Notes de lectures sur les " élites frileuses et conventionnelles." Il y a un an Olivier Saby jeune diplômé de l’Ena publiait "Promotion Ubu Roi. Mes 27 mois sur les bancs de l’ENA". Notre confrère Patrick Fauconnier du Nouvel Obs écrivait alors : « un livre qui nous donne à voir en direct la médiocrité du programme de l’école, en nous immergeant dans la scolarité. (…) Beaucoup de choses dans ce livre laissent une impression glaçante. On comprend que c’est une école qui sélectionne 80 brillants jeunes gens via des épreuves impitoyables pour leur infliger ensuite un cursus pitoyable. Saby parle de vide abyssal de l’enseignement. ». Il faut absolument lire cet ouvrage et l’article de P. Fauconnier sur « la redoutable épreuve du Thème d’observation, qui dure 8 heures, enfermé, sans pouvoir bouger, sans documents. L’examen porte sur le développement rural et sa place au sein de la mécanique européenne. Ce sujet nous est aussi inconnu qu’à une poule landaise. L’important est juste que nous sachions pondre une résolution, en étant notés sur notre capacité à imiter des textes déjà existantes et à singer leur formulation. L’erreur serait de faire preuve de créativité. La sanction serait immédiate ».
Plus grave, est évoqué dans le livre : « le mépris de l’Etat pour les collectivités locales ». Un bon sujet d’actualité pour les futurs énarques … sauf que justement ce sont eux qui représenteront l’Etat parisien, hyper- concentré, assis sur ses privilèges. La méthode apprise ? Arrogance, obsession du classement, incompétence, autocensure, carriérisme, consanguinité des administrations centrales avec la classe politique. Résultats ? L’écotaxe et son terrible bilan. Raison pour laquelle je voudrais bien lire le directeur et les enseignants de l’Ena sur ce blog. Mais motus c’est le silence total.
Parenthèse en plein dans le sujet : ce merveilleux papier de P. Fauconnier fait référence à l’historien Marc Bloch ( co-fondateur des Annales avec Lucien Febvre, auteur de "L’étrange défaite", résistant FTP et MUR , fusillé par la Milice en 1943) : « un livre clé écrit juste après la débâcle de 1940 . On y trouve des observations qui recoupent presque mot pour mot les analyses de Saby. Comment la France n’a pas vu monter, pendant 8 ans, le péril hitlérien, et a pris une faramineuse dérouillée sur le terrain. Il incrimine une « démission des élites, frileuses et conventionnelles » qui nourrira par la suite d’innombrables débats. » . Je n’hésite pas et divers commentateurs avec moi, à oser des corrélations historiques entre 1940 et 2013. Le livre de Olivier Saby, jeune énarque lucide et sincère, nous conforte dans cette observation hélas si juste, d’une énarchie et d’une technostructure totalement à la rame… Sans vision , sans initiative, sans aucune relation avec le réel français du terrain. Dont l’écotaxe sur les camions est un exemple flagrant quelquesoit le bout par lequel on analyse cette terrible faute de gouvernance. Exactement comme lors de la débâcle et des années qui ont précedé 1940. P. Fauconnier conclut : « Ce livre nous apprend ceci. Les énarques sont formés à administrer et gérer, certainement pas à inventer et innover. On ne les a aucunement préparés à être stratèges, imaginatifs, audacieux, courageux. On leur a même instillé les vertus inverses. Or tous les leviers de l’état et des politiques publiques sont aux mains d’énarques. Comment s’étonner que la France patauge dans le conservatisme, la crainte des réformes, un conformisme désespérant ? (…) On a l’impression à lire Saby qu’à l’ENA, les élèves sont infantilisés, effarouchés, lobotomisés. » . Quand on constate le fonctionnement actuel de l'Etat dont les errements de l'écotaxe, on ne peut que conclure que les énarques ignorent tout ou presque des entreprises, TPE, PME, artisans, agriculteurs. Savent-ils les imapcts des finances si entamées des Départements ? Que pensent-ils des Régions, et de leurs rouages et circuits économiques. Lesquels représentent quand même notre survie. Au final il s’agit des mécanismes de l’économie sociale et solidaire si vitaux actuellement en France. Oui et certains énarques ( pas tous évidemment) méconnaissent ces données bien réelles ( et ils ne connaissent pas ce qu’ils ignorent). Tant ils sont aveuglés par le marketing implacable administré dans les hautes sphères de la haute finance, installées à demeure dans la capitale. Et qui elles, ne voient que la rentabilité à court terme du capital , écartant d'emblée de ses analyses si brillantes, le phénomène humain. ENA Promotion 2013 (80 étudiants) : 13 millions d’€.
LV
lire P Fauconnier Nouvel Obs
http://tempsreel.nouvelobs.com/education/20121025.OBS7128/l-ena-facteur-de-declin-francais.html
lire aussi dans Agoravox fevr 2013
: http://mobile.agoravox.fr/actualites/societe/article/l-ena-est-elle-source-de-formation-131433