Il se murmure dans les couloirs aux parquets arqués du palais tout embaumés de cire et d'encaustique, du sire et du petit mirliton, le dauphin Jean, sérieux concurrent de la maison d'Orléans, que le président file un mauvais coton.
Le bruit, tel le guano, parti du bureau d'Henri Guaino, mitoyen, citoyen résident de la République, se serait échappé par les jardins en ballon et aurait gagné Matignon, puis les Ministères, et enfin les Grands Magasins ainsi que les principaux centres de médias ayant pignons sur rue, dont Médiapart, avant d'enfler, déferlant par vagues successives d'Hokusai au large de Kanagawa, au point de devenir rumeur d'humeur et d'humour noirs, à mourre, amer, à mors, à mires : le Président s'enfermerait dans le salon doré, dit-on, le soir après souper, et demanderait à ne pas être dérangé. Certains membres de la garde rapprochée rapportent qu'on l'entend marcher de long en large pendant des heures, claquant des talons rehaussés à chaque demi-tour, les bras croisés derrière le dos, l'air grave, le bicorne de circonstance, pour finalement s'affaler sur un canapé chinois et fondre en larmes en s'exclamant : « C'est trop injuste ! ».
C'est trop injuste en effet : lui qui, en deux ans et demie d'hyper-activisme et d'hypo-glycémie a déjà remis la France au travail, l'économie mondiale sur les rails, l'Europe en ordre de marche, lui qui est allé cherché la croissance avec les dents, a redonné un souffle au G 20, a décrété le développement durable perpétuel et les indicateurs du bonheur obligatoires, lui qui a donné aux riches le bouclier fiscal et aux pauvres Martin Hirsch, qui a sauvé la Géorgie de l'Apocalypse, qui s'est rendu à Pékin pour la cérémonie d'ouverture des jeux olympiques contre vents et marées, lui qui a vendu trente-six rafales au président Lula et un réacteur nucléaire à Mouammar Khadafi, lui qui a réalisé tout cela, comment a-t-on pu l'ignorer à ce point à Oslo ?
Le prix Nobel de la paix vient donc d'être décerné, non à lui-même comme il le méritait, mais à un quasi inconnu, bronzé de surcroît selon l'ami Berlusconi, et totalement effacé sur la scène internationale, n'ayant encore réalisé aucun grand dessein multilatéral et débutant tout juste dans la carrière, ayant même été piteusement renvoyé sur les roses pour s'être engagé personnellement dans la compétition qui opposait Chicago à Rio pour l'organisation des jeux de 2016, je veux nommer : Barak Obama !
Oui, c'est trop injuste ! Il n'y a vraiment eu que Lech Walesa pour s'en émouvoir (1).
Au Journal Officiel, à paraître demain, on nous prie d'annoncer le faire-part suivant à la demande du Président de la République : « Il est décrété à partir du lundi 12 octobre 2009 à huit heures du matin trois jours de deuil national à l'occasion de la non attribution du prix Nobel de la paix à une haute personnalité française, contrairement à ce qui avait été prévu dans le rapport Stiglitz présenté à la Sorbonne en septembre dernier. A cette occasion, les bâtiments et transports publics seront décorés d'une crêpe au sucre » (2).
Lincunable, 10 octobre 2009
————
(1) http://fr.news.yahoo.com/3/20091009/twl-nobel-paix-obama-walesa-tutu-1be00ca.html
(2) http://www.politis.fr/Les-indicateurs-pour-les-nuls,8091.html?8091.html