L’avenir de l’eau en Corse ? Vu les sécheresses et les canicules, vu les consommations humaines en augmentation constante, vu l’évapotranspiration des végétaux et la catastrophe climatique en cours : quelle sera la solution la plus fiable ? L’avenir de l’eau de la Corse passera-t-il par des décisions d’investissements dans des usines de dessalement de l’eau de mer ? Cette technologie performante et cette ressource illimitée seront-elles considérées comme les solutions à privilégier ? La désalinisation apparait-elle comme le seul et tout dernier recours pour sauver les exploitations agricoles insulaires comme tout l’écosystème de l’île ? Pour préserver les infrastructures touristiques ainsi que le bien-être d’une population résidente en forte croissance ? Toute la politique de l’eau en Corse devrait aujourd’hui (et pas demain, ni après-demain) s’appuyer sur ce socle de la technologie du dessalement de l’eau de mer dit de l’osmose inverse. Le retour, ici et maintenant, d’une eau abondante à un coût abordable n’est pas une utopie. C’est une urgence vitale et absolue de notre île-montagne sans laquelle tous les autres programmes économiques et sociaux lancés par les élu-es et les pouvoirs publics, aboutiront à un échec. Cette réflexion, cet engagement à l’opposé du déni, exigent des études, des équipements, des investissements structurants à très court terme en phase avec les coopérations en Méditerranée. Si on attend encore 5 ans pour commencer à prendre conscience du désastre inéluctable du stress hydrique irréversible: il est certain que le pastoralisme, les espèces végétales endémiques, le secteur agro-alimentaire… comme les villes du littoral et de l’intérieur, comme le rural en cours de sauvetage, comme l’ensemble de l’économie touristique … seront tous remplacés par le désert bien avant 2050 ! Notre culture, notre histoire, notre langue seront effacées si on ne place pas la question de l’eau tout en haut de la liste des priorités des politiques publiques.
Les effets conjugués et démultipliés du désordre climatique accéléré, les températures relevées et annoncées toujours plus effrayantes, plus les maladies, les moustiques, les bactéries tueuses comme la xyllela menacent notre île dans son intégrité globale. Cet été les chiffres, les constats sont catastrophiques en Corse. La moitié des chênes-lièges a disparue en moins de 10 ans dans l’île. Les bergers et éleveurs comme l’ensemble des agriculteurs ( maraîchage, agrumes, viticulture, fruits) sont pris à la gorge entre sempiternelles pénuries, restrictions insupportables, amendes … et probables faillites de leurs exploitations. L’eau agricole, l’eau industrielle, l’eau touristique et même l’eau géopolitique : il faut à l’évidence la créer, la fabriquer, la produire si on parle de développement et non de repli et de déni. En Israël cinq unités de désalinisation fonctionnent. Celle d’Ashkelon bâtie en 2013, produit à elle seule, 20% de l’eau potable du pays et « d’ici 2050, c’est plus de 70 % de l’eau potable d’Israël et des Territoires palestiniens qui proviendra de la désalinisation de l’eau de mer. » . Installée au sud de Tel Aviv , l’unité d’Ashkelon est la plus grande usine de dessalement du monde de type “osmose inverse”, la plus rapide et économe en énergie électrique. Elle est la référence et la vitrine d’une filière industrielle qui a déjà commercialisé 40 usines de dessalement dans le monde. Dont celle de Carsbad en Califormie inaugurée en 2016. Pour Ashkelon, Veolia Water, avait remporté en 2002, l’appel d’offre avec deux partenaires locaux (Israël Desalination Engineering et Dankner). Le contrat sur 25 ans, porte sur le financement, la construction et l’exploitation. L’usine a une capacité de 320000 m³ par jour (soit 108 millions de m³ par an) et dessert une population de 1,4 million d’habitants. L’eau produite à un prix compétitif est progressivement dessalée via 32 unités d’osmose inverse chacune traitant 10 000 m³/jour. Outre la réduction de la salinité totale, l’osmose inverse élimine les bactéries et les virus. La capacité actuelle de dessalement d’Israël est de plus de 800 000 mètres cubes/ jour, couplées avec la micro-irrigation au goutte à goutte et la réutilisation systématique des eaux potables épurées. 50% des terres cultivées en Israël sont arrosées avec de l’eau recyclée alors que 80% des eaux usées dans le monde sont rejetées et donc perdues sans traitement dans la nature. Autre innovation, Israël fournit de l’eau potable aux Iles Marshall ( Océan Pacifique) via des véhicules de désalinisation.
En Corse va-t-on continuer à travailler, comme depuis des décennies, sans réelle vision sur la ressource en eau, avec des bouts de ficelles et des incantations ? Joseph Colombani Pd de la FDSEA au micro de Nicole Mari pour Corse Net Infos : « les restrictions d’eau sont présentées comme l’alpha et l’oméga de la solution à la pénurie. La restriction d’eau peut être une réflexion, mais parmi d’autres, pour répondre à un besoin immédiat, une urgence. Mais si c’est la seule solution que l’on présente, ça ne peut pas passer ! Ça ne doit pas passer ! Si on était dans le désert de Gobi, on pourrait donner raison à l’administration, mais ce n’est pas le cas ! »
Les agriculteurs réunis à Ghisonaccia le 21 juillet exigent un plan à long terme face à la rupture totale de la distribution d’eau annoncée pour la mi-septembre. Ils sont mobilisés mais seront-ils entendus ? Cette année en Corse, à cause de l’absence de pluie, l’irrigation a augmenté de 40%. Dans l’île, seulement 100 millions m3 sont réellement retenus et gérés, alors que le chiffre des précipitations serait de 10 milliards de m3 d’eau par an. Donc seulement 1 % de cette eau du ciel est ré-injectée dans le circuit.
Il est clair que, hormis la solution des usines de dessalement, on va continuer hélas à naviguer, bon an mal an, entre des problèmes d’étiages de rivières, de gestion tendue, de barrages plus ou moins vides, de consommations en hausse. La solution technologique du dessalement n’est pas envisagée à ce jour pourtant c’est la seule vraiment qui soit vraiment fiable parce totalement indépendante de conditions climatiques inprévisibles. Si un point de bascule politique a été victorieusement passé en décembre 2015… on est encore loin du point de bascule d’un réel développement économique incluant les professionnels de l’agriculture menacés tout simplement de disparition dans un silence assourdissant. Saveriu Lucciani Pd de l’OEHC annonce des actions dans plusieurs domaines pour 25 millions € (sur 5 ans) via le PEI (Programme exceptionnel d’investissements). Et un plan plus ambitieux du Conseil Exécutif qui doit solliciter l’Etat et l’Europe pour une programmation pluriannuelle d’investissements et un Plan Eau à 30 ans baptisé Acqua nostra 2050.
LV
_______