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Billet de blog 25 décembre 2022

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L'Ultime rivage long métrage de Sebastien Roussin

« L’Ultime Rivage » au cinéma Le Studio de Bastia avant-première publique le 12 janvier 2023.

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Réalisé par Sebastien Roussin, ancien policier, L'Ultime rivage long métrage intégralement tourné en Corse mais sans que l’action y soit clairement localisée, révèle les tragédies et les connections dangereuses en Méditerranée, telles qu’elles sont vécues au quotidien par les migrants. Partout dans le monde, ils sont les otages des passeurs notamment des trafiquants de vrais-faux contrats de travail. 

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Toutefois, filmées dans les somptueux sites insulaires, l’amitié et la rédemption figurent au centre du propos, comme secours et consolation. Voici le tableau de drames universels et planètaires avec un plus: l’introspection de Ange, gangster retiré des affaires mais devenu capable de réfléchir sur son existence et surtout sur celle des autres… On n’est pas dans un polar clinquant et dérisoire à la Tarantino mais dans la profondeur de toute destinée humaine. Pourquoi pas la transcendance? C’est la force de cette histoire. Sebastien Roussin résume le pitch: « Alors qu’il entame une longue ascension, Ange se remémore son fils décédé. Et le souvenir d'Ahmed, ce jeune migrant libyen aux mains d’un réseau de passeurs dirigé par Le Kabyle et son sbire Eddy…Arrivé au sommet,
Ange, incarné par Jean-Max Lhuillier, trouve la rédemption.»
Cette séquence, tournée dans les brumes de la Tour de Sénèque (Cap Corse), concentre la philosophie de ce long métrage, qui évoque des situations vécues dans tous les pays méditerranéens, côté migrants mais aussi en parallèle, côté passeurs, exploiteurs, malfrats et tueurs. Au fil du parcours du jeune libyen Ahmed, émerge le gigantesque chaos social des migrations dans les décors de Bastia, Saint Florent, Borgo et Luri, filmés comme jamais auparavant. La Corse une source d’inspiration pour ce scénario?

Sebastien Roussin : « cette histoire aurait pu être située n’importe où dans le monde, mais ça se passe en Corse. Le personnage principal joué par Jean-Max Lhuillier s’appelle Ange, cela  donne cette texture, ce style supplémentaire. Ici on a la chance d’avoir des paysages magnifiques, une culture insulaire. Comparé au continent, les gens ici sont plus ouverts, plus fraternels et parfois moins…La Corse, j’y vis, j’y travaille et je l’aime.»

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Se projetant plus loin que la victimisation ou à contrario la diabolisation de l’immigration, ce film incarne la tragédie de millions d’hommes débarquant en Europe, venus du Maghreb: Maroc, Algérie, Tunisie, Lybie. Ils sont désorientés, en apnée et perdus entre leur vie d’avant, le retour devenu impossible et l’avenir incertain. Sebastien Roussin: « le contexte de l’immigration, je le connais bien, j’étais fonctionnaire dans la police nationale, j’ai traité des affaires criminelles similaires. Je ne voulais pas exposer l’aspect démagogique ou manichéen de ces destins, je voulais montrer le réel de manière authentique, tel que cela se passe vraiment, mais avec un regard cinématographique, ce n’est pas un documentaire. Non pas montrer la victimisation mais plutôt l’existence de celui qui est venu ici chercher l’espoir. »

Le personnage de Ahmed (Malik Ouahione ), orphelin libyen ayant fuit les atrocités, est à la merci du Kabyle incarné magistralement par Philippe Ambrosini. Colérique,

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tyrannique, c’est un « homme sans foi ni loi, hormis la sienne ». Le film évoque toute la criminalité liée aux migrations: les meurtres, les fausses promesses, les vrais-faux contrats de travail, les maltraitances, les passeports confisqués, les logements insalubres, le travail non déclaré et sous payé et les atteintes aux droits humains. 

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L’île est-elle concernée? Jacques-Hubert qui vit en Corse et Nabil qui vient du Maroc, sont amis par delà les aléas des migrations en Méditerranée et les filières incontournables, organisées aussi avec la participation complice de certains intermédiaires européens. Nabil est arrivé en Plaine Orientale en Corse, pour être ouvrier agricole, avec un visa et contrat de travail authentique… mais payé par sa famille. Nabil : « j’ai acheté, au Maroc, mon contrat de travail 8000 euros mais en réalité, je n’ai travaillé que 2 mois au lieu des 4 mois prévus. Après on m’a dit il n’y a plus de travail. Mais d’autres ont été embauchés à ma place. Pourquoi? Je devais encore beaucoup  d’argent.»

Au Maroc, ces vrais-faux contrats de travail seraient négociés actuellement autour de 15 000 €. Jacques-Hubert: « l’exploitation criminelle, ce sont ces filières de passage, qui vendent du rêve, avec des conditions d’hébergement insalubre. C’est là le drame, on les fait travailler pour presque rien et bien plus que 35 heures. Moi je suis modestement comme le personnage de Ange du film mais sans la violence. Nabil est un ami, je l’aide dans une situation difficile. C’est quelqu’un qui mérite et quand on parle d’assimilation, elle est là l’intégration. Il est de chez nous tout simplement ! Mais en situation irrégulière et il attend une régularisation. »

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La Corse, terre de cinéma et terre d’accueil? Sebastien Roussin: « La Corse est inspirante et j’irais plus loin, elle est associée à l’allégorie du personnage de la Fille de la mer, qui représente aussi l’île. Ahmed vit son expérience en Corse à travers les rêves nocturnes qu’il fait de cette Fille de la mer, et il a l’impression que parfois elle le rejette. »

Liliane Vittori

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