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Billet de blog 27 août 2016

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Francophonie et Françafrique, quelle différence peut-on bien faire?

Entre homonymie et homophonie... Une ressemblance mais la comparaison sonne fausse... Le pourquoi, des réponses... La Francophonie et la Françafrique n'ont de commun que ce que ses représentants et ses représentés veulent bien projeter d'elles.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

La France comme dénominateur commun

En 1970, il y avait l’Agence de Coopération Culturelle et Technique (ACCT), devenue l'Organisation Internationale de la Francophonie (OIF) en 1997. La Francophonie est une initiative des présidents Senghor (Sénégal), Diori Hamani (Niger) Sihanouk (Cambodge) et Bourguiba (Tunisie) qui avaient pour idée de faire la promotion et d'améliorer la diffusion des cultures de ses membres et d’intensifier la coopération culturelle et technique entre eux. La langue française, celle du colonisateur passé, étant le vecteur commun. La francophonie désigne l'ensemble des locuteurs français dans le monde, soit environ 275 millions de personnes, soit 1personne sur 28. Lorsqu'elle prend une majuscule, elle regroupe les 80 pays et gouvernements membres, elle représente alors près de 900 millions de personnes, et permet de souligner qu'une personne sur sept est francophone. Ceci est dû au fait que l'institution accepte également les non locuteurs qui ont alors le statut d'observateurs ou d'associés. C'est ainsi que le Qatar, l'Ukraine ou encore le Mexique sont membres de l'OIF.

La France-Afrique quant à elle, est le souhait initial de certains pays d'Afrique de conserver des liens étroits avec la France, souhait devenu rapidement réciproque. Cette expression est consacrée dès 1955 par le président Ivoirien Félix Houphouêt Boigny. Depuis, la contraction est utilisée par les opposants au néocolonialisme et aux relations obscures économico-politiques qu'entretient la France avec ses anciennes colonies d'Afrique. Cette lutte est notamment celle de l'association nationale "Survie", aujourd'hui présidée par Fabrice Tarrit. 

La francophonie et la coopération, une institutionnalisation de la Françafrique?

La coopération a pris différentes formes et appellations au fil du temps : le jumelage, l'aide au développement, la solidarité internationale, la coopération décentralisée, et aujourd'hui l'action extérieure des collectivités. La coopération a évolué, elle semble revenir aux fondamentaux de la mondialisation à savoir l´économie, un moyen diront quelques uns d'avoir une emprise sur le continent africain et ses ressources.

Aujourd'hui, 12 800 projets de coopération sont conduits par près de 5 000 collectivités françaises. Les trois premiers pays africains avec lesquels les collectivités françaises coopèrent sont : le Mali, le Burkina Faso et le Sénégal ; tout trois des pays francophones et des pays à fortes communautés residantes en France. Il y aurait de véritables enjeux sous-jacents au financement de la coopération décentralisée.

En 2010, l'initiative AfriqueFrance est lancée lors du sommet Afrique-France. Les participants souhaitaient alors rapprocher les entreprises françaises et africaines. Laurence Parisot, à l'époque patronne du MEDEF en appelait même à la création d'un "MEDEF" Africano-Français, là encore une maniere d'y préférer la coopération économique, à toute autre forme de coopération, et principalement avec l'Afrique francophone. 

La coopération militaire ou plutôt la présence militaire française en Afrique de l'Ouest, en Afrique de l'Est, en Océanie, en Asie et en Amérique centrale est une réalité. Ainsi, en Afrique, la France a encore des éléments, une base opérationnelle et des forces stationnées à Djibouti, en Cote d'Ivoire, au Sénégal et au Gabon. Cette présence française en Afrique francophone est avant tout utile à la protection des ressortissants et des biens français tels que les ressources naturelles. C'est ainsi que la stabilité juridique de certains contrats d'Etat sont assurés. 

Toutes ces zones géographiques sont majoritairement francophones, sont des anciennes colonies, et la langue française, commune, reste l'élément facilitateur aux échanges.

"Imposer sa langue, c'est imposer sa pensée" a dit Claude Hagège et accessoirement sa culture, son mode économique, ses valeurs, son mode de vie etc. D'où  l'importance de lutter contre la pensée unique, la langue unique. 

Les limites de la comparaison

L'institution Francophonie est aujourd'hui une structure qui a très peu de moyens financiers, un très faible impact politique et qui axe essentiellement ses activités sur la culture, le sport et la jeunesse ; lorsque la Françafrique qui est l'expression même de pouvoirs toujours en place,  est là pour exploiter les anciennes colonies, leurs ressources naturelles (minières), économiques (FCFA) et humaines (étudiants). 

S´il faut parler de Françafrique, il faut alors également parler de Chinafrique, du Québecafrique, car aujourd'hui, de nombreux pays ou gouvernement autres que l'Etat français, sont conscients du potentiels africains et veulent déplacer leur pion sur l'échiquier politico-économique africain. 

Parler une même langue reste un atout puisqu'elle rassemble. L'Afrique n'est pas le seul continent sur lequel la langue française est utilisée. Limiter la Francophonie à l'Afrique serait une erreur, bien que l'avenir de l'institution se trouve sur ce continent. 

En effet, dans certains coins du globe, notamment en Amérique du Nord, au Québec, et encore plus en Acadie, en Ontario, mais aussi en Europe (Belgique, Val d'Aoste, Suisse), les populations luttent pour le maintien de leur langue, la langue française, luttent pour avoir le droit de la pratiquer, lutte pour une reconnaissance de leur langue comme langue officielle, administrative, réelle. La langue est devenue une arme et un objet de lutte au quotidien pour ces populations. Comment comprendre par exemple qu'en Belgique, un bourgmestre puisse passer un mandat en tant que maire non nommé, car il a décidé de lutter pour son droit à s'exprimer en français, l'une des langues officielles et administratives en Belgique? Comment expliquer qu'en Suisse, on puisse ne pas vous répondre, ou vous répondre en suisse allemand, lorsque vous posez une question en français, l'une des 4 langues officielles et administratives de Suisse? Comment imaginer que créer une université de langue française soit devenu un combat politique en Ontario? Sait-on que le Québec est la seule province francophone du Canada et qu'il a, à plusieurs reprises, demandé son indépendance sous fond de tensions linguistiques? Sait-on que le Nouveau Brunswick est la seule province officiellement bilingue du Canada, mais que dans la pratique on est loin du bilinguisme?

Vers une meilleure distinction

Un meilleur positionnement politique de l'OIF, une plus grande visibilité, davantage de moyens et des mesures phares évoquées comme l'attribution de visas étudiants et entrepreneurs francophones permettraient de ne plus la confondre avec la Françafrique.  

Il paraît nécessaire qu'il y ait une prise de conscience de la langue commune comme un véritable atout, par et pour l'Afrique. Pour cela, il faudrait revenir aux origines et faire de la langue française, de sa véritable maitrise par tous, un savoir, une arme afin de retourner la situation vis à vis de la France et vis à vis d'autres Etats. Cela permettrait également de rééquilibrer le rapport de forces entre les États africains et les grands puissances économiques d'Occident ou d'Orient, notamment dans la négociation de contrats miniers et/ou commerciaux. 

Enfin, peut-être que les autres Etats et gouvernements membres, observateurs ou associés, pourraient cofinancer davantage l'institution de manière à rééquilibrer là aussi, le rapport avec le principal contributeur qui est la France. Ainsi, ils donneraient les moyens à l'OIF de réellement exister sur la scène internationale, comme haut représentant de l'ensemble du monde francophone.

Finalement, la Francophonie et la Françafrique n'ont de commun que ce que ses représentants et ses représentés veulent bien projeter d'elles.

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