On a tous en tête la chanson de Jacques Brel, dont le premier couplet est ainsi formulé :
« Les toros s'ennuient le dimanche
quand il s'agit de courir pour nous.
Un peu de sable, du soleil et des planches,
un peu de sang pour faire un peu de boue.
C'est l'heure où les épiciers se prennent pour Dom Juan,
c'est l'heure où les anglaises se prennent pour Wellington »
Pourtant, l'initiative législative populaire catalane qui vient de faire interdire la corrida sur son territoire, marquant ainsi un tournant historique dans la lutte pour le respect de la dignité et de la vie animale, a reçu peu d'écho chez nous, comme si l'on craignait la contagion (1) et comme s'il fallait la dénigrer en lui prêtant des arrière-pensées différentes du résultat obtenu.
En effet, les jeux taurins avec ou sans mise à mort se pratiquent aussi largement en France du Pays basque au Languedoc où l'on y exalte les valeurs de courage et d'intelligence humaines mises à l'épreuve de la force animale.
Toutefois, les défenseurs de la tauromachie semblent manquer d'arguments sérieux en se recroquevillant sur une soit-disante sauvegarde de tradition menacée et en montant sur leurs ergots pour vilipender les moralisateurs de salons (2).
D'une part, on peut leur objecter que la tradition tauromachique n'a pas toujours existé en Espagne et a fortiori en France qui l'a importée, même si des cultures méditerranéennes antérieures aux indo-européens ont été marquées par le mythe de la puissance de cet animal sauvage, qu'il s'agisse du monde ibérique ou du monde crêtois ;
d'autre part, toutes les traditions ne sont pas faîtes pour être conservées dès lors qu'on les considére comme barbares et amorales avec le recul du temps : les jeux du cirque sont par exemple aujourd'hui interdits alors qu'ils étaient considérés comme le fin du fin de la civilisation romaine, de même que les exécutions publiques dans nos contrées n'ont plus cours, alors qu'elles étaient naguère l'occasion pour la population de se rassembler sur les places de villages et d'expier leurs propres fautes. Enfin, si la morale permet de dompter nos instincts de jouisseurs sadiques, pourquoi devrait-on s'en plaindre ?
On peut alors s'interroger sur l'humanité de l'homme devant le spectacle de la souffrance qui va de paire avec le voyeurisme et la pulsion de mort et qui concerne aussi d'autres espèces (voire par exemple les combats de coqs, toujours très prisés).
Lincunable, 3 août 2010
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