On connaissait les Nouveaux Philosophes, muses de la pensée française des années 80 comme la Nouvelle Vague le fut au cinéma dans les années 60 (1), voici les Nouveaux Boucs Emissaires , « personnes désignées par un groupe comme devant endosser un comportement social de victime expiatoire », avec cette phrase d’anthologie : « Bernard Henri Lévy aimerait s’en tirer à bon compte » (2).
On est un peu déçu de voir Médiapart se livrer ainsi aux faux débats usants qu’il prétend refuser et qui ne font malheureusement que le jeu de l’antisémitisme et du racisme sans rien apporter au fond.
Or, les canulars sont une constante de l’histoire intellectuelle qui auraient mérité mieux qu’un pied de nez faisant figure d' autoentartrage dont on s’empare pour dénigrer tout autre chose à travers lui.
Je rappellerai le mémorable exemple d’humoristes accrochant un pinceau à la queue d’un âne pour réaliser un tableau présenté ensuite comme un chef d’œuvre humain et vendu comme tel aux enchères. Voici le détail authentique (3) : « Au salon des Indépendants de 1910 figure la toile « Coucher de soleil sur l'Adriatique ». Le catalogue en donne pour auteur « JR. Boronali, peintre né à Gênes ». En raison du caractère abstrait de cette peinture, les critiques s'enthousiasment et l'affaire fait grand bruit, jusqu'au jour où le journal Le Matin reçoit la visite de l'écrivain Roland Dorgelès qui révèle, constat d'huissier à l'appui, que l'auteur se nomme en fait « Lolo », et qu'il est l'âne du patron du Lapin Agile, célèbre cabaret de la butte Montmartre. Boronali est l'anagramme d'Aliboron, le nom donné à l'âne par Jean de La Fontaine. Dorgelès, avec deux amis peintres, André Warnod et Jules Depaquit, avait attaché un pinceau à la queue de l'animal qui devint ainsi la vedette du Salon. Et la toile s'est vendue 400 francs (soit à peu près 1 257 euros actuels). Elle fait aujourd'hui partie de la collection permanente exposée à l'espace culturel Paul Bedu à Milly-la-Forêt».On peut bien sûr citer d’autres canulars célèbres, et dans d’autres domaines comme les mathématiques en 1923 (4) : « Sous le nom Nicolas Bourbaki fut publiée une présentation cohérente des mathématiques, appuyée sur la notion de structure, dans une série d'ouvrages sous le titre Éléments de mathématique. Cette œuvre est à ce jour inachevée. Elle a eu une influence sur l'enseignement des mathématiques et sur l'évolution des mathématiques du XXe siècle. » Or, il s’agissait d’un personnage imaginaire n’ayant jamais existé.
Enfin, en paléontologie, on peut citer l’extraordinaire cas de « l’Homme de Piltdown », dont les restes fossilisés furent présentés en 1912 comme le maillon manquant entre le singe et l’homme et auquel une grande partie de la communauté scientifique a cru pendant longtemps jusqu’à ce que la supercherie finisse par être démasquée en 1949 quand K. Oakley utilisant des méthodes modernes de datation put établir que les ossements fossiles retrouvés dataient d’à peine 40 000 ans et ne pouvaient en aucun cas être attribués à un individu vieux de 5 à 10 millions d’années.
Reste que nos Nouveaux Philosophes aujourd’hui abhorrés et exclus de l’intelligentsia médiapartienne au motif qu’ils ont soit appelé à voter Sarkozy en 2007 (A. Glucksmann), soit appelé à soutenir Israël pendant l’opération Plomb Durci (B-H. Lévy) ne se résument pas à ce seul aspect de leur personnalité : le premier est un fervent défenseur de la cause caucasienne, en particulier tchétchène, l’autre un fervent défenseur de la cause bosnienne, là où une grande partie des élites s’est tue et n’a pas jugé utile de s’engager.
Lincunable, 14 février 2010
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(1) http://bibliobs.nouvelobs.com/2008/07/09/que-reste-t-il-des-nouveaux-philosophes
(2) http://www.mediapart.fr/journal/culture-idees/090210/botul-vertigo-pour-bhl
(3) http://www.guichetdusavoir.org/ipb/index.php?showtopic=24410
http://fr.wikipedia.org/wiki/Nicolas_Bourbaki