Je ne sais pas si vous avez déjà écouté la chanson de Renan Luce : « J’ai toujours préféré aux voisins les voisines » (1). Je la trouve plutôt sympathique même si l’effet répétitif finit par lasser.
Il y est question d’idylles fantasmées à l’occasion de cohabitations fortuites.
Or, les cohabitations fortuites qui se terminent en idylles sont de plus en plus rares d’après le baromètre de la crise relevé au mois d'août. Il est probable d’ailleurs que la tendance ne fait qu’amplifier un phénomène observé depuis la mise en place du quinquennat avec suppression des possibilités de cohabitation fortuite. La rencontre entre voisins, le plus souvent involontaire, s’apparenterait donc davantage aujourd’hui au pugilat et à l’agression verbale ou physique.
J’en veux pour preuve ces deux témoignages qui m’ont été récemment rapportés :
1er cas : il est sept heures du matin. En vue d’acheter un petit pain au chocolat, notre témoin entre dans une boulangerie-pâtisserie ou la vendeuse est aux prises avec un client apparemment éméché sortant d’une boîte de nuit et qui ne décolère pas :
« - Sale pute ! Je vais te gifler. C’est la deuxième fois que tu refuses de me donner une serviette en papier », lance-t-il.
« - mais puisque je vous dis que je n’en ai pas, des serviettes en papier », réplique offusquée la vendeuse.
« - elle a tout de même le droit de ne pas avoir de serviettes en papier, non ? » fait notre témoin en se positionnant en médiateur cherchant à calmer le jeu.
« - alors, c’est toi que je vais gifler », rétorque le client sans se démonter.
L’altercation se termine pour une fois plutôt bien avec l’arrivée d’un compagnon de soirée du fêtard qui le prend par le bras et l’entraîne hors du magasin.
2ème cas : il est vingt heures trente. Notre témoin n° 2, résident d’un petit immeuble, écoute tranquillement la chanson de Renan Luce sur son lecteur de compact-disques sans trop monter le son pour ne pas déranger les voisins. Soudain, cris et hurlements à l’étage du dessus, meubles qu’on traîne sur le parquet, portes-fenêtres qui claquent. Le résident monte et sonne. Une femme ouvre la porte, visiblement énervée :
« - Bonsoir », fait poliment notre témoin n° 2, « je suis votre voisin du dessous, pourriez-vous SVP faire moins de bruit ? »
« - Bon, je viens d’avoir avec ma fille, comment dire…une explication familiale ».
« - Soit », répond notre témoin n° 2, « mais pourriez-vous la poursuivre un ton plus bas ».
« - Comment ça un ton plus bas ? Et de toutes façons il n’est pas encore vingt-deux heures, je suis ici chez moi et je fais ce que je veux » rétorque cette fois de manière définitive la voisine du dessus qui en profite pour claquer sa porte au nez de notre témoin n° 2 qui redescend se coucher en coupant la parole à Renan Luce.
Sous les coups de minuit et demie, il est réveillé par une musique poussée à fond la caisse. Se rhabillant et s’apprêtant à remonter à l’étage du dessus, il s’aperçoit que le volume sonore qui emplit toute la cage d’escalier provient du voisin du dessous et pas de la voisine du dessus. Il sonne à nouveau. Un homme lui ouvre la porte.
« - Pourriez-vous baisser le son, vous êtes vraiment trop bruyant », fait notre témoin n° 2.
« - Bon, je vais baisser mais je ne fais pas de bruit », dit l’homme sûr de lui. « D’ailleurs ça fait trente ans que j’habite l’immeuble, alors vous voyez ».
« - Sans doute, sans doute », poursuit notre témoin n° 2, « mais ça ne vous autorise à faire plus de bruit que tout le monde ».
« - oh et puis vous pourriez le demander gentiment ! Nous n’allons pas être amis, vous savez », conclut l’homme en claquant à son tour la porte au nez du témoin n° 2.
Là encore, la double altercation se termine plutôt relativement bien avec intervention le lendemain de la gardienne d’immeuble chargée d’une mission d’explication le lendemain dans les étages incriminés.
Lincunable, 16 août 2009
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(1) http://www.dailymotion.com/video/x2pwlg_renan-luce-les-voisines_music