En entendant ce matin sur LCI l’analyse de Jean-Yves Camus, chercheur associé à l’Institut des relations internationales et stratégiques, spécialiste de l’extrême droite, j’ai failli m’étrangler : selon cet éminent observateur de la vie politique française et mondiale, il y aurait une différence de taille entre Jean-Marie et Marine : la jeunesse de cette dernière ferait « qu’elle n’est plus encombrée des références traditionnelles de l’extrême-droite » (1).
Or, cette banalisation croissante du lepénisme visant à faire admettre comme normal et normalisé le discours d’exclusion du national-populisme me parait particulièrement inquiétant pour la suite de la campagne présidentielle.
Alain Duhamel a été pour une fois plus inspiré dans le 13 :15 de France 2 de ce jour en déclarant : « Elle n’est pas là pour tuer le père mais pour continuer le père ».
Et c’est bien vu : mise en orbite très tôt comme successeur naturel du despote népotique après renoncement de l’aînée pourtant première dans l’ordre de primogéniture, le passage de témoin avait tout d’un sacre de Reims présenté comme l’évènement de la rentrée mais conçu comme une simple formalité. D’ailleurs, la veille, le père avait cru bon de revenir, sous les applaudissements émus de la fille, au cours du panégyrique autoproclamé de son action, sur les aspects les plus controversés de ses provocations passées : du « Durafour crématoire » au « détail de la seconde guerre mondiale ». Tout, Marine Le Pen assume tout de l’héritage spirituel de son père et sait le rappeler à l’occasion en comparant par exemple les prières de rue des musulmans à l’Occupation (3).
Ce n’est donc pas sur les thématiques de l’extrême-droite qu’on peut s’attendre à du changement au FN, mais sur la construction d‘une image : fini le temps où l’on s’imposait sur les plateaux de télévision par des coups de menton et dans la rue par des coups de main contre des collègues élus ; il conviendra désormais de gommer tout ce qui peut s’apparenter à des actions factieuses : le FN n’est plus seulement le vrai défenseur de l’identité nationale (pas sa pâle imitation), il est désormais le parti de l’ordre républicain, le seul rempart contre le désordre du gouvernement et l’aventure de la gauche, aidé en cela par le fait qu’il n’est plus isolé en Europe, ayant fait des émules parvenus démocratiquement pouvoir, ses idées étant mêmes timidement reprises par d’autres en France.
Les petits gars de la Marine n’ont donc pas changé au fond mais dans la forme, avec pour objectif la séduction d’un électorat plus large que sa base habituelle, et notamment dans les couches populaires de la droite, mais aussi de la gauche où le slogan « tout sauf DSK » commence à faire son apparition, avant même la déclaration de candidature de ce dernier.
Lincunable, 16 janvier 2011
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(1) voir d’autres exemples de sa lucidité à toute épreuve comme ici : http://lci.tf1.fr/monde/europe/2010-06/il-n-y-a-pas-de-vague-nationale-populiste-en-europe-5881913.html
(2) http://13h15-le-samedi.france2.fr/?page=accueil&video=rhozet_13h15_20100627_24062010164907_F2
