Instructif de passer la Région Corse et d’autres collectivités locales de l'hexagone, au prisme de leurs actuelles difficultés financières. Subissant les constants revirements et diktats d’un Etat incapable d’accéder à leurs demandes et qui, in fine, bride toute initiative économique. Les médias parisiens sont sourds et muets, alors que des centaines de communes et intercommunalités en France sont au bord de la cessation de paiement. Une pathologie accélérée par la croissance zéro et côté dotations de l'Etat : une baisse cumulée de 28 Mrds d’€ de 2014 à 2017. Comment restaurer la solidarité nationale ? Quelle redistribution et quelle autonomie fiscale pour les régions ? Un exemple parmi d’autres : focus sur les finances de la Communauté d’Agglomération de Bastia avec le diagnostic affuté et la vision républicaine de François Tatti Président de la CAB. Sur plus de 2500 intercommunalités des centaines connaissent de graves difficultés budgétaires. Une spirale inquiétante après celle des prêts toxiques. A tel point, c’est anecdotique mais cela traduit un climat : il se trouve que, ici et là, des élus ruraux ont, avec un un élan du coeur, accepté de diminuer leurs indemnités pour faire face, notamment aux nouvelles activités périscolaires qui dépassent leurs budgets. Voilà de la vraie solidarité humaine et locale face à ce contre exemple type du désengagement de l’Etat via le « transfert de charges » concernant dizaines de dépenses publiques. De plus, l’écart entre les dotations et les moyens réels des communes est en France de 1 à 20. Cet écart entre de 1 à 20 est une hierarchie qui favorise Neuilly-sur-Seine au dépens de la Lozère. Pour les collectivités locales jusqu’ou cette débâcle va-t-elle aller ? Catastrophe annoncée : les dettes, déficits, budgets impossibles , comptes administratifs fortement déséquilibrés seront en augmentation dès 2015. Du jamais vu à cause d’une forte baisse de dotations de l’Etat vers le local, de 3,7 milliards d’euros programmée pour 2015, pour 2016, pour 2017 soit 11 milliards d’€ en tout. Une baisse cumulée de 28 milliards sur la période 2014 à 2017… Ces 30% de diminution sont un coup terrible pour les collectivités locales qui souffrent déjà de pathologies diverses dont les effets de ciseaux, l’inflation normative, les transferts de charges de l’Etat depuis la présidence Sarkozy. Avec notamment la suppression de la Taxe Professionnelle la seule recette dynamique qui existait au profit des communes et communautés. L'Ile-de-France et Paris captent maintenant 29% des revenus de cette TP contre seulement 18% avant la réforme. Sans entrer dans un débat financier technique, il faut savoir qu’une pétition de l’association des Maires de France (AMF) vient de recueillir 10 000 motions de soutien votées en conseil municipal : « une action collective menée avec les maires et présidents d’intercommunalités, afin d’alerter solennellement les pouvoirs publics sur l’impact des mesures annoncées pour les territoires, les habitants et les entreprises. » Les élus locaux demandent : « le réexamen du plan de réduction des dotations de l’Etat, l’arrêt immédiat des transferts de charges, des mesures normatives, sources d’inflation de la dépense, la réunion urgente d’une instance nationale de dialogue et de négociation pour remettre à plat les politiques publiques nationales et européennes impactant les budgets des collectivités locales. »
Bloqué, élitaire, autocentré, castrateur, le modèle ultra centralisé et jacobin désormais adossé à la haute finance internationale, est désormais en échec. Plus préoccupant, il génère chaque seconde, une dette publique plus monstrueuse. La gouvernance se montre incapable de dessérer l’étau pour accorder plus de liberté aux collectivités locales notamment pour lever et gérer les fruits de l’impôt, en coordination et coopération mutuelle avec les acteurs économiques locaux. Et pour les populations ? L’AMF précise : « cette baisse massive des dotations aura des conséquences sur les services rendus à la population, sur l’investissement local assuré pour 60 % par le bloc communal, avec des répercussions sur la croissance et l’emploi. » Action ou inertie? De nombreux élus locaux critiquent la réforme de territoires, estimant qu’il s’agit d’une « recentralisation », sous couvert d’une soi disant décentralisation. En effet, le plus discriminant est passé sous silence par les médias dominants. C’est l’hyperconcentration des dotations en faveur de Paris, de l’Ile de France et de certaines métropoles régionales et ce, au détriment du rural qui compte 21,5 M d’habitants. En France aujourd’hui la dotation vers le rural ( DGF Communale) est de 64 € par habitant . Et de 128 € pour les villes. Ces chiffres proviennent de l’Association des Maires Ruraux : « un tableau surréaliste car pour l’Etat un habitant urbain vaut 2 ruraux ! L’Etat versant aux communes selon leurs dimensions. Pour le citoyen d’un petit village de 100 habitants: l’Etat vers 64€ de dotation globale de fonctionnement , et pour une métropole de 500 000 habitants l’Etat verse 128€. » Quant aux personnels , les effectifs dans les communes sont de 194 283 emplois: soit 19,1 % des effectifs dans les communes pour une population représentant plus de 33 % de la population. Soit dans le rural 1 agent pour 166 habitants. Et 1 agent pour 53 habitants pour les 124 communesde plus de 50 000 habitants. La Communauté d’Agglomération de Bastia ( 88, 7M €) n’échappe pas à ces constats. Suite à une gestion opaque, dépensière et hasardeuse de la précédente équipe : les comptes sont en déséquilibre. De considérables et stratégiques investissements et travaux sont terminés ( 45M d’€ sur 5 ans ), ils étaient vitaux mais n’ont pas été programmés selon des rêgles comptables strictes. Il s’agit du Stade de Furiani, de la réhabilitation totale de la décharge de Teghime site naturel aujourd’hui d’intérêt patrimonial et de l’aménagement de la zone économique d’Erbajolo, une concession d’aménagement sur 20 hectares dont 18 cessibles. Mais comme partout en France, la conjoncture d’austérité bride totalement l’initiative économique. Les éventuels acheteurs des terrains ont reculés ce qui se traduit par « une commercialisation reportée » à savoir un manque à gagner pour les recettes de la CAB incluant les pertes sur les emprunts, leurs garanties et des dépenses cumulées. Soit 8 M d’€ e recettes attendues mais non réalisées. Pour la CAB une situation financière tendue, aucun accès nouveau à l’emprunt, une chute de l’épargne. Avec toutefois des points positifs dont le poste personnel ( seulement +1,2% de hausse par an), une « dette saine » sur taux fixes. Un endettement de 345€/hab. contre 387€ par habitant en moyenne nationale des communautés. François Tatti le président de la CAB ( Conseiller Territorial et Président du Syvadec ) a été élu suite à un rassemblement historique conduit par Gilles Siméoni Maire de Bastia associant l’autonomisme modéré au Parti Socialiste ( Emm. de Gentilie 1er Adjointe) et à l’Ump bastiais ( Jean-Louis Milani). Pour éviter la pré-cessation de paiement car il manque 5 ,7 M d’€ sur le budget 2015 : le Président François Tatti, installe sans faiblir et sans tarder, des mesures drastiques adossées à un « pacte financier de solidarité » entre les 5 communes qui composent la CAB ( Bastia, Furiani, Santa Maria di Lota, Ville di Pietrabugno et San Martino di Lota). Sur la politique de fait de recentralisation suivie par l’Etat ? François Tatti : « ma conviction ? Difficile de porter un jugement sur un grand mouvement de fond. Il est clair que le pays se portera mieux s’il connait une vaste décentralisaiton. Celle-ci repose sur les capacités des territoires à lever l’impôt et à le gérer. La situation historico-administrative de la France fait qu’aujourd’hui nous sommes en cessation de paiement au niveau national ! Donc nous n’avons d’autre choix que de réduire les contributions de l’Etat aux collectivités locales. Le train de vie de l’Etat est extrêmement appauvri. J’espère que cela reste conjoncturel et que, seule planche de salut, les collectivités locales au plan régional ou intercommunal, auront la capacité politique donc fiscale d’exercer leurs compétences économiques. » Solidarité nationale et redistribution ? En Corse sur 40 propositions de la CTC concernant adaptation des lois notamment fiscales … une seule a été, cet été, acceptée par l’Etat. Un miracle ! Celle sur la taxe des mouillages littoraux forains pour les bateaux de plaisance. Quel serait le bon scénario pour les finances locales et les compétences fiscales ? François Tatti : « la problèmatique est plus complexe sur un territoire comme le nôtre avec un fonctionnement très contraint et qui beneficie d’une très forte solidarité nationale avec les 180 millions par an au titre des transports. Ce n’est donc pas simple de dire moi j’ai déjà cela, et en plus, je veux encore plus d’autonomie fiscale, c’est à dire des recettes en moins pour l’Etat. On ne peut travailler de manière désordonnée car sinon cela ne fonctionne pas. Il y a certes nécéssité de donner plus de marges financières au territoires en faisant bien attention que ces marges n’obèrent pas la capacité pour l’Etat à faire de la redistribution des richesses entre territoires pauvres et riches. Sinon la Corse serait perdante ! L’Etat opérait cette redistribution de manière massive c’était l’opulence des 30 Glorieuses. Aujourd’hui il y réduction des moyens. Ne perdons pas pas de vue l’essentiel. La Corse, au jeu de l’autonomie financière totale serait perdante, il y a lieu de réfléchir à plus d’autonome fiscale donc plus d’autonomie politique, mais dans un contexte de régulation et de solidarité nationale. »
Liliane Vittori.