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La grande famille du « Granu Anticu » s’est réunie cette année à Pancheraccia (Aleria) pour la 10 ème édition de la Festa di u Granu. Une foire rurale pas comme les autres, car elle travaille tout autant sur le passé que sur le futur, en misant sur les enjeux de l’autonomie alimentaire.
Tout en insistant aussi sur les valeurs santé et diététique du bon grain de blé ancien, sans gluten qui dispose d’une forte valeur nutritive et qui se cultive ici sans arrosage…exactement comme le faisaient les anciens en Corse. On parle de la châtaigne « l’arbre à pain de Corse », mais il ne faut savoir que le blé, était cultivé dans toute l’île ou ils restent environ 5000 «aghja»qui sont les aires circulaires de battage lors des moissons.
Une fête associative, visionnaire, organisée par des passionnés qui sèment et récoltent chaque année sur 4 hectares, des blés issus de 3 catégories de semences anciennes sur le site « Jardins des Blés ». Baptise Bariani viticulteur, exploitant agricole, producteur : « Nous continuons les traditions très anciennes et on est sur des blés dont certains datent de l’Antiquité de moins - 6000 ans ! Nous avons fait des recherches dans notre jardin dédié en partant de quelques graines, pour arriver à des surfaces cultivées. On a sélectionné des blés très résistants à l’échaudage, c’est à dire à la chaleur-sécheresse, et aussi très résistants aux maladies. C’est une culture sèche à l’origine qui ne nécéssite pas d’eau d’arrosage. Ces blés ont toujours poussé comme ça! Quand on les sème, si il y a une seule petite pluie cela lui suffit pour lancer la germination. On le plante en décembre, il grandit pendant 5 mois et on sait que les pluies du printemps seront là. »
Le début de cette renaissance des blés insulaires ? « On a demandé les semences de Corse à l’INRA de Clermont-Ferrand, ils ont toute la collection des graines de l’histoire de France. Mon père m’a dit qu’il a toujours planté du blé sur les terres de notre village de Carticasi à 950 mètres d’altitude dans le Bustanicu. »
La Corse entière était un pays de blé qu’on appelait le grenier de Rome et des blés archéologiques ont été trouvé à Levie et aussi à Ajaccio, lors des carotages pour l’aéroport Campo Dell’Oru. L’histoire du blé s’inscrit dans l’histoire de la Corse. Un seul grain fait 3 épis, et dans chaque épis il y a 30 grains. Ces cultures pourraient -elles se développer ? La Festa a di u Granu propose des ateliers gratuits : fabrication du pain, meunerie, moisson à la faucille, battage du blé et démonstration des machines. L’équipe de l’association fondée par Edwige Koziello mise sur la mise en spectacle de la moisson « la meilleure façon dit-elle d’apporter la preuve que la culture du blé en Corse était possible ». Cette année les visiteurs verront aussi les anciennes batteuses en bois achetées au Larzac.
L’avenir ? L’extension de la fabrication et de la commercialisation des farines de la marque associative « Granu Anticu », à partir des assemblages de trois variétés de blé, le « Blé tondu » sans barbe, le « Barbudo de Toscan »et le petit « Blé hérisson ». Baptiste Bariani: « le plus gros problème reste le foncier pour parvenir à dédier des surfaces plus importantes. Notre ambition ? Que la Corse se remette à cultiver de la céréale et du grain corse et un peu dans chaque région de notre île. Quand on parle d’autonomie alimentaire, il faut commencer par le début, c’est à dire par le pain à produire ici. Il faut que la jeunesse s’investisse, les jeunes agriculteurs sont actuellement plutôt intéressés par les grandes filières bien rémunératrices, la viticulture, le maraîchage, l’élevage. Sachez que sur le continent, ils travaillent aussi les blés anciens mais pas les mêmes que nous et ils produisent déjà des milliers de tonnes, ils sont en avance. Notre message? Que les politiques nous donnernt. des moyens pour former des jeunes. »
Liliane Vittori