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Billet de blog 18 février 2018

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"République une et indivisible» mais « décentralisée », officiellement, depuis 2003 !

Humiliations protocolaires infligées aux élus corses lors de la visite d’E. Macron (6-7 févr.) puis balle de match octroyée au Pd Gilles Simeoni distingué "Elu local 2017" par le Trombinoscope : la Culletivitta di Corsica repart à l’attaque, développant son argumentaire en faveur de l’art. 74, sans rien lâcher. Objectif ? La Corse territoire insulaire méditerranéen.

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Wanda Mastor professeure de Droit Constitutionnel, préconise une évolution institutionnelle pour la Corse via l’article 74. Une argumentation basée sur une République certes « une et indivisible » mais « décentralisée » , officiellement, depuis 2003.

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Une semaine après la visite catastrophique du Président E. Macron à Ajaccio et Bastia, les discussions ont commencé à Paris entre Corse et Gouvernement. Et dans la même semaine, Gilles Siméoni Président de l'Exécutif de Corse, recevait le prix de l'Elu local 2017, décerné par le Trombinoscope, annulaire professionnel de institutions de la République. Dans le même temps, à l’Assemblée de Corse,  le président Jean-Guy Talamoni invitait Wanda Mastor, professeure de Droit Constitutionnel, à présenter son rapport sur la pertinence de l’article 74 en faveur de la Corse.

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D’emblée, J.-G. Talamoni, écartant toute posture idéologique, re affirme l’existence de « problèmes extrêmement concrets » à traiter en urgence dans l’île. Les solutions passant, obligatoirement, par l’article 74. L’autre option liée aux articles 72 et 73, déconnectée de la problématique insulaire, serait sans aucun doute, rejetée par les élu.es nationalistes et autonomistes de la majorité et leurs électeurs, et rejetée aussi, par une grande part de l’opposition parlementaire en Corse même.

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C'est une réalité , les élus corses de toutes tendances, comme les citoyens insulaires, subissent au quotidien, les aléas et "l'incohérence institutionnelle". Dans le cas d’un référendum insulaire avant la Révision de la Constitution : un tel scrutin reviendrait à lancer une dynamique politique anti jacobine en faveur des territoires, et à laquelle pourrait se rallier les partis et les exécutifs des Régions. Car nul ne peut le nier, pré existe ici un « moment politique, juridique, constitutionnel » assorti d’une quasi unanimité dans l’île, en faveur de l’article 74 dans l’hypothèse d’une révision de la Constitution.
Le rapport de Wanda Mastor s'ouvre sur une déclaration sans appel et sans fioriture de feu l’éminent constitutionnaliste Guy Carcassone : « Il est indécent, illogique et insultant que la Corse ne soit pas mentionnée dans le texte suprême » .

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Quels sont les enjeux essentiels ? Comment négocient les conseillers de Matignon face à l’unanimité corse ? Que savent-ils de la réalité insulaire, voir que savent-ils en général, de près ou de loin, de la gestion locale en France ? Sont-ils interpelés par les statuts des régions et îles européennes autonomes dont la Sicile, la Sardaigne, les Baléares, les Açores, le Frioul-Vénétie, le Trentin- Haut Adige-Südtirol, la Vallée d'Aoste, les Canaries, Madère, l’archipel des Féroé, l’île du Groenland ? Certaines subtilités et incohérences qui plombent la Constitution Française sont analysées dans le rapport de Mme Wanda Mastor, sollicité et publié par la Collectivité de Corse.
En préambule les élus corses évoquent la revendication primordiale compatible avec une future inscription dans l’article 74 : le maintien d’une fiscalité du patrimoine ( Arrêtés Miot).

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Laquelle pourrait, selon leur souhait, être transférée à la Collectivité Territoriale. La motion a obtenu un vote là-aussi unanime dès 2011. Alors J.-G. Talamoni enfonce le clou : « l’introduction dans le droit commun, prévue pour 2027, n’est pas envisageable. Elle conduirait la plupart des familles corses à perdre leur patrimoine familial, contraintes de le vendre pour acquitter les droits de succession. ». La demande a déjà été rejetée par le Conseil d’Etat en 2012 car incompatible avec l’article 72.
En vertu de la logique constitutionnelle, sur le foncier corse et sa fiscalité, J.-G. Talamoni revient sur la philosophie fondamentale de la Collectivité de Corse et sur le statut obtenu par l’île de St-Barthélémy (Antilles): « notre majorité est favorable au principe du transfert de fiscalité en lieu et place des dotations, démarche allant dans le sens de la responsabilisation de la Collectivité et de ses élus. La demande d’un statut fiscal et social spécifique a été formulée par l’ensemble des assemblées consulaires et des acteurs socioéconomiques. Les dérogations souhaitées et nécessaires requièrent un dispositif fiscal du même type que celui existant à Saint-Barthélémy, fondé sur l’article 74 de la Constitution française. »
La Corse subit les mêmes aléas que le littoral français : une spéculation foncière et immobilière débridée qui équivaut à une spoliation des travailleurs et des familles locales dont les salaires ne peuvent pas lutter contre ceux des acquéreurs venus de toute l’Europe pour acheter des résidences secondaires. J.-G. réplique ainsi aux approches évoquées par E. Macron à Ajaccio : « il serait inexact d’attribuer la hausse des prix à une pénurie de l’offre, à un enchevêtrement des lois montagne, littoral, énergie, ou à une carence des documents d’urbanisme. ».

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La solution et ses déclinaisons ? Un dispositif fiscal et un statut non spéculatif de résident, protecteur ainsi que la taxation des résidences secondaires, qui passent tous deux par l’article 74. Pour édifier les lecteurs comme les conseillers de la gouvernance France : il suffit de rappeler qu’en Corse les résidences secondaires comptaient déjà pour 37% du parc immobilier corse contre 9% en France en 2012.

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En 2018 ? Le ratio approche 47% de résidences secondaires en Corse. Concernant l’emploi insulaire et ses contraintes - démographie, insularité, relief et trajets - et en regard d’un taux de chômage de 10,2%, J.-G. Talamoni préconise le recours a des mesures spécifiques comme en Polynésie française, liées à l’article 74 : « un soutien plus énergique à l’emploi en Corse pourrait être opéré dans le cadre d’un dispositif similaire à celui de l’article 74, ce dernier mentionnant explicitement la question de l’emploi. »
Autre douleur « les graves déficiences du système éducatif français » révélé par les statistiques PISA, PIRLS et TIMMS. J.-G. Talamoni : « les caractéristiques du système éducatif français sont aggravées dans l’île et se traduisent notamment par une plus forte déscolarisation et un plus faible taux de diplôme. Cette situation a conduit l’Assemblée de Corse à délibérer en janvier 2017 en faveur d’un cadre normatif spécifique. »
« Une résidence administrative et fiscale » pour mieux cibler les politiques publiques? Seul l’article 74 peut le permettre en « demeurant pleinement au sein de l’Union Européenne » ajoute le Pd de l’Assemblée de Corse. .

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Dans son rapport Mme Wanda Mastor insiste sur un point essentiel, à savoir le cadre actuel d’une République certes « une et indivisible » mais « décentralisée », officiellement, depuis 2003. Elle pointe les « incohérences » d’un statut particulier qui a empilé au fil des années, un périmètre et des compétences le plus souvent sans les ressources et les recettes attenantes !
Outre l’incohérence institutionnelle « qui met en danger l’équilibre du texte constitutionnel », Mme Mastor souligne « la Corse est un territoire juridiquement inclassable qui ne s’identifie que par rapport à son « rattachement » à l’article 72 de la Constitution. (…)

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Tandis que l’île de Clipperton a les honneurs du marbre constitutionnel, la Corse n’est évoquée qu’indirectement à travers une tautologie : elle est une collectivité à statut particulier. Il est impensable que la Corse en reste à un statut hybride et silencieux. Car si ce territoire relève bien de l’article 72, ses compétences sont une sorte d’agglomérat atypique qui puise des éléments aux catégories des articles 73, voire 74. »
Il s’agit d’un territoire « doté d’une organisation spécifique, d’un régime électoral propre, de la possibilité d’extension des compétences, de ressources fiscales indirectes dérogatoires, d’un droit à la consultation sur les projets de textes législatifs et réglementaires, du pouvoir de proposition d’adaptation des lois et règlements, d’un pouvoir réglementaire sur habilitation doit-il encore être qualifié de territoire à « statut particulier »

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W. Mastor: « le caractère insulaire de ce territoire emporte tout à la fois des conséquences positives et négatives. Positives, dans le sens où les Corses bénéficient d’une histoire, d’un patrimoine culturel et linguistique qui font leur fierté commune. Sans parler d’une beauté saisissante (…). C’est précisément cette beauté qui, tout en étant un élément en faveur du développement de l’économie de l’île, rend l’accession à la propriété extrêmement difficile, parfois impossible pour les insulaires ou les Corses du continent. ». Ayant planté le décor de la spéculation foncière en Corse, Wanda Mastor précise : « Il ne s’agit pas de proposer la sortie de la Corse de la République française, mais de lui offrir un statut permettant d’encadrer son insertion en tenant compte de ses spécificités. »
Moment juridique, constitutionnel, politique . « En l’état actuel du droit, l’assemblée de Corse ne jouit pas d’un réel pouvoir normatif (…) Historiquement, les revendications sont toujours initialement minoritaires, et exprimées parfois dans un climat violent. Mais depuis les élections de décembre 2017, cet argument est devenu irrecevable. Les revendications autonomistes Corses ne sont plus exprimées que par une minorité agissante ; elles le sont par une majorité votante. »
Un texte limpide, pédagogique, qui tranche avec le decorum d’un Président Macron maladroit et déconnecté, arrivant à Ajaccio avec un J.-P. Chevènement en épouvantail de l’ancien monde, initiateur et protecteur des opérations barbouzes contre les paillotes de plage, des opérations ridicules, ratées, puis fermement condamnées par l’administration prefectorale comme par la justice.
Le message de E. Macron à Ajaccio et Bastia se positionne en rupture avec les évolutions institutionnelles lancées par J Chirac et défendues par M. Rocard. Mme W. Mastor introduit une évidence politique incontestable et incontournable : « La décentralisation n’est pas qu’une modalité d’aménagement d’un Etat unitaire dit-elle . Elle est la condition minimale de son maintien démocratique. ». L’indivisibilité de la République n’est pas un concept figé. Si certains élus nationaux se répandent dans les médias en invoquant la « République une et indivisible » de1792, Mme W Mastor note en que l’évolution statutaire réelle de la France, inscrit dans sa Constitution, le concept « d’une république décentralisée », devenue « non seulement un fait acquis, mais encore un droit acquis ».

Les discussions sur l'inscription de la Corse dans la Constitution se poursuivent à Paris comme une joute politique et philosophique, les arguments des élus corses sont percutants en faveur de l'article 74 dédié à la Corse, et les conseillers de Matignon apprennent la géographie , la notion d'insularité et aussi l'existence de régions insulaires autonomes comme la sardaigne ou la Sicile !

Corsica Libera : pour un statut de "territoire insulaire méditerranéen". Corsica Libera lors de sa conférence de presse du 26 février à Bastia plante le décor de la Corse dans le monde méditerranéen  : " La Méditerranée, une centaine d’îles, est un véritable continent insulaire de plus de 2 millions de kilomètres carrés, peuplé de plusieurs millions d'habitants. La Corse en est au 4ème rang par sa superficie. La Méditerranée est bordée par une vingtaine de pays ou d'Etats, la plupart econnaît, pour les îles qui en dépendent, ce qu'on pourrait nommer le caractère spécifique du fait insulaire.  Des îles sont indépendantes comme Malte ou Chypre, d'autres sont autonomes comme la Sardaigne, la Sicile ou les Baléares.Des grands Etats de la Méditerranée, deux ne se sont pas encore ouverts au fait méditerranéen. La Grèce du fait de la petitesse de ses territoires insulaires et paradoxalement, la France. "

En réponse au discours assertif et pédant du PR E. Macron à Bastia ( 7 février ) qui a expliqué la Méditerranée - qu'il semble découvrir- à des élus nationalistes qui ont multiplié les contacts, les initiatives, les comités stratégiques avec les Baléares, Chypre, la Sardaigne et la Catalogne : Corsica Libéra réplique : " le président Macron a souhaité exprimer sa volonté d'un rôle majeur de la Corse en Méditerranée. Il a même ajouté « Si vous prenez cette voie, je vous accompagnerai (...) et c'est à ce titre que la Corse réussira dans la République et en Méditerranée ».
 C'est bien ce que nous entendons réaliser, faire réussir la Corse en Méditerranée et en Europe, et c'est le sens de notre proposition de ce jour qui participe au débat sur l'inscription de la Corse dans la constitution.
 Cela ne sera possible que dans le cadre de la définition d'un « statut insulaire méditerranéen » reconnu et affirmé par un article fort de la Constitution modifiée, à savoir un article 74-2. L'article 72 offre moins de garanties de respect du signal envoyé par la Corse et les Corses par le biais des récents scrutins démocratiques qui ont exprimé de façon largement majoritaire sans ambiguïté, le choix d’un statut insulaire méditerranéen d’autonomie de plein droit et de plein exercice, spécifique à la Corse."

Corsica Libera ajoute en direction de l'opposition : " il serait dangereux de s'investir sur un article de la Constitution à minima comme un 72-5 ayant l’objectif de faire entrer l'île dans le droit commun français. Ce serait nier la réalité insulaire de notre pays, pourtant promulguée par la loi française en 2016, à travers la reconnaissance du caractère d’île-montagne de la Corse. Cela nous obligerait à demander trois ans plus tard une évolution vers le 74.  Il serait la meilleure solution pour aborder les interdépendances méditerranéennes futures dans l'Europe nouvelle. Enfin, le choix par la France de cette voie sera certainement ressenti en Corse comme la reconnaissance d'un début de règlement de l'historicité commune avec ses périodes parfois tragiques. Corsica Libera propose en amont du choix de l'article constitutionnel, le choix de la démarche politique qui conduit à modifier en faveur de la Corse la Constitution. À savoir le statut d'un « territoire insulaire méditerranéen » tout comme il existe, dans d'autres lieux, des territoires dit ultra marins."

LV

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