"Roquettes désamorçées" et situation « anxiogène » pour les habitants de la Corse alors qu’est publié le n°169 de la revue Alternatives NonViolentes intégralement dédié à l’île, son histoire, ses mobilisations en faveur de la nonviolence.
Deux roquettes « à charge inerte » ont été tirées le 5 déc. sur les gendarmeries de Bastia et Ajaccio , sans victime et sans revendication. Les communiqués et reportages se multiplient dans le mainstream…mais les véritables révélations sont signées François Vaillant rédacteur en chef de Alternatives NonViolentes et Jean-François Bernardini fondateur de AFC-Umani. Pour décrypter les paradoxes insulaires, les « stratégies de la provocation » et le scénario bien rôdé du déni.
Comment écrire sur le n°169 d’Alternatives Non-Violentes titré "Corse Terre de non-violence ? "…alors que deux roquettes à charge creuse ont été lancées contre les vitres des gendarmeries de Bastia et Ajaccio? On assiste à la scénarisation répétitive de la vie politique insulaire. Une fois de plus, un ministre de l’Intérieur fait une visite - éclair, accompagné d’une escorte de journalistes parisiens désinformés avec leurs éléments de langage convenus. Ils ne viennent quasiment jamais rencontrer les habitants de ces deux départements de la République (Corse-du Sud et Haute-Corse). A savoir des insulaires, qui en majorité, souffrent, travaillent, créent des entreprises, cultivent la terre, récoltent, protègent la mer et la montagne, jouent au foot, étudient, soignent, chantent et prient. Aucune victime pour ces deux attentats non revendiqués, mais à nouveau, le scénario bien rôdé du déni qui pénalise la population de Corse. Alors, que des rencontres se poursuivent entre l’Etat et l’Assemblée de Corse sur le thème de la révision constitutionnelle.
Mais le mal est fait, les mots s’envolent, les caméras tournent… filmant à Bastia le groupe des épouses de gendarmes (d’habitude si discrètes) exposées avec leurs enfants et expliquant leurs inquiétudes pour la sécurité. On lit ici et là (sans aucun rectificatif) « roquettes antichar perforantes » pour BFMTV, « à charge explosive » (L’Express). Seuls le Nouvel Obs et Corse-Matin parlent de « roquette à charge inerte ». Les réactions dans l'île ? Edmond Simeoni parle d'une "absence de réflexion des militants clandestins".
Et Emile Zuccarelli, maire de Bastia, Pd de l'Agglomération, ancien député, ancien ministre a immédiatement réagit : « De lâches attentats ont frappé, ce jeudi 5 décembre, les gendarmeries d’Ajaccio et de Bastia, causé des dégâts matériels et mis en danger les gendarmes, leurs femmes et leurs enfants. Ils visaient des fonctionnaires qui concourent de multiples manières au service du public. Ils doivent être condamnés de la manière la plus vigoureuse et la plus claire par tous ceux qui ont le souci de l’ordre et de la sécurité de leurs concitoyens. ».
Et Edmond Siméoni, écoeuré, cible « Manuel Valls, le provocateur » (edmondsimeoni.com) : « l’actualité récente met à nouveau la violence au centre de la problématique corse, au moment crucial où l’île est entrée dans la voie irréversible de l’émancipation ; donc où elle est particulièrement vulnérable. Il n’y a aucune analyse approfondie de la part des commentateurs, ce qui rend la situation difficilement intelligible et très anxiogène. Le décryptage n’est pas aisé ; j’ai voulu y contribuer pour dénoncer une stratégie de provocation de Valls, une absence de réflexion des militants clandestins (…) ». « Ambition immédiatiste », « hostilité totale et rédhibitoire envers Paul Giacobbi »(Pd du Conseil Exécutif de Corse) : M Valls « joue sur les craintes, les peurs, les inquiétudes des Français pour souffler sur les braises de l’insécurité, gisement majeur en vue de la prochaine élection présidentielle. ». E. Siméoni dénonce la « surmédiatisation sur la criminalité, les Roms… et la Corse » rappelant « l’accusation génétique de violence, confinant au racisme. ». C’est dans ce contexte déprimant de télescopage qu’est publié ce merveilleux n°169 de Alternatives NonViolentes titré « Corse Terre de nonviolence ? » (108 pages) . Toutefois il faut garder l’espoir, comme l’explique le militant basque Txetx Etcheverry « la nonviolence est plus forte que la lutte armée ».
Ce numéro est historique. François Vaillant, éditorialiste (www.alternatives-non-violentes.org), ouvre sur une vision panoramique et magistrale de l’île. Evoquant les visites indignées des ministres, les « inepties » répandues par certains médias, les « rapports accablants sur les services de l’Etat » ( justice, police et anti terrorisme). De tous ces préjugés et clichés, de cette image fausse démultipliée « les Corses en souffrent dans leur chair ».
Sont évoqués au fil de pages, les formations et universités insulaires sur la nonviolence, la longue histoire de l’île, le Manifeste des Femmes pour la Vie, le « Collectif contre les assassinats et la loi de la jungle » et tous les moyens de la désobéissance civile de Gandhi et Luther King « le boycott, la non-coopération, la grêve de la faim »...Vous allez en Corse cet été ? Tout cela écrit François Vaillant est « la partie visible de l’iceberg » ! Reste à découvrir cette île aux mille paradoxes et dit-il « il se passe quelque chose d’inouï en Corse. » Savez-vous qu’il existe dans l’île ce diction « Hè megliu à more ch’è tuba. Mieux vaut mourir que tuer »? Jean-Charles Adami (enseignant et membre de la confrérie Santissimu Crucifissu) revient sur « I Paceri » ( les faiseurs de paix) d’hier et d’aujourd’hui : « inconnues sur le continent, les confréries ont en Corse un rôle social, notamment pour réguler les conflits de manière non- violente, en s’appuyant sur la spiritualité évangélique. ».
Dans ce n°169 les auteurs Jean-Marie Muller, Txetx Etcheverry , Jacques Fusina Christian Robineau Kim Altmeyer, Edmond Siméoni, Georges Gagnaire , Hans Schwab, Élisabeth Maheu, Jean-Jacques de Félice, Michel Auvray, explorent les thématiques de la coopération, de l’abandon de la lutte armée au Pays Basque, de la langue corse, du choix de la nonviolence etc…Dans « Plus fort que la violence, la parole ! » Yvette Bailly ( porte-parole de Man France) apporte un témoignage bouleversant sur un évènement rare. Lors de la Quinzaine de la nonviolence et de la paix à Lyon en octobre 2013 s’est engagé un dialogue constructif entre des jeunes des quartiers et des professionnels avec des « résultats étonnants ! ».
Corse, terre de nonviolence ? « Comment grandissent les enfants quand on tue à 2 kilomètres du collège, sans qu’un mot soit posé sur cette souffrance ? Quand ce goutte-à-goutte de suspicion est avalé au quotidien, criminalisant toutes les victimes ? Quand une société entière est empoisonnée par le soupçon ? » : vous lirez l’expérience fondatrice de Jean-François Bernardini qui confie d’emblée: «parler publiquement de nonviolence en Corse semblait impensable ! La nv est cependant solidement enracinée maintenant en Corse, avec la vigueur des jeunes pousses ». Tout commence en 2011 malgré les doutes et ricanements de la médiasphère. Première réunion au collège de Fulleli (Penta-di-Casinca en Hte-Corse) : les enseignants se déclarent « transformés par cette expérience ».Ensuite le Pd de AFC-Umani, leader de I Muvrini, déroule le fil de cette résilience sociale en cours. Incluant le récit de Jacqueline Rode principale du collège P. Paoli d’Isula Rossa (Ile-Rousse -Balagne), engagée dans une démarche exemplaire de prévention.
Donc 108 pages pour un numéro exceptionnel de compassion pour la Corse. Enfin ! Pour plus de discernement sur la Corse: il faut entendre ce cri. Car le plus étonnant fut le tout premier dialogue avec François Lhopiteau (pédagogie de la non-violence ). Jean- François Bernardini raconte : « Je lui ai parlé de nos préoccupations au sein de la Fondation de Corse. Je lui ai bien sûr longuement parlé de la Corse. Il m’a laissé m’exprimer. Il m’a écouté attentivement, puis a résumé mes propos sur la Corse par une question que je n’ai jamais oubliée : “d’où vient toute cette souffrance ?” C’était la première fois que l’on me posait cette question sur la Corse. Fraternelle question. ». Maintenant dans nos mails en Corse et ailleurs dans le monde : nous écrivons en bas de page A Fratellanza !
Liliane Vittori
Contacts: Pour commander la revue Alternative nonviolentes : ANV Centre 308, 82, rue Jeanne-d’Arc 76000 Rouen
: anv.revue@wanadoo.fr : www.alternatives-non-violentes.org (Revue associée à l’Institut de recherche sur la résolution non-violente des conflits IRNC)
Et nous dans notre établissement ? notre MJC? . Se renseigner sur les conditions pour bénéficier du Parcours-Expo du MAN (Mouvement pour une Alternative NonViolente)
• en Corse : Fondation de Corse, 04 95 59 16 16 afc@afcumani.org
• sur le continent : Man , 01 45 44 48 25 man@nonviolence.fr
Jean-François Bernardini : compositeur, guitariste, leader du groupe I Muvrini, Président de la Fondation de Corse.
Auteur de : La Corse invisible, Éd. AGFB, 2013
Carnet pour Sarah, Éd. Anne Carrière, 2005
Lumière dans la tempête corse, Éd. Mango, 2005.