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Billet de blog 6 février 2020

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VRAI ET FAUX BREXIT.

Si BoJo est à la hauteur de sa renommée de populiste opportuniste, on voit d’ici où il pourrait aller. En vociférant « souveraineté » et en gesticulant.

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VRAI ET FAUX BREXIT.

                                                                                       K. Schnur      Février 2020

Trêve de bavardage et rappel des vérités premières :


1) Aux dernières élections britanniques ce n’est pas tant les Torys de Boris Johnson (BoJo) qui ont gagné mais le Labour de Corbyn qui a lourdement chuté, s’étant laissé marginaliser par les penchants suicidaires des idéologues marxisants dont est truffé le noyau dur de ses militants. Avec les effets pervers habituels d’islamo-gauchisme et d’antisémitisme. Bien loin du New Labour de Tony Blair, assez pour devenir un repoussoir et effrayer leur électorat populaire traditionnel.


De surcroit le Labour refusait de prendre position sur le Brexit, menaçant du coup que se poursuive, en cas de sa victoire, le douloureux feuilleton qui tourmentait la société britannique depuis le referendum de juin 2016. Or, qu’ils soient pour ou contre, les britanniques voulaient y mettre fin. BoJo ne pouvait que gagner gros.


2) Vu que l’électorat classique du Labour était à prendre, BoJo leur promettait une politique de redistribution prétendument « de gauche ».
Dont des investissements massifs dans le NHS (l’assurance santé généralisée, dont la construction de nombreux hôpitaux et l’embauche de personnel hospitalier) ; dont des investissements dans la sécurité (embauche de milliers de policiers) ; dont des investissements dans l’école publique (embauche de profs) et j’en passe.


Bref : (re)faire de la Grande Bretagne un « welfare state » (Etat providence). Il a d’ailleurs déjà commencé par une augmentation du Smic que le patronat n’aime pas du tout.


3) Or, cela coûterait beaucoup d’argent.
C’est donc incompatible avec la baisse massive de fiscalité miroitée par ailleurs dans le cadre de ce que certains s’affolent déjà à nommer « Singapour sur Tamise » et dont l’UE a horreur.
C’est aussi incompatible avec des restrictions sur l’immigration, notamment européenne ; or, c’était l’un des ressorts de la victoire de BoJo.
Il va effectivement falloir qu’il choisisse, comme disent ses détracteurs, « qui il trahira ».


4) S’il refuse de choisir (autrement dit, s’il choisit BoJo, ce qui est dans sa nature) il mécontenterait beaucoup de monde mais surtout il resterait dans une situation proche de l’actuelle.
Or, si rien ne change, le Brexit s’acheminerait vers un Bino (Brino), « Brexit in name only », à savoir un Brexit de pure forme, qui se traduirait par l’absence de délégués britanniques aux institutions européennes mais le maintien, à toutes fins utiles, des principales règles qui s’imposaient à la Grande Bretagne comme membre de l’UE.

Autrement dit, on fait un quasi copié-collé de l’existant et on l’appelle « accord bilatéral entre la Grande Bretagne et l’UE ». 

Des précédents existent déjà ; par exemple entre la Norvège et l’UE.

Et c'est l'unique moyen de finaliser les accords cette année, conformément à l’ambition affichée par BoJo.

5) Ceci serait parfaitement compatible à son engagement de respecter le résultat du referendum de 2016. Après tout, la GB n’est plus membre de l’UE puisqu’il n’y a plus de délégués britanniques à Bruxelles et à Strasbourg. Le souhait populaire est donc exaucé.

MAIS jamais personne n’a posé à la population britannique la question sur la nature de ses relations futures avec l’UE… BoJo a carte (presque) blanche là-dessus.

6) Dans l’hypothèse que l’unité des 27 se maintient (et c’était parfaitement le cas jusqu’ici ; Michel Barnier est seul interlocuteur de la GB et leurs tentatives de négocier séparément avec des Etats des 27 avaient échoué) rappelons que la GB dépend des 27 pour 50% de son commerce extérieur ; alors qu’en sens inverse c’est environ 10%. 

Remplacer 50% de ses partenaires de commerce extérieur serait l’affaire de plusieurs générations et le succès bien aléatoire.

7) L’exemple du « danger » pour la pèche française posé par l’interdiction éventuelle des eaux territoriales britanniques est intéressant.

S’il est vrai que la GB dispose d’eaux très poissonneuses qui constituent le gain-pain des pécheurs du continent, notamment français ; il est tout aussi vrai que le marché pour ces poissons se trouve surtout en Europe continentale… 

La GB réfléchirait à deux fois avant de fermer ses eaux territoriales à la pèche française…


8) Idem pour tout le reste. Se « tourner » vers les USA se traduirait, pour la GB, par quoi ? Un accès libre, par exemple, des voitures produites en GB au marché américain ? Au détriment de l’industrie automobile US qui souffrirait le chômage que lui infligerait l’importation de véhicules britanniques ? 

Allez expliquer ça à Detroit aux ouvriers ayant voté pour Trump... 
Sans oublier que l’industrie britannique fait surtout des assemblages à partir de pièces importées du continent…Le vice versa étant souvent vrai…

Ces exemples reflètent, en réalité, beaucoup d’autres ; et finalement l’imbrication intime de l’économie britannique (dont le secteur financier) dans celle du continent et la grande difficulté de les séparer, Brexit ou pas.

9) Un Brino serait de nature à calmer la grogne en Ecosse et en Irlande du Nord, régions majoritairement opposées au Brexit, connaissant des pulsions séparatistes et qui pourraient y trouver prétexte pour mettre en cause l’intégrité du Royaume Uni, éventuellement par des moyens violents.

Bref, si BoJo est à la hauteur de sa renommée de populiste opportuniste, on voit d’ici où il pourrait aller. En vociférant « souveraineté » et en gesticulant.

                                                      K. Schnur              Février 2020

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