Lyon, un capital de résistance ?

On connaît mieux Lyon pour ses bouchons du tunnel de Fourvière (1) que pour ceux de la colline du même nom (2). C’est injuste. D’après le billettiste (3) d’un théâtre officiel de Guignol qui a ici pignon sur rue, questionné spécialement à ce sujet, le séjour touristique moyen des visiteurs extérieurs est de 1,7 nuits. A croire que le glorieux passé d’un modeste oppidum romain érigé en capitale des Gaules par Auguste (l’empereur Claude lui-même y naîtra) a été vite oublié. A croire aussi que la primature de son archevêché donnant la suprématie sur tous les autres en France ne soulève plus les foules (4). A croire encore que l’activité de la soie développée à la Croix Rousse dans le sillage des foires et marchés en faisant naître la conscience ouvrière (5) a complètement périclité. A croire enfin que la capitale de la Résistance (6) a perdu son capital confiance.

Mon père a séjourné à Lyon de janvier 1943 à décembre 1944. Le souvenir qu’il en a gardé est celui d’une ville murmurante où chacun se méfiait de tout le monde en ne se confiant à personne, mais où le savant maillage d’allées et de traboules permettait d’échapper à des poursuivants éventuels en cas de nécessité (7). Certaines sont de véritables joyaux de style Renaissance, d’autres des monuments historiques du XIXème siècle, comme cette « Cour des Voraces » à la Croix Rousse où des canuts s’illustrèrent par leur insurrection et leurs combats de rue féroces au cours de la dernière révolte de 1848 (8). Mon père a travaillé dans un de ces ateliers, peignant des motifs payés à la pièce. En contrebas, place Bellecourt, sous la queue du cheval de louis XIV par Lemot, orienté Nord-Ouest vers Versailles, on se donne toujours rendez-vous, mais plus pour se faire la cour que pour faire sa cour, en devinant, dans l’ombre du Roi-Soleil, l’ombre de Jean Moulin qui avait aussi ses entrées à la brasserie Georges, près de la gare de Perrache. A noter encore que, du primaire au secondaire, plusieurs établissements scolaires portent le nom de Lucie Aubrac qui enseigna à Lyon sous l’Occupation « parce qu’il fallait bien travailler pour vivre », disait-elle. Quant au pont Maréchal Juin, libérateur de la ville, qui enjambe la Saône très opportunément avec une douzaine d’autres, et tout autant pour enjamber le Rhône, il rappelle que la plupart des ponts et passerelles de Lyon furent détruits par les allemands au moment de quitter les lieux, isolant des quartiers entiers les uns des autres ( 9).

Lincunable, 19 juillet 2010

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(1) en raison d’un nœud de communications autoroutières reliant A6 et A7 sur 2 km de long.

(2) restaurants traditionnels où l’on vous met en bouche avant de vous laisser mâchonner.

(3) marionnettiste spécialisé dans la vente des billets de spectacle et non membre d’un club chez Médiapart.

(4) on compte une soixantaine de lieux de cultes catholiques pour l’ensemble des 9 arrondissements : basilique, cathédrale, églises, chapelles, abbaye, monastères…

(5) voire les révoltes des canuts de 1831, 1834 et 1848 (= tisserands travaillant sur machines, notamment le métier Jacquard à partir de 1801).

(6) expression attribuée au collaborationniste Philippe Herriot : http://www.memoire-net.org/article.php3?id_article=129

(7) les allées d’immeubles donnent directement sur une cour formant cul de sac, alors que les « traboules », du latin « trans-ambulare » = « circuler à travers », relient par les pâtés de maisons plusieurs rues entre elles. Il suffit parfois de pousser une porte d’entrée d’immeuble pour accéder à ces passages obscurs. d’autres fois, mieux vaut avoir son trousseau de clefs sur soi : clefs d’allées ou clefs de traboules en principe réservées aux riverains.

(8) http://fr.wikipedia.org/wiki/Cour_des_Voraces