Accrochée à un territoire comme à une matrice : la langue corse est vivante et elle recimente le lien social, dans le respect du pacte républicain et du droit européen. Le 24 mai à Ajaccio le collectif Parlemu Corsu fête la société bilingue. Repli sur soi ? Exclusion? Comme le statut de résident (projet) une langue régionale est un réflexe de survie mais rien à voir avec le racisme. Alors pourquoi la France refuse-t-elle la Charte européenne des langues régionales et minoritaires ? Une prévention contre le communautarisme ? Non c’est plus profond, plus compliqué et la vérité est ailleurs. De fait, les luttes identitaires ( langue, environnement, agriculture paysanne) font obstacle, avec vigueur, aux stratégies de la finance mondialisée. Toute avancée de démocratie locale ( tous pays, tous territoires) est un combat prioritaire qui s'oppose au pouvoir bancaire et à ses multinationales. Les financiers préfèrent « le malheur des peuples": à savoir , les exilés, les déracinés, pauvres de préférence et rassemblés en zones urbaines sensibles… Parce que ces travailleurs et ces familles, migrants aux abois, sont des proies faciles pour la finance, loin de leurs appartenances, de leurs solidarités. Que répond la gouvernance centralisée ultra jacobine française ? François Hollande renie son engement et renonce en mars dernier, à signer la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires malgré une proposition de loi constitutionnelle (Ass. Nat. 28-01-14) visant la ratification et nécessitant une adaptation de la Constitution. Alsace, Corse, Bretagne, Occitanie, Euskara... Pourtant en Corse (et ailleurs), quoi de plus rigolo que jouer au foot en « corsu » (surtout si on est trilingue marocain-français-corse) ? Quoi de plus patrimonial qu’une visite de chapelle romane commentée « en langue corse » ? De blaguer « in lingua nustrale » dans le bus Bastia- Lupino ? De chasser le sanglier dans le maquis, en décryptant en chemin, la toponymie ? Cette immersion de la langue régionale corse dans la vie quotidienne c’est la « sucità bislingua» que construit Parlemu Corsu , collectif de plus de 105 associations. La langue corse, richesse patrimoniale unique et vivante, se pratique in situ dans l’île.
Pourquoi le bilinguisme? Notre République semble trahir ses promesses, elle est inéquitable envers les régions et elle crée des guettos de non-droit. Et ce, alors que les territoires, champions du vivre-ensemble, doivent en priorité valoriser leurs atouts sous peine de disparition politique. En quoi la langue régionale est-elle un facteur d’équité pour un territoire ? De la monarchie à la République, le modèle jacobin solidifié sous la IIIe République a été le rouleau compresseur des identités culturelles et des langues régionales. Micheli Leccia Pd de Parlemu Corsu : « l’identité française s’est construit de manière artificielle. Les Français ont beaucoup de mal à en parler. Ils cherchent leurs mots, ils disent la France, c’est le pays des Droits de l’Homme. Alors que être français c’est une manière d’être, de vivre. Anecdote, à Paris, dans un restaurant, un ami parle au téléphone, mélant corse et français. Le serveur nous interroge sur cette langue indistincte ? C’est du corse lui dit-on. Mouvement de recul. Vous refusez de parler français dit-il ? Non, nous pensons que la langue corse recimente chez nous ce qui est en train de se défaire dans la République. Défendre les cultures dites minoritaires, c’est la reconnaissance, l’acceptation des uns et des autres. Nous sommes tous différents et complémentaires. Si on se sent respecté on va respecter encore mieux les autres. Cela peut recimenter le lien social, recréer de la cohésion. Ce n’est pas un repli sur soi. » Les revendications de Parlemu Corsu ? La « cuufficialità », cette coofficialité votée à l’Assemblée de Corse à l’unanimité « u successu mancu un votu contru ». Le collectif Parlemu Corsu depuis 2007, enchaîne les « festa rivindicativa », « azzioni », « stonde ». Comme le 24 mai « in Aiacciu sàpatu u 24 di maghju 2014 ». Son prévus à Ajaccio « una accolta davanti à Prifittura », des discours et un « spittàculuè fistiva Piazza di u Diamanti ». Shows de comiques (I Tarucconi, Tutti in scena, Locu Teatrale, I Kongoni, A Piazzetta, I Mantini, Hubert Tempête ) puis un concert de 6 ensembles musicaux pour dire que « nous faisons la fête, nous sommes tous réunis autour d'une revendication. » précise Micheli Leccia. Dix amicales des Corses (Aix, Antibes, Arles, Avignon, Draguignan, Hyères, Lyon, Nice, Paris) annoncent leur participation. Sur la scène des animateurs des médias partenaires : Diana Saliceti (Corse-Matin), Laurent Vitali ( France3 CorseViaStella), Michael Andreani (Alta Frequenza). Micheli Leccia précise « parlemun Corsu, apolitique, regroupe des personnes et des associations villageoises et culturelles . On se bat pour une société bilingue : corse et français à parité. La langue corse parle de tout les sujets et occupe tous les domaines. Nous avons lié des contacts avec des pêcheurs, des écrivains, des boulangers, des scientifiques, des chefs d'entreprises, des sportifs via des stonde, des chaînes humaines, des fêtes revendicatives. Notre volonté nos valeurs avoir et envoyer une image positive et populaire ».
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