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Billet de blog 14 juin 2017

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Corse: Bactérie Xylella, pronostic vital engagé pour l’écosystème

Bactérie Xylella en Corse : Insectes et végétaux infectés, tableau clinique catastrophique, pronostic vital engagé pour l’écosystème insulaire. Que fait l’Etat ? Il "attend" et autorise, par dérogation, les entrées de végétaux contaminés venus d’Espagne, dans le contexte d'un alerte européenne et d'un confinement des Baléares.

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Illustration 1

Sont infectés à la bactérie xylella : le chêne-vert, la filaire , le laurier-rose et les insectes de la Plaine Orientale. Corse : contamination prouvée des insectes et des végétaux à la bactérie Xylella, tableau clinique catastrophique et pronostic vital engagé pour l’écosystème insulaire. Que fait l’Etat? Il autorise par dérogation, les entrées de végétaux infectés en provenance d’Espagne, alors qu’une alerte européenne est lancée et que les Baléares sont déjà placées en quarantaine. Une Préfecture de Région est-elle capable de réagir à une information sanitaire européenne ? Face à « l’incohérence et l’incompétence » de l’Etat, les oléïculteurs corses ont financé et procédé eux-mêmes à des tests sanitaires dans l’île. Sont contrôlés positifs le chêne vert, le laurier-rose, la filaire … et des insectes de la Plaine Orientale. Le préfet de Corse Christophe Mirmand s’était distingué en 2015 par une réactivité remarquable et une concertation exemplaire avec les oléïculteurs, maraichers et vignerons de l’île. Toutefois les préfets passent… et l’écosystème insulaire pourrait passer de vie à trépas dans « l’indifférence »,  « l’attentisme » flagrants de l’Etat. Selon les producteurs mobilisés du Syndicat Interprofessionnel des Oléîculteurs de Corse, la préfecture de Région accumule les erreurs, les "listes officielles inexactes", les informations incomplêtes, les dérogations dangereuses, « les mensonges, les fautes graves » et le déni des alertes européennes.

Illustration 2

En effet, après 2 ans de mobilisations et d’appels à la vigilance : rien n’a réellement bougé ici ! Au contraire, la bactérie xylella infecte et contamine lentement la Corse, qui de statut de paradis vert, risque de devenir un désert.
Le Syndicat Interprofessionnel des Oléîculteurs de Corse (SIDOC) constate, au fil des mois, un déssechement étrange et continu d’espèces auparavant saines et vigoureuses, dont le mimosas, la myrte, le chêne-liège, le chêne vert, la filaire, le laurier-rose etc. « Nous sommes arboriculteurs, observer les arbres est notre métier. Nous avons décidé expliquent-ils, de faire les tests nous-mêmes avec un kit d’analyses qui a fait ses preuves dans les Pouilles et aux Baléares. Nous avons prélevé et analysé 40 échantillons. La liste des végétaux positifs à la bactérie en Corse, établie par les services de l’Etat est incomplète et largement sous-estimée. ». Les analyses et procédures sanitaires de l’Etat sont-elles fiables ? Selon un communiqué du SIDOC (13 juin 2017): « l’infection par la bactérie d’un chêne vert, arbre emblématique de l’île, a été passée sous silence depuis 2 ans par les services de l’Etat. Marie-Agnès Jacques, directrice de l’INRA d’Angers, associée aux scientifiques de l’ANSES (laboratoire national de référence pour Xylella Fastidiosa en France), a confirmé (mars 2017), l’existence de la bactérie sur le chêne vert en Corse. L’Etat a passé sous silence cette information. Pourquoi ? Cette information est capitale, elle concerne un arbre emblématique du territoire soit 107 000 hectares couverts. Sa disparition entraînerait un véritable phénomène de désertification. Pire, nous apprenons, toujours par nos propres moyens, que l’arbre en est mort et que des contre-analyses de confirmation sont impossibles. Il faut aussi savoir que les échantillons de cet arbre ont été prélevés en avril 2015 et analysés par le laboratoire de l’ANSES qui s’est contenté d’annoncer des résultats « indéterminés ».

Illustration 3

Le Préfet déclare: « les informations épidémiologiques sur Xylella Fastidiosa font l’objet d’une diffusion large et dans la plus grande transparence dès le début de la crise. ». Selon le SIDOC: « le laurier rose est aussi contaminé, plante de grand intérêt commercial, non inscrit sur la liste officielle des plantes infectées au 31/05/17. La filaire à feuille étroite, positive aussi, très symptomatique, est aussi absente de la liste. La surveillance est-elle réellement effectuée par les services compétents ? L’Etat a réalisé en 2 ans plus de 10 000 analyses ! Nous oléiculteurs, trouvons, en 2 jours, des plantes non identifiées qui s’avèrent infectées ! »
La xylella tue lentement (« fastidiosa ») de nombreux végétaux et insectes. Pourtant la société de la dérogation permanente n’a pas ici dérogé à sa sale habitude ! Le SIDOC dresse un constat accablant: « l’Espagne est touchée par 3 souches de la bactérie Xylella Fastidiosa. Nous dénonçons le risque majeur que fait encourir à la Corse la politique actuelle de dérogations pour l'entrée de végétaux ! Les zones dites saines hier, ne le sont plus. Après l'Italie, la Corse, le continent français, l'Allemagne, l'Espagne est contaminée à son tour par la bactérie XF. C’est la principale source d'approvisionnement en plantes pour l'île depuis 2 ans ! » L’Etat français n’a montré ni réactivité, ni vigilance, ni capacité à réagir aux informations sanitaires européennes. « En 3 mois, ajoute le Syndicat des Oléîculteurs, 105 cas positifs sont signalés aux Baléares, avec la découverte du premier foyer à Majorque, le 06 octobre 2016, dont 16 oliviers ! Les îles Majorque, Minorque, Cabrera, Ibiza, Formentera sont placées en quarantaine le 20 janvier dernier, pour éviter la dissémination. Un comble, les plantes infectées venaient du continent espagnol ! »
La Xylella fastidiosa s'attaque à l'olivier, à la vigne, aux agrumes, et à 117 autres espèces de végétaux. Pour la Corse le risque est immense. L’Espagne est la « plaque tournante du commerce de végétaux en Europe » et à ce jour on n'y aurait découvert " aucune trace de xyllela… » Un peu le cas des pépinières toscanes qui vendaient à la Corse les plantes infectées, hélas toujours déclarées indemnes à ce jour…Trois souches différentes de Xylella ont été identifiées: la « multiplex » en Corse, la « pauca » qui ravage les oliviers des Pouilles, et la «  fastidiosa » dont l'ile est exempte…. pour le moment. Cette dernière s'attaque à l'olivier, à la vigne (maladie de Pierce), aux agrumes et à 117 autres espèces végétales (source EFSA).

Illustration 4

Une information gravissime arrive en conclusion d’un communiqué de crise qui affole tous les professionnels de Corse : " Au nord de la plaine orientale, des prélèvements d’insectes ont été réalisés par l’INRA de Montpellier, lors d’une mission commandée par l’Etat. Ces insectes s’avèrent infectés par la bactérie. On nous déclare tranquillement qu’aucun végétal de la zone n’est positif à la xylella ? Les insectes vecteurs oui, les végétaux non !? »
Dans ce contexte catastrophique les oléïculteurs précisent : « les DDCSPP continuent à accorder des dérogations, donc à faire entrer des plantes à risque. 22 000 lauriers roses introduits ici par dérogation, depuis janvier 2017 et 46 000 en 2016.  Les risques sont analysés nous dit-on. Comment y croire quand les services de l’Etat travaillent avec une liste incomplète et fausse ? »
Le SIDOC exige maintenant des réponses rapides et sérieuses de la part des services de l’Etat: « en janvier 2017, après la découverte de la propagation de la Xyllela (Pauca, Multiplex et Fastidiosa) aux Baléares, les autorités sanitaires espagnoles lancent une alerte aux services sanitaires de l’UE, signalant des exportations par les pépinières andalouses (qui avaient approvisionné les Baléares) de lots suspects, potentiellement infectés. Ici, dans l’indifférence générale des services sanitaires français, les DDCSPP de Corse continuent d’accorder des dérogations en provenance d’Espagne, voire de ces pépinières ! En réalité, aucune analyse de risques n’est effectuée : on répond à la pression des uns et des autres pour assouplir ou durcir la délivrance des dérogations. Cela ne s’appelle pas gérer une crise. »

Fabienne Maestracci : « Aujourd’hui, il faut enfin prendre une décision claire et l’appliquer, le temps des réunions, commissions, communications … est révolu. Nous exigeons que l’Etat (Ministère, Préfets, DRAAF, DDCSPP), que les élus de la Corse, au premier rang desquels les parlementaires, les membres du Conseil Exécutif et l’ensemble des Conseillers Territoriaux et que les responsables professionnels agricoles, en particulier les Chambres d’Agriculture, nous fassent part de leur décision. Les oléiculteurs, comme l’ensemble des Corses, ne peuvent pas se contenter du simulacre joué par l’Etat, ni de l’attentisme plus ou moins bienveillant, des responsables professionnels et des élus locaux depuis deux ans. »

Hélène et Ivan Popoff producteurs d’huile d’olive dans la Conca d’Oru reviennent sur deux années de combat acharné qui pour l’instant n’ont pas fait reculer la Xylella, ni mobilisé les services de l’Etat : « le syndicat Oliu di Corsica a été le premier en France fin 2014, à lancer l’alerte sur la bactérie tueuse d’oliviers qui ravage le sud de l’Italie. Les membres du bureau du syndicat, ont tenté de convaincre les autorités compétentes du bien-fondé d’une interdiction totale d’importation des végétaux en Corse, et de la mise en place d’une filière de production de plants locaux, seule mesure efficace pour éviter le pire. Force est de constater les carences et le déni des services de l’état dans notre île… Les mesures prises à ce jour n’apporteront qu’une seule chose : on saura précisément par qui on aura été contaminé ! Une pétition est en ligne à faire suivre, diffuser largement, nous avons besoins d’au moins 30 000 signatures. Pour tous ceux qui aiment la Corse, et ceux qui connaissent notre travail sur l’Olivier…"

Pour que chaque citoyen puisse se joindre à l’appel des oléiculteurs à agir contre Xylella, une pétition vient d’être lancée sur le site change.org, à l’adresse suivante :

https://www.change.org/p/ministre-de-l-agriculture-aidez-à-protéger-la-corse-de-la-xylella

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