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Billet de blog 10 janvier 2017

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« Oblomov » anti-héros de la littérature russe s’allonge sur le canapé du Fipa.

Après avoir incarné cet aristrocrate désargenté, nostalgique, toujours vautré : Guillaume Gallienne présente son téléfilm Oblomov et anime un masterclass exceptionnel à Biarritz. Jusqu’ici tout va bien, sauf que le métier de spectateur du monde a muté, la télévision est immersive, interactive et transmédia. Comment Oblomov vivrait-il le SmartFip@ 2017 ?

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Fipa 2017 de Biarritz (23- 28 janvier). « Oblomov » anti-héros de la littérature russe s’allonge sur le canapé du Fipa. 

Après avoir incarné à la Comédie Française, cet aristrocrate de St-Petersbourg désargenté et nostalgique, perpétuellement vautré sur son divan : Guillaume Gallienne adapte, joue, réalise le téléfilm du même nom. Il nous offre un voyage vers la littérature russe et il animera un master class exceptionnel (Rencontre avec un comédien-26 janv.) lors du 30è Festival International des Programmes Audiovisuels de Biarritz. Jusqu’ici tout va bien… sauf que le métier de spectateur du monde s’est considérablement complexifié depuis les mésaventures et veilleïtés d’Ilya Oblomoff en 1859. La télévision s'est métamorphosée, devenant multi écrans, immersive, interactive, transmédia avec la vision en 360°

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et la réalité virtuelle. Alors peut-on oser une transposition ? Elle conduirait Oblomoff dans notre monde si numérique et si merveilleux… avec un casque de réalité virtuelle et/ou une console de jeux vidéos et toujours sans quitter sa chambre ? Que penserait-il du SmartFip@ ? Oblomov, rôle titre d’un roman à succès de la Russie tsariste, décrit le malaise d’une société et entre en résonnance avec les joies et les peines du XXIè siècle.  

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Ainsi Oblomov est-il tout aussi déprimé qu’un jeune européen désemparé de la « classe moyenne en voie de déclassement »? Ou s’agit-il d’un simplissime paresseux primaire, sans imagination et addict aux jeux vidéos ? Ou bien vit-il comme ce prototype du fonctionnaire idéaliste (pléonasme), qui à Paris comme à Moscou, reste parfois un peu planqué, bien au chaud et déconnecté du réel ? Dans le roman d’Ivan Alexandrovitch Gontcharov (1812-1891), le jeune Oblomoff, fragile mais pas dupe, démissionne de l’administration du Tsar et devient un être asocial. Trop effarouché par répondre à la question existentielle « Etre ou ne pas être? », est-il finalement, avec deux siècles d’avance, ce couch-patato en pyjama, parcourant un monde imaginaire, sans bouger de sa chambre mais recevant des visites à longueur de journée ? On y parle des « raouts à Ekaterinnhoff », des « dîners chez Oftschinine », des mondanités, des dettes et des « portraits vivants, ce sont les préoccupations de l’auteur, qui avec d’autres parvint à démoder le « romantisme » de Pouchkine en annonçant le « nihilisme » pré-révolutionnaire en Russie. Oblomov restant l’archétype de la littérature dite naturaliste. Une recherche un peu vaine ? A quoi bon s’exclame le jeune homme toujours aussi apathique : « C’est du pain ! Mais toujours écrire, dépenser son esprit, son âme en futilités ; changer de convictions, trafiquer de son intelligence et de son imagination, violenter sa nature, se monter la tête, bouillonner, brûler, ne jamais connaître le repos, et toujours se remuer sans but… Et toujours écrire, comme une roue, comme une machine ; écrire demain, après-demain ; vienne une fête, vienne l’été, lui, il faut qu’il écrive toujours ! Quand donc s’arrête-t-il et se repose-t-il, le malheureux ? »Curieusement, on observe comme un téléscopage entre la lucidité d’Oblomoff qui préfère rester couché et les derniers développement de l’internet dont les films en réalité virtuelle. Comme si Gontcharoff, contemporain de Balzac, avait pressenti la profusion de stimuli culturels tels que les web documentaires, les films en « réalité virtuelle », les blogs, Twitter et Facebook…

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Continuons ce périple imaginaire d' Oblomoff au SmartFipa 2017 de Biarritz. Il pourrait participer, à distance, à diverses fictions survoltées. Une sélection ultra pertinente réalisée par Christopher Canalis et Florence Girot pour le SmartFip@. Cette vitrine internationale du transmédia et de la VR dévoile chaque année à Biarritz, les tendances créatives et technologiques. Via une compétition internationale, des keynotes, un Hackathon, le Smart Fipa anticipe l’avenir et les talents de demain. Ainsi Oblomov pourrait explorer  Halcyon (production canadienne) qui décrit une entreprise « qui en 2040 produit des « implants neurologiques qui permettront de manipuler les sens… ». Soit 10 épisodes courts et 5 épisodes en réalité virtuelle créés par Stefan Grambart. Oblomoff pourrait aussi aller en Syrie via #Hacked-Syria Electronics armies, une « application web mobile, conçue à partir d’une véritable enquête d’Al Jazeera, qui emmène au cœur de la cyberguerre ». Des hackers, des développeurs, des activistes sont réunis sur un  « format de jeu immersif » pour approcher « la réalité du travail des journalistes sur un sujet d’actualité brûlant. ». De quoi aussi au passage, donner à réfléchir en profondeur aux moyens puissants de la désinformation à l’oeuvre dans les méandres et soubrasauts de la diplomatie de guerre internationale. Et puis autre facette du talent de Gontcharoff : Oblomoff est un handicapé affectif et il a peur de l’amour ! Alors il pourrait vivre des histoires sentimentales mais toujours sans quitter son canapé. 

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Juste pour lui, le SmartFipa a sélectionné Amours interdites (Séverine Bardon, Anne Loussouarn, Michaël Sztanke):« un dispositif transmédia pour inciter le public à s’interroger sur sa société, ses rigidités collectives ou personnelles, et leur impact sur les individus. Une navigation interactive permet de découvrir huit histoires d’amour condamnées par la société. Chaque épisode comprend un court-métrage documentaire, un éclairage contextuel sur le pays et la problématique à laquelle est confronté le couple, et le travail photographique d’un artiste local. Un appel à témoignages invite les internautes à partager leur propre expérience. ». Le programme intégral, les conférences et les pass grand public sont à découvrir sur « fipatv.fr ». Pour sa 30ème édition le Fipa, le Fipa Industry et le SmartFip@, proposent une programmation qui, selon le Président Didier Decoin « ne se contente pas de montrer mais s’attache à comprendre. Jouant du documentaire comme de la fiction, portant la même attention au général comme au particulier, révélant les brûlures de l’Histoire comme le silence des alcôves où l’on naît, où l’on aime, où l’on meurt, le Fipa trace et traque le reflet de l’humanité telle que la restitue la télévision.

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Au-delà des chiffres, parce qu’il est un festival transcatégories, le Fipa est un observatoire continu de la création télévisuelle, de ses audaces, de ses mille et une façons de pister les mutations du monde. Et d’inventer, à travers les évolutionstechnologiques, de nouveaux langages pour décrire et analyser les changements de société et de mentalité. Le Fipa ne cesse de prendre le pouls du temps, de mesurer la tension – et de plus en plus… l’hypertension ! – de la société humaine.» . Trente ans de Fipa ce sont 35 000 programmes visionnés, des Jurys, des fictions des grands reportages, 4000 films sélectionnés, 600 trophées distribués ( Prix Mitrani, Télérama, Erasmus, Hackathon, EuroFipa d’Honneur etc…) et 70 pays représentés. Cette année Fipa Industry propose un Focus sur le Canada francophone et anglophone avec des téléfilms, une délégation canadienne et les partenaires privés et publics sur ce marché de l’audiovisuel et du numérique toujours plus ouvert sur une télévision planètaire innovante et compassionnelle. Car c’est le génôme historique du Fipa, festival toujours plus intelligent et solidaire . 

LV

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