Ce billet est directement inspiré de la remise en cause de ces derniers jours des bienfaits de la vertu par certains milieux intellectuels et politiques, à propos de l’affaire Mitterrand comme à propos de l’affaire Jean Sarkozy, où le mot « vertu » a été utilisé avec mépris et dérision à contresens de ce qu’il est en réalité par assimilation à la fausse morale du « Père la Vertu » qui conduisit Robespierre à justifier la terreur ou des « Dames de petite vertu » qui conduisirent les prostituées à ignorer ce que serait la grande vertu à la façon des demi-mondaines ignorant le grand monde. Bernard Henri Lévy s’en prenait ainsi dans Libération « au spectacle navrant de cet escadron de vertueux » le 12.10.2009 (1) et Edwy Plenel se faisait tancer par Michel Puech pour avoir osé remettre la vertu au cœur de l’exigence démocratique : « quand j’entends notre camarade Edwy Plenel parler de vertu », disait-il le 12 octobre à 12h02, « ça me donne des frissons dans le dos » (2).
Disons tout de suite que le vice n’est pas le contraire de la vertu, et vice-versa. Le vice est un défaut de fabrication, un vice de forme. Il vient du latin « viti-um », qui se rattache à la tare décelée par l’augure dans les entrailles d’un animal annonçant un mauvais présage, d’où aussi le mot « vitupérer » ou « trouver des défauts à, déprécier ». La vertu vient certes du latin itou mais il ne dérive pas de la même étymologie : il vient de « vir » = « l’homme dans toute sa force physique et morale » à mettre en relation avec « vis » = force, violence et « vi-ta » = existence. La vertu est donc force de caractère, courage, ce qui permet à l’homme public de se dévouer à l’intérêt général en oubliant les intérêts particuliers ou partisans. Comment ne pas réclamer plus de vertu là où le népotisme se drape dans un nouvel ordre moral, là où l’arbitraire et le fait du prince se substituent à l’Etat de droit et là où la loi du silence fait office de transparence et de débat contradictoire.
Moquer la vertu, ce n’est pas faire vœu de libéralisme ni de libertinage, c’est railler la démocratie. Or, comment réconcilier le citoyen avec la politique si celle-ci se vautre plus que jamais dans la démagogie qui est le règne des copains et des coquins ?
Lincunable, 18 octobre 2009
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