Gilles Simeoni
a d’abord rendu un hommage appuyé à Michel Rocard dont - synchronicité oblige - Manuel Valls fût l’attaché parlementaire. Puis, autre plongée salutaire et critique dans l’Histoire de France et sa relativité, il a évoqué lui-aussi la « République de Gènes qui vendit la Corse à la France ». L’Histoire n’est pas figée, le Brexit en est l’illustration. Le Pd du Conseil Exécutif a poursuivi son discours offensif, revenant en détail, sur les demandes fiscales, institutionnelles de l’île. Elles sont fondamentales, motivées et soutenues par des chiffres qu’il mentionne et des constats budgétaires issus des données statistiques officielles françaises. Mais les jacobins au pouvoir connaissent-ils d’autres lois, d’autres reflex politiques que ceux de la manne de l’Etat, censée combler tous les déficits comme par miracle ? Le Pd de l’Exécutif a conclut sans hypocrisie, annonçant sa détermination et la suite : « rien ne nous détournera du choix fondamental que nous avons fait, la démocratie. Rien ne nous fera renoncer à ce pourquoi nous nous sommes battus. » . Face à ces deux introductions politiques, Manuel Valls, très peu applaudi à Ajaccio et hué par une cinquantaine de militants CGT à Bastia, a prononcé une série de discours ultra-jacobins, sans nuance, sans imagination politique, sans ouverture, et pire sans pertinence économique. Comme si la politique restait un monde immatériel. Comme si les territoires ne pouvaient survivre sans Paris et sans le dogme d’une technocratie ultra-centralisée. Comment pourrait-il dialoguer sur l’emploi, sur la rentabilité des entreprises insulaires, sur la relance ? Parmi les annonces gouvernementales la plus controversée reste la future « Chambre des Territoires » mais en l’état serait-elle acceptée en Corse ? Rien n’est moins certain. Basée à Bastia, elle serait consultative, sans suffrage universel, sans statut d’établissement public et
sans aucun pouvoir de décision… Le compte n’y est pas .Comment les élus de Corse ont-il réagit à cette annonce de M Valls ? Pierre Chaubon se déclare satisfait mais pour Gilles Simoni le verdict global est clair : « le gouvernement et l’Etat, aujourd’hui, ne sont pas à la hauteur des enjeux. Michel Rocard avait bien resitué l’exacte spécificité insulaire. Sur la Collectivité unique sommes y favorable mais il faut aller beaucoup plus loin le compte n’y est pas. » Une analyse partagée par le Maire de Barettali Antony Hottier : « Cette Chambre des Territoires, elle va faire plaisir aux élus qui l’ont demandé mais c’est du vent ! Cela ne rime à rien, j’aurais préféré une annonce plus forte sur l’autonomie. Moi je suis maire, républicain, français et corse. Mon père était officier dans les Goumiers, qui ont libéré Bastia au Col de Teghime mais on est au XXI ème siècle ! Quand les jacobins ont défendu la république naissante très bien mais aujourd’hui il faut absolument que les régions de France, la Corse, l’Alsace, le Pays Basque et d’autres accèdent à des autonomies
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plus importantes pour gérer leurs quotidiens. Je regrette que l’Etat, représenté par ce premier ministre M Valls, n’entende pas cet appel. On y arrivera à cette autonomie mais quand ? » Ange-Pierre Vivoni Maire de Sisco plus radical : « cette chambre des territoires n’est pas ce que nous avions demandé, elle est vidée de son sens, elle est consultative. C’est tout ce que vous voulez sauf une assemblée, on pourra y discuter, mais elle n’a pas plus de légitimité qu’un bar-tabac ! Nous souhaitions pouvoir solliciter la Collectivité unique, être une vraie force de proposition avec le pouvoir de gérer un budget propre pour son fonctionnement et pas pour l’investissement et là ce n’est même pas du fonctionnement ! Pourquoi pas renégocier ? Nous disons non il vaut mieux ne rien faire que cela ! ». Du côté des militants c'est la même consternation. Pierre-Paul Battesti militant de Femu a Corsica est ulcéré : « les élus de la Corse habitués des grands raouts politico-médiatiques, avaient sept points principaux en débat. Voici les réponses du gouvernement. Sur la Collectivité unique il parait que « les décrets ne sont pas prêts ; mais elle sera effective en janvier 2018 ». Le gouvernement comme à son habitude ne prépare pas les dossiers qu'il lance et se trouve bien gêné de proposer aujourd’hui une solution pour les assumer. Nous avons des solutions à proposer, nous ! Sur les arrêtés Miot dérogatoires aux droits sur les successions on nous parle d’un moratoire. Une situation si compliquée, qu'elle est devenue ingérable, alors le gouvernement de la France laisse pourrir encore. Merci Napoléon. Une « écoute » est proposée, mais pour cela il faudrait se rencontrer et en parler. Je répète , nous avons des solutions à proposer ». Après une préparation tres sérieuse des dossiers par les services et les élus (es) de la CTC et suite aux non-réponses obtenues, il se pourrait que la société insulaire, qui a été tres patiente, devienne moins conciliante via-à-vis de l’incompétence qui caractérise le Gouvernement. « Nous avons un plan de développement pour la Corse afin de ne pas être tributaire de subventions et d'aides en tout genre et pour ne pas sombrer économiquement ajoute Pierre-Paul Battesti. Pas de coofficialité , admettons, alors pourquoi ne pas signer la Charte des langues régionales demandée par l'Europe quand on est légaliste ? Pas de prisonniers politiques, alors pourquoi la volonté politique de ne pas les transférer en Corse ? Cette volonté écrite et repetée dans les interviews de façon récurrente. C'est donc du politique ! Pas de statut de résident ce gouvernement est donc l'ami de la finance et de la spéculation qu'il dit combattre ? ».
L. Vittori.
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