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Première nationale « Mare Furioso Pirates et corsaires en Méditerranée XVIIé-XIXé » Musée du Palais des Gouverneurs. Réunion inédite éblouissante d’archives, tableaux, armes, manuscrits, mobiliers venues de quarante prestigieuses collections européennes.
Du jamais vu sur la « guerre de course », chrétienne comme musulmane, ici scientifiquement illustrée, décryptée, replacée dans le cadre des enjeux sociaux et idéologiques actuels. Une plongée historique profonde, au coeur de l’aire géopolitique de la Corse et de ses liens ancestraux avec Malte, la Sicile, la Toscane, l’Empire Ottoman et le Maghreb. Une exposition qui assure la continuité de la Corse dans son combat pour son histoire, après « Corsica-Genovese », « Visioni di Bastia », « Corsica Impériale », « Identità Les Corses et les migrations », « Banditi ! ».
Les commissaires Sylvain Gregori, Anne Brogini ont réunit un exceptionnel panel de documents sur les réalités de la piraterie et de la marine de guerre, sans oublier les razzias esclavagistes, essentiels objectifs des Barbaresques de l’Empire Ottoman et du Magreb. Cartes sur parchemin, incunables, manuscrit de voyage, maquettes de bateaux, de chebec, de galères, croquis de galiotes, brigantins, felouques… Un impressionnant « Ritratto di Cavaliere di Malte » signé Titien et des trésors insulaires émouvants comme des coffres capcorsins décorés et des tableaux des chapelles de Brando ou de Tallone. Plus d’incontournables peintures de rachats d’esclaves à Alger, de combats navals, de tempêtes, de mouillages.

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Et le long des salles d’exposition, des épées scintillantes, des pistolets de marine, une longue vue, une conque, un astrolabe et une sculpturale cariatide de poupe… Des prêts de la Galeria deggli Uffizzi, (Florence), de la Galata Museo Del Mare (Gènes), de Malte, de Marseille, de Cambrai, Montpellier, des Musées nationaux de la Marine, de l’Armée, de la Légion d’honneur, des Bibliothèques Fesch, Tomaso Préla et des municipalités insulaires Cargèse, Tallone, Brando, Sisco, Centuri, Linguizetta.

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Tous ces contributeurs institutionnels et privés, pour un résultat phénoménal quant au message historique, rehaussé par une muséographie et une mise en lumière absolument réussies.
« A l’abordage ! Une guerre offensive sur mer »
Mare furioso de juillet à décembre, valorise la Corse dans son combat vital pour son histoire. Sylvain Gregori Conservateur du Musée de Bastia, Docteur en Histoire, chercheur à l’Université Côte d’Azur-Méditerranée: « c’est la première fois que l’on traite de la piraterie et de la guerre de course au niveau national. Une mise en perspective de l’histoire de la Corse dans son aire géographique, son réel contexte méditerranéen. Une Corse, à la fois victime de la guerre de course à cause des raids barbaresque, mais aussi actrice de ces combats maritimes. De nombreux corses s’y illustrent, devenant corsaires, sans oublier les renégats captifs des Maures, qui reniant leur foi, devenaient pirates du Croissant. » Une exposition de signification politique ? S. Grégori : « oui une dimension politique au sens noble du terme, questionnant sur nos problèmes sociaux actuels, pour s’interroger sur les rapports entre Chrétienté et Islam, sur nos identités euro-méditérrannéennes. Cela remet l’histoire dans une perspective contemporaine ».
« Contre l’Infidèle ! Se défendre de la course musulmane »

Via des peintures monumentales dont le Gustave Courbet « Pirate prisonnier du dey d’Alger », Mare furioso illustre les réalités idéologiques et culturelles de l’esclavage, tant du côté chrétien que musulman.

En Méditerranée, dangereux carrefour multiséculaire entre Orient et Occident, la piraterie opposaient « galleotta » et vaisseaux chrétiens avec canons contre galères musulmanes. En tout un million d’Européens auraient été réduits en esclavage en Orient. Voici à Bastia, de rarissimes représentations des captifs, dont « L’Enlèvement » ( E. Delacroix), « Le Marchand d’esclaves » (L. Devedeux), le « Rachat de prisonniers à Alger » ( F.-M. Granet).
Laure Brogini Professeure en Histoire, Université Côte d’Azur-Méditerranée: « pourtant défaits par une coalition européenne à la bataille navale de Lépante, les Ottomans accentuent leur pression. Qu’il soit Turc ou de Régence barbaresque, le corsaire musulman s’illustre dans des combats navals, des continuelles razzias sur les littoraux espagnols, français et italiens, en Corse, en Sardaigne, en Sicile, dans les Baléares, les Canaries, les Açores, à Malte et à Madère. Le corsaire européen est un marin autorisé, par une lettre de marque, à attaquer tout navire arborant pavillon ennemi, afin de saisir cargaison et équipage. Il commercialise son butin en revendant les prisonniers. »
A Alger, depuis 1518, le pirate Kheïr-ed-Dîn Barberousse est vassal du sultan Sélim Ier: « il mène la guerre aux présides littorales espagnoles. En 1534, Soliman le Magnifique nomme Barberousse qapidan pacha, il édifie des forts, des remparts, la citadelle. Activité principale jusqu’au XIX é siècle, la course favorise la richesse et la croissance démographique d’Alger qui passe à 100 000 habitants en 1590. C’est le principal port de détention, les esclaves chrétiens sont 25 000 au XVIIé siècle. L’exportation agricole au XVIIIè et les relations diplomatiques avec les européens, favorisent l’effacement de la course, activité moins rentable et anecdotique jusqu’à la conquête française de 1830. »

A Malte et Livourne, la course est dominée par les nobles, les Chevaliers de l’Ordre de Malte et de l’Ordre de Saint-Étienne. Le statut de corsaire, reconnu juridiquement et valorisé y reste préférable à celui de pirate. La course devient guerre sainte « a danno d’Infedele ». En Corse Pascal Paoli instaure en 1760 une « marine nationale corsaire ». Les tours génoises en Corse sont les vestiges matérialisant l’importance multiséculaire des phénomènes de la piraterie et de la guerre de course.
Liliane Vittori