« Ne choisis pas une langue contre une autre. Ne te sers pas de notre blessure pour blesser. La fête n’est pas annulée. Ne laissons pas annuler le bonheur d’être ensemble » conseille Jean-François Bernardini (I Muvrini, AFC UMANI ) après le choc de la fête scolaire annulée à Prunelli-di-Fium’Orbu (Hte-Corse).
Et ce, pour cause de menaces racistes présumées proférées à l’encontre des institutrices, et à l'encontre des enfants qui devaient chanter « Imagine » de John Lennon en 5 langues ( français, corse, anglais, espagnol, arabe). Des inscriptions « Arabi fora » et « Lingua corsa » avaient été tracées au sol devant l’école. L’affaire qui a déclenché l’ouverture de 2 informations judiciaires à Bastia, a servi de prétexte à une envolée de propos racistes anticorses dans les médias, suivis de répliques sur les réseaux sociaux. Mais Jean-François Bernardini veille !
Concernant le cercle infernal de la peur et de l’exclusion il s’agit dit-il : « d’une aubaine pour les préjugés, pour la confirmation des clichés, là où il y a souffrance. » . Un rassemblement citoyen s'est déroulé dans le Fium'Orbu sous la banderolle "« contre le racisme, pour la tranquillité publique et la fraternité. ». La voix de Jean-François Bernardini sera-t-elle entendue par les agresseurs et aussi par Patrick Cohen ( journaliste) et Sophie Aram ( humoriste) de France Inter ? Sur un média public (Radio France), financé avec l'argent des contribuables , ils se sont, tous deux distingués par un racisme anticorse débridé, amalgamant les parents protestataires présumés racistes... avec l’ensemble de la population insulaire. Sur France-Inter radio publique, les Corses sont-ils tous des racistes ? La Chronique du 16 juin ( Matinale) de Patrick Cohen se résumant à un redoutable effet loupe au détriment de la Corse toute entière : « (...) Une plainte a été déposée. Mais on le répète, la kermesse est annulée. Les racistes ont gagné (...)». Insupportable et déontologiquement inadmissible. Patrick Cohen, journaliste de la Matinale de France-Inter, avait découpé sa carte de presse le 10 mars, en public et en direct sur France Inter. Patrick, j'espère que vous allez postuler à nouveau pour obtenir cette carte professionnelle, une conquête démocratique de la Résistance en 1945. Et que vous relirez la Charte du Journaliste du SNJ :
" Le journalisme consiste à rechercher, vérifier, situer dans son contexte, hiérarchiser, mettre en forme, commenter et publier une information de qualité". Quant à Sophie Aram , le 22 juin (six jours après Patrick Cohen dans la même Matinale de France Inter) elle a tenu des propos diffamatoires à l’encontre des Corses collectivement assimilés à des racistes : « pour certains parents d'élèves corses l'arabe serait la langue du terrorisme, ce qui venant des Corses nous fait bien marrer ! On se dit qu'il y a des gros cons partout, même en Corse! » Provocation à la haine ? S.Aram s’est exprimé sans aucune sanction de la part de la direction de Radio-France. C’est intolérable et ses propos sont, à l’évidence, des provocations à la haine. Que fait le Président de Radio-France ( dans son bureau) ? Avec douceur et discernement , Jean-François Bernardini Président de AFC-UMANI et militant de la Nonviolence réagit : « la fête n’est pas annulée. Ne laissons pas annuler le bonheur d’être ensemble. Nous ne souhaitons pas la fête sans les autres, ou contre les autres, y compris contre cette main qui a écrit sa peur en lettres rouges. Si l’on ne comprend pas son histoire, on est condamné à la répéter. Après 250 ans dans le couloir du mépris, on peut effectivement comprendre que la Corse se sente moins forte, menacée dans son être, sa culture, sa manière d’entendre la vie, mais la menace vient-elle de nos frères musulmans, leur langue, leur culture ? Imaginer des solutions aux problèmes. Et si la menace était la peur, la monoculture que l’on veut partout imposer dans le monde, une menace de dimension planétaire ? Oui la tentation serait de dire : j’ai été blessé dans ma langue, je te blesse dans la tienne. Ma langue est moribonde, je ne me sens plus assez fort pour partager la tienne, pour accepter la tienne, pour lui donner une place. Je ne trouve plus ma place ici, donc tu n’auras pas la tienne. Moi, je ne suis plus chez moi, j’ai peur, j’ai mal. Donc je fais peur, je fais mal. La paix, c’est transformer la colère, c’est comprendre les problèmes, c’est transformer les acteurs, c’est imaginer des solutions aux problèmes, aux questions du vivre ensemble, cela dépasse les murs de l’école. La paix, c’est comment apprendre à ouvrir les bras à qui ne sait plus, à qui ne peut plus. La paix c’est l’offrir aux autres. C’est savoir dire, sans exclure : tu te trompes, ti sbagli fratellu .Il n’y a pas de « x » dans l’alphabet de la langue corse. C’est à toi fratellu « x » que je m’adresse. Cum’è mè, quantu è mè, si nutritu di l’anima di issa terra. Comme moi tu es nourri de l’âme de cette terre. Qu’est-ce qui me sépare de toi ? Moi je souhaite la polyphonie des langues parce que je défends la Corse, sa langue, parce que je la vis, parce qu’elle me manque, parce que j’ai besoin de la chanter et de la partager. « A nostra lingua more, ma ùn pienghjimu micca ».
Notre langue meurt, mais nous ne pleurons pas. Ce qui me sépare de toi, ce qui t’enferme, ce qui t’emprisonne, c’est cette tentation de faire mal là où tu as mal, de refuser à l’autre aujourd’hui ce que l’on t’a refusé hier, de menacer là où tu te sens menacé, d’exclure là où tu te sens exclu, d’annuler la fête parce que quelques mots d’arabe trouble ta peine, ton désordre public. Noi corsi a cunniscimu troppu issa miseria, inghjuliati in la nostra lingua, humiliés dans notre langue. Ne choisis pas une langue contre une autre. Ne te sers pas de notre blessure pour blesser. N’interdis pas ce que l’on a voulu nous interdire. Ne blesse pas celui qui loin de sa terre est blessé autant que nous. N’emprunte pas les gestes de celui qui a voulu t’interdire un jour. Désire autre chose, invente autre chose, une autre issue, la seule issue pour la Corse : faire le contraire de ce qui lui a été infligé. D’autres sur les réseaux et dans la presse se sont rués sur ta faiblesse, cette expression malheureuse d’un mal vivre ensemble.
D’autres ne voient là que spectacle, aubaine pour les préjugés, confirmation des clichés, là où il y a souffrance. Salam aleykoum : « la paix de Dieu soit avec toi ». Non, il n’y a jamais assez de manières de dire à l’autre, « que la paix soit avec toi, chi Diu ti guardi ». Ch’ella ingrandi a so brama d’esse di i nostri, a nostra brama di campà inseme. Ici à Prunelli, des enseignantes ont pris soin de ce bouquet multicolore qui fait le monde, qui n’exclut rien de ce que nous sommes, mais nous augmente, nous enrichit, corses et umani. Elles ont du mérite, les maitresses d’école qui font résonner dans la voix des enfants, la fraternité des langues et la richesse du monde. T’aspettemu pè a festa fratellu. A festa un sarà bella ch’è s’è no simu inseme. La fête ne sera belle que si nous sommes ensemble. Oui nous avons besoin de toi. Oui nous avons besoin de tous, pour dire « Paura fora - peur dehors » In tantu, dammi nova di i nostri zitelli. Au fait, après tout cela, nos enfants vont-ils bien ? Il parait que quand nos enfants ne vont pas bien, nous n’allons pas bien. » Non au racisme, oui à la tolérance, imaginons un monde meilleur. JEAN-FRANCOIS BERNARDINI - 22 di ghjugnu 2015.
En Corse, le samedi 27 juin, un rassemblement citoyen s’est déroulé dans le Fium’Orbu ( à Migliaccaru) en présence de nombreux élus maires et conseillers territoriaux et de la Ligue de Droits de l’Homme de Corse « contre le racisme, pour la tranquillité publique et la fraternité. ». Julia Sanguinetti, secrétaire régionale EELV: « Il n'y a ni raison, ni excuses à des paroles, des actes qui, de la nature humaine, témoignent des plus viles et des plus dangereux comportements. L'histoire est pleine de ces histoires qui font de l'étranger un ennemi, un objet de peur, un objet de haine. Elle nous enseigne la fragilité de ces instants du monde où plus qu'à d'autres, la frontière de l'intolérable est prête à céder sous le poids de ce que l'homme porte de plus laid en lui: la haine et le rejet aveugles de ce qui n'est pas lui, liberticides et égoïstes, avilissants et mortifère et chaque société, chaque individu doit rester en capacité de s'en indigner! Il n'y a ni fierté, ni retenue pourtant à dire que ce qui s'est passé à Prunelli di Fiumorbu, n'est ni une surexploitation médiatique, ni un épiphénomène sans gravité, mais l'un des signes révélateurs d'une pensée qui bascule doucement dans l'idée d'une société intolérante et raciste. Il ne s'agit, n'en déplaise à quelques uns, en réalité pas d'une question d'apprentissage des langues, fusse-t-elle corse, anglo saxonne, bretonne, arabe ou française. Il n'est question là ni de la Corse, ni d'identité régionale, il s'agit d'humanité, universelle et sans frontières. Il s'agit de racisme violent et sournois, et de dire aujourd'hui qu'il n'est pas acceptable. »
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