Liliane VITTORI (avatar)

Liliane VITTORI

CORSE JOURNALISTE CORSE

Abonné·e de Mediapart

413 Billets

0 Édition

Billet de blog 5 octobre 2013

Liliane VITTORI (avatar)

Liliane VITTORI

CORSE JOURNALISTE CORSE

Abonné·e de Mediapart

Un flop la visite de François Hollande en Corse?

Liliane VITTORI (avatar)

Liliane VITTORI

CORSE JOURNALISTE CORSE

Abonné·e de Mediapart

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Un flop la visite de François Hollande en Corse ? Malgré l’émotion intense de l’hommage solennel (mais tardif ) à la Résistance insulaire et à la Libération de la Corse : les élus ici, comme les observateurs, semblent déçus.En réponse au vote historique demandant l’inscription de la Région Corse dans la Constitution (27 sept. 2013), et malgré la promesse du président Hollande de recevoir à l’Elysée une délégation d’élus : on entend ici et là les mots de « autisme », « fin de non recevoir », « politique de l’autruche ».  Voici les réactions politiques du député breton Paul Molac (UDB) , du Président du CESE européen Henri Malosse, des Conseillers Territoriaux Gilles Siméoni Femu a Corsica et Michel Stefani PCF. 

En Corse (4 oct.) François Hollande n'a annoncé aucun nouveau courage pour tenter, enfin, de desserrer l’étau des institutions.  (Parenthèse: on s’interroge sur ce que les  journalistes de sa suite « embedded » ont retenu de Ajaccio et Bastia. Dans quel esprit ont-ils été briefés par les conseillers ? C’est l’objet d’un prochain billet de blog Médiapart sur les obsessions et mentions récurrentes dans la presse  : « l’insécurité », « la violence en Corse" , "le crime organisé" etc..)  De plus, vus depuis Paris, et cela vaut pour toutes les Régions, les « thèmes locaux »… sont toujours éclipsés par la vision parisienne.   

La Corse visionnaire et engagée donnant une belle leçon de démocratie ? L’île est-elle trop loin, trop compliquée, trop mystérieuse pour l’establishment politique et médiatique de la capitale ? Il ne faut pas se leurrer, l’opinion publique est verrouillée, façonnée au fil des jours par une oligarchie… Laquelle est localisée hélas, tout aussi loin des régions françaises, que de l’Europe ! Comme du temps de la royauté à Versailles ? Ou celui de la débâcle en juin 1940 ? Et jusqu’à quand ? Alors que des partis non démocratiques, sans projet politique excepté la haine, ne font que « designer des cibles ». Fermer les yeux jusqu’au bout est-elle la nouvelle devise de la communauté nationale française ?

Il se trouve que l’Alsace et la Bretagne souhaitent, elles-aussi, une évolution de leurs statuts. Alors les mots de François Hollande ne sont pas à la hauteur de l’engagement du Conseil Exécutif de Corse dans un processus, qui semble donc lancé dans le vide. Pourtant « je suis d’autant plus Corse que je suis Français et d’autant plus Français que je suis Corse ! » déclarait très ému Paul Giacobbi Président du Conseil Exécutif lors du vote historique à l’Assemblée de Corse (27 sept. 2013). Il ajoute citant son père « pour  cette leçon il faut que le fils ou la fille soit enfin reconnu pour ce qu’il est… ». Comment ne pas décrypter ici le destin de la Corse et de la France réunies depuis 2 siècles ? Un destin politique commun, enrichi par le processus démocratique en marche ces derniers jours en Corse. L'ile, de  la première constitution du monde moderne, de Pasquale Paoli et de Bonaparte, montrant encore une fois le chemin, comme lors sa libération en 1943 ? 

A Ajaccio dans l’hémicycle, les élus territoriaux, rassemblés et solidaires, se sont prononcé à une écrasante majorité (46 contre 5) pour l’inscription de la Corse à la Constitution française (art. 72). Hommes et femmes politiques de terrain, aux prises avec les difficultés quotidiennes, leurs objectifs sont clairs. Un pouvoir local plus large en Corse pour légiférer, percevoir l’impôt, créer un statut de résident vital. Non pas « ethnique » mais plutôt ( en Corse et ailleurs dans le monde ! ), un statut pour mieux gérer, en faveur des populations d’actifs résidents, le foncier et l’immobilier, actuellement gravement menacés par la spéculation. Pour aussi imaginer des programmes de développement mieux ciblés et la co-officialité de la langue corse etc…Pour que l’île ne soit plus victime de décisions inadaptées prises par des fonctionnaires certes dévoués, mais sans réelle expérience des handicaps structurels insulaires. Il se pourrait que ce statut (si il existe un jour), soit ensuite envié et copié dans d’autres régions elles-aussi menacées par la spéculation ?

Cette inscription de l’île dans la constitution française sera-t-elle un jour discutée à l’Assemblée Nationale ? A Bastia , Ajaccio et Levie François Hollande a salué la détermination exceptionnelle des hommes et femmes de la Résistance, qui ont réussi l’impossible. A savoir libérer leur île et montrer comment « la France pouvait aussi libérer la France  ( sic François Hollande à Levie Corse-du-Sud) ». A l’Assemblée de Corse, tous les groupes politiques sauf Gauche Républicaine et PC souhaitent cette évolution. Pourquoi ? Pas dupe et vigilant : le Conseiller Territorial communiste Michel Stefani a rejeté ce projet. Il craint un possible coupe-circuit entre les volontés et délibérations des assemblées locales et le Palais Bourbon. Dans un courrier au chef de l’État il explique  : « cette étape ( le vote du 27 sept.) n’apparaît pas suffisante car cela implique de modifier la Constitution, soit après une consultation par référendum du peuple français, soit après un vote identique de l’Assemblée nationale, du Sénat, et du parlement réuni en congrès, majorité des 3/5e requise. 

Les Corses se demandent , la parole leur sera-t-elle donnée pour confirmer ou infirmer le vote de l’assemblée qui engage leur propre avenir ? ».Bonne question d’autant qu’en Alsace « la volonté quasi unanime des élus a été battue en brèche sur une question similaire. Nous réclamons une consultation populaire. Les Corses ne doivent avoir aucun doute sur la garantie d’être consultés par référendum, avant que ne soit engagé, si tel devait être le cas, le processus de révision de la Constitution destiné à obtenir l’inscription spécifique de la Corse, à son article 72 ». 

Du côté de Bruxelles, Henri Malosse Président du Comite Economique et Social Européen se montre très favorable. Il critique l’omnipresent jacobinisme parisien : « Ce vote ? Un signe de sagesse, de maturité des élus de Corse pour franchir le pas d’une manière pacifique, résolue vers une solution tranquille d’une situation de tension qui perdure depuis maintenant depuis 30 ans ici. Inutilement. On n'est plus en 1789, la centralisation n’est plus moderne. Maintenant vient le temps de l’Europe. Les identités doivent s’exprimer, elles ne menacent personne ! La particularité corse ne menace pas la République française, cela fait rire tout le monde ! Il faut une attitude ouverte, les élus suivant  la voie constitutionnelle, légale. Un signal positif. » Gilles Simeoni, Conseiller Territorial Femu a Corsica, candidat à la mairie de Bastia, porte un jugement sévère sur la visite de François Hollande : « globalement  l’impression est négative mais si les mots ont un sens, son discours de Bastia traduit une fermeture totale, par rapport aux demandes de l’Assemblée de Corse, aux points fondamentaux validés par des votes soit unanimes soit majoritaires. Sur la question  foncière, les arrêtés Miot, la langue, et sur principe de la consécration de la spécificité corse au sein de la Constitution. En fait Hollande a opposé une fin de non recevoir. Espérons qu’il redresse la barre, il ne peut continuer dans ce déni de démocratie. »

Même sentiment chez Paul Molac député du Morbihan (Union démocratique Bretonne) : « En Bretagne nous appelons de nos voeux le principe de décentralisation différenciée. En 2012, sur proposition du groupe des autonomistes de l’Union démocratique bretonne : la Bretagne a réalisé une Contribution du Conseil régional de Bretagne au débat national qui affirme trois principes : régionalisation, clarification des compétences, droit à la différenciation. C’est une étape positive vers l’autonomie régionale pour prendre en compte les réalités géographiques, économiques et culturelles. Nous avons hélas vite compris que cela ne serait pas suivi d’effet par le Gouvernement, à cause de blocages constitutionnels. Il faut donc faire sauter le verrou. C’est le sens du vote de la Collectivité territoriale de Corse que je salue. Ce vote démontre l’attente des élus locaux, des populations. Afin de pousser l’Etat français à aller plus loin dans le processus de décentralisation actuellement en panne. Légitimement, la Corse déjà  collectivité à statut particulier, devrait avoir sa place dans la Constitution, comme les Collectivités d’Outre-Mer, pour régler le problème de la non-tutelle sur une autre collectivité. »

Liliane Vittori

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.