Plus que des murmures, un cri à la jeunesse, mais pas que !
Un désaccord majeur et profond. Refuser de capituler intellectuellement face au terrorisme.
Après avoir soulignée son intention de rester loyale envers le Président de la République, Christiane Taubira nous fait comprendre que le désaccord est en réalité avec Manuel Valls, Premier Ministre, qui avait déclaré "qu'essayer de comprendre c'est déjà un peu justifier".
Il s'agit au contraire pour l'ancienne garde des sceaux de comprendre pour agir. Elle convoque la raison dès les premières pages du livre en citant les noms de Descartes, de Montaigne, de La Boetie et de Simone Weil.
Pour freiner et atteindre le mal qui nous ronge il faut " ne pas renoncer à disséquer la mécanique de cet embrigadement sectaire, ni à déceler les insatisfactions qui le servent".
Dans ce livre, elle résiste à l’opinion générale et aux essentialistes. Elle dit vouloir essayer de comprendre l’ensemble de la chaine terroriste afin de mieux la combattre.
Avant : pourquoi des jeunes et quel est le réel profil de ceux qui s’engagent pour cette cause funeste ?
Pendant : pour qui et quelles sont les intentions réelles des chefs et des recruteurs ?
Après : que faire au retour de certains jeunes ?
Il n'y a pas de typologie du terroriste. Il peut être de banlieue-pavillonnaire, musulman, athée, convertis, instruit, d'une classe sociale ou d'une autre, introvertis ou extravertis. On ne peut non plus, pour le moment, citer de lieu plus propice qu'un autre à la radicalisation. On ne peut donc pas pointer du doigt la prison comme seul lieu de radicalisation.
Elle ne dit pas que c'est la société qui les radicalise mais qu'ils se sont, en tout cas, radicalisés au sein de notre société.
La mutation (sémantique) du terrorisme
Elle compare le terrorisme au narcotrafic composé de chefs et de recruteurs, en réalité, animés par des intérêts privés et matériels, et par le plaisir de donner la mort ou de disposer d’une personne, notamment des femmes.
Il n'y a plus de frontière. C’est la raison pour laquelle la réponse ne peut pas être nationale.
Au risque d'en froisser quelques-uns, elle réaffirme avec force : "Les musulmans n'ont pas à y voir en tant que tels, mais l'islam a à y voir ... son détournement".
Les jeunes chercheraient dans cet embrigadement une radicalité et non pas une transcendance religieuse.
Le terrorisme n'a pas de visage, n'a pas de frontière et donc pas d'Etat d'appartenance. Il n'a pas de religion mais a néanmoins des complices et des modèles que sont les trafiquants de drogue, d'armes ou encore d'humains.
Que comprendre lorsque madame Taubira continue en parlant de la France et plus largement de la communauté internationale sans les nommer, y préférant le "nous», en nous renvoyant à nos responsabilités actuelles, passées et certainement à venir en Irak, Libye et au Moyen Orient en général; et par conséquent notre responsabilité dans le développement de ce qu'elle ne parvient pas à nommer.
"Impossible d'ignorer que l'impotence diplomatique et l'impuissance politique des instances multilatérales finissent par être néfastes. Impossible que nous soyons innocents de l'état du monde, des inégalités, des prédations, des connivences en corruption, de l'oppression des femmes ..."
Anticipant certainement les réactions, elle pose la question de la sanction pour ces donneurs de morts.
La peine de mort? Ils se l'infligent déjà.
La déchéance de nationalité? Ils se l’infligent déjà en se donnant la mort pour finir "en morceaux".
Personne ne s'oppose au retrait de la nationalité, par voie administrative ou juridictionnelle, à des personnes qui ne se reconnaissent plus dans une patrie.
Néanmoins, cette patrie a pour devise "liberté-égalité-fraternité", et nul ne saurait la mettre à mal en promouvant la déchéance pour une seule catégorie de Français, à savoir les binationaux.
Le risque de l'étendre à l'ensemble des nationaux : l'apatridie.
Différentes mesures ont été mises en œuvre dans les autres pays. Ainsi, en Espagne ou en Belgique, ils ont décidé d'assumer l'inégalité. En Autriche ou aux Etats-Unis, ils ont opté et préféré la perte de la nationalité.
L'ancienne ministre de la justice, tout en citant ces autres Etats, se pose la question de l'image de la France à l'international, bien qu'elle n'ait pas encore ratifiées les conventions relatives à l'apatridie.
L'efficacité n'étant pas le but mais plutôt la symbolique, quelle image la France souhaite-t-elle renvoyer? La France de Vichy? La France sous l'esclavage?
La laïcité, cet autre symbole.
Un moyen d'être ensemble, un moyen pour l'Etat de respecter toutes les croyances, les incroyances, ou de les relativiser.
C'est faute de transcendance qu'un symbole comme la déchéance ne peut selon elle, être inscrit dans la constitution.
On en conclut que la déchéance n'est pas un symbole transcendant et de ce fait ne peut se retrouver dans la loi suprême.
Ch.Taubira n'est pas contre le symbolique mais prône l'inscription de symboles positifs, de ceux qui rassemblent plutôt que de ceux qui divisent car, souligne-t-elle, les symboles peuvent se retourner contre "nous". Le mal peut l'utiliser contre "nous".
"...les marionnettistes sans scrupules qui, bafouant toute probité parviennent à berner les esprits désemparés en assenant : Vous ne serez jamais plus algériens, marocains, tunisiens, maliens, sénégalais, et vous ne serez jamais français. Soyez musulmans, c'est votre seule identité stable et légitime".
Les enjeux lui paraissent trop grands et le risque trop important au regard du contexte actuel pour prendre la décision à la légère.
En effet, en France, plane le risque de l'embrasement par les deux bouts : du fait de l'exclusion d'une partie de la communauté nationale et/ou de l'accession du FN à la tête de la communauté.
Un hommage à la France et aux français restés debout.
La communion du début d'année, la quête et la déclinaison de la liberté, puis une seconde attaque et encore plus de communion, d'entraide, de force.
Rappelant ses origines, citant Frantz Fanon, elle souligne la nécessité d'être vigilants aux autres. "Quand vous entendez dire du mal des juifs, dressez l'oreille, on parle de vous" : l'arabe, le nègre, le musulman, la femme, l'homosexuel, et désormais le binational est pointé du doigt.
Sans donner de solutions mais en nous alertant, elle finit par avouer qu'elle n'est sûre de rien mais que sa conscience l'avait conduite à s'exprimer à ce sujet.
Le doute mène au choix … qui l'a conduite à se poser la question de rester ou de démissionner, qui lui-même mène à la liberté … une liberté de ton qu'elle a désormais retrouvée.