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Billet de blog 8 mai 2010

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Du procès d’intention comme procédé d’invention

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Mais que cherche à montrer au juste Michel Onfray en tirant à boulets rouge sur la psychanalyse et sur son éminent fondateur, Sigmund Freud (1) ? Le ton en tout cas est donné par le titre provocateur choisi pour son nouvel essai, emprunté à Nietsche qui empruntait à Wagner, et dont le sous-titre annonçait déjà tout un programme : « Comment philosopher à coups de marteaux ? ».

A vrai dire, pas grand-chose. En-dehors du fait de nous informer sur son aversion personnelle pour la psychanalyse et sur son agacement non moins personnel à propos de l’influence toujours persistante de celle-ci dans l’approche des sciences humaines, Michel Onfray n’a pas de solution alternative à nous proposer au fonctionnement du psychisme humain dont l’énonciation freudienne a constitué une véritable révolution de la pensée : mécanismes du conscient et de l’inconscient, du désir et du refoulement, de la mémoire et de l’oubli, des rêves et de leurs interprétations, des pulsions et des pathologies (névroses, psychoses...). En effet, nous n’explorons plus désormais le monde intérieur de la même façon après et avant Freud.

Mieux vaut donc pour Onfray s’en prendre aux intentions supposées des personnes (celle qu’il appelle l’idole et dont il prophétise le crépuscule, par exemple) pour dénigrer une méthode qui a pourtant fait ses preuves sans aucune exclusive puisqu’elle peut être associée à d’autres : ainsi, les idées de Freud ne seraient pas révolutionnaires au motif que son inventeur, bourgeois, ne l’était pas (comme si une invention restait cantonnée à l’entourage de son auteur et ne lui échappait pas pour vivre sa propre vie et contaminer le reste de l’éventail politique, voire entre autres le chemin parcouru par Wilhelm Reich). Tout au contraire, il aurait été partisan des régimes autoritaires en louant Mussolini et en cherchant à s’attirer les faveurs d’Hitler (des lettres le trahiraient). Or, que Freud se soit intéressé à la manipulation des foules par quelques énergumènes mégalomanes ou qu’il ait essayé lui-même de manœuvrer Hitler et Mussolini en jouant l’un contre l’autre au cours d’une partie d’échecs épistolaire relève plutôt d’une attitude professionnelle digne du thérapeute avec ses patients que d’une adhésion à l'idéologie nazie, contraire d’ailleurs au principe de la « cure » qui force au doute et à la critique mais pas à la soumission ni à l’esclavage.

Il faut donc supposer qu’Onfray est dépourvu de subtilité et d’humour pour n’avoir pas saisi la nuance et n’avoir fait aucun rapprochement entre le salut de Freud à Mussolini ou sa chaude recommandation à la Gestapo avec les agissements d’un autre créateur de l’époque, Charlie Chaplin, également juif, qui s’intéressa lui aussi comme par hasard, à sa manière, à la manipulation des foules en tournant en 1940 Le Dictateur dans lequel une scène mythique le représente tenant un globe terrestre entre les mains qui fut parait-il retrouvé par l’armée rouge en 1945 dans le bunker détruit d’Hitler où n’entraient que ses intimes et sa garde rapprochée.

Charlot aussi serait-il un affreux affabulateur à la solde des conservateurs les plus vils ?

Lincunable, 8 mai 2010

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(1) Le crépuscule d’une idole, l’affabulation freudienne, Grasset, 2010

(2) http://fr.wikipedia.org/wiki/Fichier:Dictator_charlie1.jpg

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