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Refusant l’attentisme, rejetant le projet italien d'annexion, farouchement opposée au nazisme et au fascisme et anticipant avec succès sur les prévisions des Alliés : la Résistance corse s’appuie sur ses convictions identitaires, ses liens profonds avec le rural.
Dès le début des combats qui se multiplient dans toute l'île, évaluant d’un oeil expert les énormes pertes allemandes: les autorités françaises exilées à Londres et Alger, reconnaissent immédiatement, les « patriotes corses avec brassard tricolore à Tête de Maure comme soldats régulièrement mobilisés ».
Du 8 septembre au 4 octobre 1943: des dizaines de villages et leurs populations soudées et mobilisées s’impliquent dans un prodigieux scénario militaire. L’insurrection populaire est un exploit, une avant-première unique en Europe. Me Sixte Ugolini Président de l'ANACR de Haute-Corse souligne la portée de l'exemple corse salué par la Voix du Nord édité au printemps 1944 : " Heureuse Corse nous t'envions. Nous sommes heureux de ton bonheur parce que tu es la France et que nous sommes la France." . Et la RAF (Royale Air Force), parachute sur la France Occupée des dizaines de milliers de brochures illustrées "La Corse est libérée".
Pendant la Guerre de 39-45, « la Corse est le seul département français où aucun Juif ne fut ni arrêté, ni déporté » selon le comité Yad Vachem (Institut international pour la mémoire de la Shoah).
« Corse, la mère patrie te regarde ! Elle ne peut croire que les fils de Sambuccucio, de Sampiero, de Paoli, de Bonaparte soient devenus des esclaves… »: c’est ainsi que s'exprime « Le Patriote » journal clandestin imprimé à la Grotte de la Résistance de Porri. Inspiré par l’Histoire, il s’adressait aux insulaires, balayant les « querelles, inimitiés et rancoeurs personnelles, sans distinction de clans, d’opinions, de croyances » et réalisant un situ, dans l'île, le voeux de Jean Moulin. Le dispositif politique du Front national pour l'indépendance et la libération de la France, a réussi la Libération de la Corse, un an avant les plus optimistes des plans des Alliés. Comment la Résistance corse, a-t-elle appliqué sa stratégie contre les divisions 90 ème Panzer Grenadier et Sturmbrigade Reichsführer SS?
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Face aux convois de chars et de véhicules blindés remontant de Sardaigne, la Résistance a riposté partout sur les routes, prouvant son refus de l’attentisme. Ici, « l’insurrection populaire », désapprouvée par Alger et de Gaulle, est lancée, dès l’annonce de l’armistice italien du 8 septembre. La clairvoyance stratégique, liant Gaullistes et Communistes, fut déployée grâce aux parachutages de mitraillettes Sten, aux communications radios, aux imprimeries clandestines et aux livraisons de munitions sur les plages de Balagne et du sud par le sous-marin Casabianca. La Résistance est équipée par le général Giraud du Comité National Français de Libération (CNFL), qu’il co-dirigeait depuis Alger et en conflit permanent avec de Gaulle.
Au début de l'année 43, l'envoyé de de Gaulle, Fred Scamaroni était arrivé en Corse le 7 janvier, mais il avait été repéré dès sa traversée en mer, puis dénoncé par son radio Hellier. Avec d'autres résistants gaullistes, il applique aléatoirement les consignes de sécurité, il est arrêté et torturé le 17 mars sans avoir parlé, il se suicide dans sa cellule. La mission de Giraud Pearl Harbour rencontrera les mêmes problèmes avec son lot de militants fusillés (Vermuge, Andrei, Griffi, Bozzi, Luiggi). Après le démentelemnt des réseaux gaullistes, le Front National accueille le capitaine de gendarmerie Paulin Colonna d'Istria qui prône l'union de tous les résistants corses.
L'historien corse Dominique Lanzalavi précise : " Au lendemain de capitulation italienne, le 9 septembre 1943, comme cela avait été prévu dans la clandestinité, le Front National lance l’insurrection et prend les commandes des institutions. Il remplace le préfet par un Conseil de préfecture dirigé par les patriotes et met en place des comités d’arrondissement. La plupart des municipalités passent aux mains du mouvement sous le regard passif des forces militaires italiennes. A Alger, de Gaulle juge l’insurrection corse bien trop précoce. La semaine même où la Corse se soulève, les troupes anglo-américaines ont lancé l’opération Avalanche à Salerne (Naples). Ils ne peuvent pas détourner des troupes pour soutenir l’insurrection corse."
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Déjà les 3 et 4 mai 1943, une conférence exceptionnelle avait été organisée à Porri-di-Casinca pour préparer l'avenir. Les 20 dirigeants du Front National s'étaient accordés sur le principe d'un à appel à l' insurrection, dès lors que les évolutions des opérations en Europe seraient favorables. L'armistice italien du 8 septembre la capitulation du 9 sept. a déclenché les combats libérateurs. Le discernement précoce de la Résistance en Corse et son « modèle insurrectionnel » selon la thèse de l’universitaire Dr Sylvain Gregori (Directeur du Musée de Bastia), constitue un évènement majeur, longtemps éclipsé par les manuels scolaires français … qui intègrent ces faits tardivement, suite à l’intervention du député Sauveur Gandolfi-Scheit et à la campagne « Contre l’Oubli » de l’Association Nationale des Anciens et Amis de la Résistance (Anacr 2B 2A).
Le coup d’envoi en Casinca et le feu dans l’Alta-Rocca.
Immédiatement, sans attendre, de nuit le 9 septembre : les patriotes du Fium’Altu et de Casinca détruisent le vaste dépôt de munitions et carburants de Champlan. Bilan absolument exceptionnel: près de 80 soldats allemands sont tués. Le lendemain, 23 patriotes de Sorbu-Occagnanu accrochent un convoi de 17 camions remontant de Sardaigne. Des pertes dans la Wermarcht et six morts côté francs-tireurs dont un jeune de 16 ans.
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Aucun résultat décisif pour ces premiers affrontements mais le feu se déclenche immédiatement dans le Sud, l’Alta Rocca et le Sartenais, faisant de nombreux morts et prisonniers coté allemand, dont le chiffre exact n’a jamais été divulgué. A Levie, Zonza, Quenza, San Gavinu, Sotta, Ste Lucie de Tallano, Ghisoni et dans l’Inzzeca, le maquis passe à l’action. Se multiplient accrochages et embuscades contre les convois de véhicules blindés (10 au19 sept.). Les Allemands sont incapables de reconquérir le terrain. Sartène libérée, se dote d’un Conseil municipal, inaugurant le retour des libertés publiques et individuelles. Mais la Résistance déplore de nombreuses victimes civiles et des exécutions de maquisards.
La bataille de Conca, emblematique, révèle la ténacité des combattants corses face à l’énergie du désespoir des troupes allemandes, suréquipées mais acculées et combattant pour leur survie en milieu hostile.
Tout d’abord le 19 septembre un bataillon de Chocs du Commandant Gambiez organise une attaque surprise avec les patriotes du Front national, contre un convoi allemand faisant 20 morts, 5 blessés et 5 camions détruits. Une opération auréolée de succès…jusqu’à la riposte allemande. Un détachement de la 90e Panzer-Division, parvient à s’infiltrer près du village et positionne une mitrailleuse à proximité. Le 22 septembre le guide Jean-Baptiste Leccia et l’aspirant des Chocs Jean-Pierre Michelin sont tués à bout-portant lors d’une reconnaissance. Le lieutenant Jacobsen installé dans le clocher parvient à redresser la situation et à neutraliser le mortier allemand. Au village les Chocs et les patriotes se battent à un contre dix. Le village de Sainte-Lucie est bombardé faisant de nombreuses victimes civiles.
Combats à Biguglia, Furiani, Cardo, Fort Lacroix et Toga. Les Italiens fraternisent et sont déclarés « co-belligérants ». A Casamozza (13 sept.): la Wehrmacht aligne 4 bataillons mécanisés, avec chars Tigre et canons, conservant l’avantage à Borgo et Bastia, grâce à son aviation, et afin de rapatrier un maximum d’hommes et de matériel. A Bastia la Kommandantur interdit toute sortie sous peine de mort.
La situation bascule avec l’opération Vésuve.
Le 13 septembre un petit bataillon commando inter armées les « Chocs » du Bureau Central de Renseignements et d’Action (BCRA) débarque à Ajaccio, suivi des croiseurs Le Fantasque et Le Terrible. Le Général Mollard et le Préfet Charles Luizet ( celui de la Libérationde Paris le 25 août 1944) fleurissent Monument aux Morts et Statue de l’Empereur. Mais rien n’est joué ! Bastia encore aux mains des Allemands, est encerclée par des combats se rapprochant à Piedicroce, Morosaglia, Col du Prato, Vezzani, Barcheta.
Malgré la répression des Tribunaux militaires italiens et des Chemises Noires de l'OVRA ( Organizzazione Vigilanza Repressione dell’Antifascismo): la Résistance a devancé les prévisions de Eisenhower Commandant en chef des Alliés et du Débarquement de Normandie.
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Cette Libération corse anticipée ne se résume pas aux opérations des troupes coloniales françaises (Tabors, Goumiers). Non plus qu’aux missions de renseignement des Français Libres. Car côté Alliés la stupéfaction est totale et rien n’est prévu, alors tout s’improvise dans une île qui comptait 10 000 maquisards contre 80 000 Italiens et 35 000 Allemands.
Dominique Lanzalavi : "Si les Corses sont parvenus à se soulever c’est grâce au soutien inattendu du général Giraud qui les a alimentés en armes, plusieurs mois sans en informer de Gaulle. Les deux hommes sont rivaux depuis qu’ils ont créé à Alger en mai 1943 un gouvernement provisoire le CFLN. Les Américains penchent en faveur de Giraud "ce général pétainiste qui n’a pas collaboré, semble plus légitime et plus docile que de Gaulle". Giraud a peut-être commis une erreur politique en aidant la Résistance corse. De Gaulle lui reproche d’avoir pris des risques militaires, mais aussi politiques en favorisant l’accession des Communistes au pouvoir. Le Front National s'étant plaçé à la tête de la préfecture et de 260 municipalités sur 320. En janvier 1943, Fred Scamaroni avait envoyé dans l’île pour unifier la Résistance. Dénoncé et arrêté, il s’est suicidé en prison pour ne pas parler et la seule organisation qui rassemblé les Patriotes insulaires était le Front national. Une organisation dominée par des Communistes: Maurice Choury, Arthur Giovoni, Nonce Benielli, François Vittori."
Le 4 octobre les Goumiers marocains prennent, sans couverture aérienne, les cols de San Stefano et les falaises de Teghime. La Libération de la Corse est proclamée, de Gaulle prononce son fameux discours à Ajaccio le 8 octobre : «La Corse, que l'héroïsme de sa population et la valeur de nos soldats, de nos marins, de nos aviateurs, viennent d'arracher à l'envahisseur, la Corse a la fortune et l'honneur d'être le premier morceau libéré de la France. Ce qu'elle fait éclater de ses sentiments et de sa volonté, à la lumière de sa Libération, démontre ce que sont les sentiments et la volonté de la nation tout entière. Il est prouvé que, pas un jour, la Corse n'a cru à la défaite. Il est prouvé qu'elle n'attendait que l'occasion pour se lever, combattre et vaincre. »
( Commémorations ANACR 2B : Bastia (Carré des Fusillés et Lycée Jean Nicoli), Casta, Ogliastro, Champlan (10/09), Santa Reparata-di-Balagna, Rapale, Sorbu-Occagnanu (30/09).
.. Casinca, Alta-Rocca, Cap Corse, Fium’Altu, Champlan, Sorbu-Occagnanu, Conca, Ste-Lucie, Levie, Zonza, Quenza, San Gavinu, Sotta, Ste Lucie de Tallano, Ghisoni, Inzzeca, Sartène, Porri-di-Casinca, Silvareccio, Pruno, Casta, Piedicroce, Morosaglia, Col du Prato, Vezzani, Barcheta, Piedicorte-di-Gaggio, Biguglia, Toga, Fort Lacroix, San Stefano, Teghime...
Liliane Vittori